Recrutement

Marque employeur : la finance s’arme pour la guerre des talents

Publié le 24 juin 2025 à 8h00

Sylive Guyony    Temps de lecture 8 minutes

A l’heure où la banque et l’assurance doivent regagner en attractivité, la marque employeur, plus qu’un concept marketing, devient un enjeu stratégique. Le secteur doit concilier son héritage institutionnel avec les attentes nouvelles des collaborateurs d’aujourd’hui et de demain.

Une bonne image auprès des candidats potentiels comme de ses salariés et, plus largement, une bonne réputation en matière de culture d’entreprise, de valeurs, de conditions de travail, mais aussi d’engagement environnemental ou social (l’ESG) : la marque employeur est devenue un enjeu stratégique pour les entreprises du secteur financier. 

Dans la banque comme dans l’assurance, elles peinent en effet à recruter, se retrouvant en concurrence avec d’autres secteurs d’activité en tension (IT, cybersécurité, data science, etc.). Pour remédier à cette situation, leurs plans stratégiques de moyen terme incluent désormais tous un volet « ressources humaines » (RH), tandis que les directions RH doivent  travailler en synergie avec la communication, le marketing et la RSE (responsabilité sociétale des entreprises). « Les puristes de la communication estiment qu’il n’existe qu’une seule marque, celle de l’entreprise, mais derrière l’appellation de “marque employeur” se cache tout ce qu’une entreprise met en œuvre pour attirer des talents et fidéliser ses collaborateurs », explique Frédéric Faye, DRH du groupe Apicil.

Une image à dépoussiérer

Goldman Sachs apparaît ainsi comme une marque d’élite, BlackRock comme un champion de la RSE, Revolut ou N26 comme des employeurs jeunes et agiles.... Dans la guerre des talents, les grands groupes français (BNP Paribas, Société Générale, Axa, etc.) ont toujours fait face à la concurrence internationale. Ils doivent maintenant fourbir leurs armes face aux nouveaux entrants et aux fintechs. Perçues comme agiles et technophiles, ces dernières n’ont pourtant pas tant d’atouts. « La question de la culture d’entreprise et de la mise en place de processus RH n’est soulevée que lorsque les effectifs atteignent 40 personnes. Un responsable RH devient alors nécessaire, pour les évaluations et entretiens annuels, la gestion du turn-over, etc., souligne Bintou Diallo, experte RH à l’Observatoire de la fintech. Il faut atteindre 200 à 300 collaborateurs pour que se mette en place une véritable politique RH. »

S’ils pâtissent d’une image rigide, les grands de la banque française s’adaptent. Ils soignent leur présence sur les réseaux sociaux, valorisent la tech, l’open banking, l’intelligence artificielle, et misent sur les ambassadeurs internes. Dans les classements (Best Place to Work, Capital/Statista. Top Companies LinkedIn, Potentialpark, etc.), on retrouve aussi bien la Banque de France, distinguée pour sa politique RH tournée vers les métiers technologiques, que BoursoBank (groupe Société Générale) saluée comme « excellent employeur » dans ce domaine. Pour les étudiants et jeunes diplômés interrogés par Potentialpark en France, Axa a la meilleure stratégie de marque employeur digitale. Au top 15 de 2025, le groupe Crédit Agricole conserve sa deuxième place, tandis que BNP Paribas en gagne une, se trouvant à la 11e place, derrière BPCE (8e) et devant la MAIF (15e).

Au-delà, les grands du secteur cherchent aussi à valoriser la diversité des carrières au sein de groupes qui exercent dans de nombreux métiers, et dans différents territoires et pays. Qu'il s'agisse de l’assurance ou de la banque, les enjeux de la marque employeur sont comparables. « Le secteur, en tant qu’employeur, est encore insuffisamment connu du grand public, y compris des étudiants, ce qui représente une difficulté pour les attirer, admet Alexis Meyer, directeur social & diversité de France Assureurs. Pourtant, il est créateur d’emplois en net depuis au moins une vingtaine d’années, avec une progression des effectifs de 1 % à 2 % par an depuis la crise du Covid. A cet égard, il se distingue de bien d’autres secteurs de l’économie française. » S’il semble figé et complexe, le secteur aborde pourtant des questions très actuelles (santé, climat, cyber…), offre une diversité de parcours et connaît lui aussi une mutation, avec des métiers en tension. Chaque entreprise met en avant ses atouts : engagement climat fort et métiers technologiques chez Axa, avec des programmes pour jeunes diplômés ; campagnes sur l’innovation en santé, l’IA dans la gestion des risques, et partenariats technologiques chez Generali France ; focus sur les territoires et la proximité humaine chez Groupama, avec une communication forte sur la transmission et l’apprentissage. Globalement, « dans l’assurance, neuf salariés sur dix bénéficient d’une formation chaque année : la possibilité d’y évoluer est réelle », souligne Cathy Riffaut-Chesnel, responsable emploi, formation et diversité de France Assureurs.

