Recrutements

Les trésoreries prennent un coup de jeune

Publié le 3 juillet 2015 à 16h30

Arnaud Lefebvre

Sous l’effet d’une complexité croissante des problématiques associées à la trésorerie et de créations de poste de plus en plus nombreuses, les entreprises ciblent les jeunes trésoriers issus de formations spécialisées. En raison d’un vivier de candidats restreint, les perspectives d’évolution sont pour ces derniers significatives.

Pour les jeunes trésoriers à la recherche d’un emploi, les perspectives sont actuellement au beau fixe. «Nous n’avons jamais reçu autant d’offres de postes à pourvoir que depuis le début de l’année, confie Erwan Le Saout, responsable de la formation “master management M2 trésorerie d’entreprise” à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne. La période est florissante pour nos diplômés.» A Rennes, où est également dispensée une formation consacrée à cette profession, le son de cloche est identique. «Les grands groupes, comme Chanel, Technip ou Colas, ainsi que quelques ETI nous font régulièrement part de leur volonté d’embaucher un trésorier assistant ou un trésorier junior, signale Marc Gaugain, responsable de la spécialité trésorerie du master finance de l’IGR-IAE de l’université Rennes-I. Pour les étudiants que nous formons, il n’existe clairement pas de problème d’insertion.»

Des formations très complètes

Cette situation s’explique d’abord par le nombre croissant d’entreprises de taille moyenne ou intermédiaire qui décident de créer un département en charge de la trésorerie. «Plusieurs entreprises de Rennes ou de Bretagne ont récemment fait ce choix, à l’image de Groupe Legendre (BTP) ou de Groupe Salaün (tourisme)», illustre ainsi Marc Gaugain. Une telle décision découle le plus souvent soit du développement de la société, dont le changement de dimension implique de mieux maîtriser les flux, soit d’une exposition plus marquée à des marchés non domestiques, ce qui peut nécessiter de s’entourer d’un collaborateur chargé de gérer notamment le recouvrement des factures et le risque de change.

Dans ces cas, les profils de jeunes trésoriers sont très prisés, notamment pour des raisons budgétaires. «Lorsqu’il s’agit d’une création de poste, les PME-ETI disposent généralement d’une enveloppe salariale limitée, rappelle en effet Sylvie Haldi, senior manager chez Robert Half Finance et comptabilité. Cette contrainte profite aux jeunes collaborateurs affichant un bon niveau de formation en finance d’entreprise ainsi que d’une, voire de deux expériences professionnelles.» Une situation confirmée par des jeunes trésoriers. «A l’issue de mon master en apprentissage de l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, j’avais été embauchée au sein du groupe Alcatel-Lucent, témoigne par exemple Cindie Choisi, actuelle trésorière chez Naturex. Face aux difficultés de la société, j’avais postulé fin 2012 à une offre du groupe industriel iXBlue, qui recherchait un trésorier dans le cadre d’une création de poste. Malgré mon âge, 23 ans, et les missions à réaliser, comme la mise en place d’un programme de billets de trésorerie et un autre d’affacturage, le fait d’avoir suivi un cursus formant à l’ensemble des prérogatives d’un trésorier a d’emblée convaincu les dirigeants.»

Des profils très sollicités

Selon des spécialistes en trésorerie, cette tendance devrait perdurer. Alors que le nombre de postes de trésoriers à pourvoir dans les entreprises est appelé à augmenter, sous l’effet notamment de l’importance prise par la gestion du cash depuis le début de la crise, ce métier souffre d’abord d’un déficit de notoriété auprès de nombreux financiers (voir encadré).

De plus, il est souvent perçu comme une voie offrant peu de débouchés… en dehors de la trésorerie. «Compte tenu de la spécificité des tâches à accomplir, les mobilités horizontales en interne sur d’autres métiers de la finance sont moins évidentes pour