Une stratégie RSE désormais essentielle

Pour attirer les nouvelles générations aux attentes fortes en matière de reconnaissance et d’équilibre entre vies professionnelle et personnelle, mais aussi afin de limiter un turnover croissant, la politique de RSE constitue un levier essentiel. Certains se démarquent déjà. Avec son positionnement d’entreprise à mission, la MAIF est ainsi distinguée dans les classements pour ses actions en faveur de l’épanouissement de ses collaborateurs. L’« assureur militant » a même rebaptisé sa DRH « direction des richesses humaines » ! Dans le même registre, le Crédit Mutuel soigne sa marque employeur, reflet de son modèle coopératif mis en avant par son  président, Daniel Baal, ainsi que par son prédécesseur Nicolas Théry, comme le souligne le titre de leur ouvrage commun « Pour une société plus mutuelle: sortir de l’ultra-libéralisme est possible ». Communication territoriale et engagement RSE au sein du groupe Crédit Agricole, valorisation de l’inclusion et des missions d’intérêt général à La Banque Postale : créer une culture d’entreprise forte est également essentiel pour les jeunes cadres en quête de sens.

De même, leurs engagements ESG, illustrés par la « finance verte », font l’objet de communications auprès des candidats qui veulent travailler dans des entreprises responsables et éthiques. Très présent sur LinkedIn ou Instagram, le leader européen BNP Paribas se présente aussi comme un « acteur responsable », une « entreprise engagée et inclusive ». Le groupe communique aussi bien sur l’inclusion et la finance durable que les carrières internationales et les métiers tech.

«Nous favorisons la mobilité, la formation continue et l’acquisition de nouvelles compétences.»

Anne Le Clair directrice pôle ressources humaines, moyens généraux, finance responsable, affaires juridiques ,  Arkéa Banque Entreprises et Institutionnels

La rémunération, le CDI ou encore le lieu de travail ne constituent plus les seuls critères permettant d’asseoir l’attractivité d’un employeur, constate la mutuelle Mgéfi qui a donc lancé sa première campagne de communication autour de sa marque employeur au printemps. Le semestre précédent, sa maison mère, le groupe Matmut, avait lancé la sienne pour satisfaire son besoin de plus de 1 000 recrutements par an, favoriser l’engagement de ses collaborateurs et donner de la cohérence à toutes les prises de paroles employeur internes et externes. Les travaux de formalisation de sa marque employeur s’inscrivent dans le cadre du plan stratégique, « Objectif : impact ! 2024-2026 ». Il est encore trop tôt pour dire s’ils seront appliqués à HSBC Assurances Vie (France), dont le rachat par la Matmut sera effectif au second semestre 2025.

Un « parcours collaborateur »

Qualité de vie au travail, environnement stimulant, formations, télétravail, etc. : dans un monde en mutation, le « parcours collaborateur » est entré dans le langage des entreprises comme le « parcours client ». Toutes les entreprises financières lui donnent un sens fort. « La marque employeur est bien plus qu’un levier d’attractivité : elle est le miroir de notre culture, de nos engagements et de l’expérience que vivent nos collaborateurs au quotidien. Elle repose sur une cohérence forte entre ce que nous disons, ce que nous faisons et ce que nous incarnons », certifie le DRH d’Apicil, un groupe qui revendique une « expérience collaborateur ambitieuse » avec une stratégie RH, inscrite dans son plan « Impulsions 2028 » du groupe. « Nous cherchons à anticiper et dépasser les attentes de nos clients grâce à des équipes hautement qualifiées et engagées », poursuit Frédéric Faye . La stratégie est comparable chez Arkéa Banque Entreprises et Institutionnels, dont le « collectif engagé » a une place à part entière dans son plan stratégique, « Faire 2030 ». La banque calcule un score « d’expérience et d’épanouissement dans le travail au quotidien », aujourd’hui supérieur à 65 %, et un taux de recommandation de l’entreprise qui doit croître sur la durée du plan. « Notre ambition est de mobiliser et d’impliquer chaque collaborateur et chaque équipe pour apporter la meilleure réponse collective à nos clients et à nos objectifs de performance globale, explique Anne Le Clair, sa directrice du pôle ressources humaines, moyens généraux, finance responsable, affaires juridiques. A cet effet, nous favorisons la mobilité, la formation continue et l’acquisition de nouvelles compétences. Ainsi, nous anticiperons les mutations de nos métiers et renforcerons notre capacité à innover et entreprendre. » Quelle que soit leur taille ou leur spécialité, chacun avec ses particularités, les acteurs de la banque et de l’assurance mettent ainsi leur marque employeur au service d’une stratégie plus large et d’un projet collectif.

L'info financière en continu

Voir plus

Dans la même rubrique

DAF et DSI, partenaires des projets de transformation

Alors que les entreprises et en particulier les départements financiers sont engagés dans des...

Dans la banque et l'assurance, se former en travaillant, c’est possible

Pour le secteur de la banque et de l’assurance, la formation professionnelle représente un enjeu...

Les analystes ESG tentés de revenir vers la finance pure

Les récentes évolutions de la réglementation sur la CSRD pourraient, dans les mois à venir, impacter...

Voir plus

Chargement en cours...

Chargement…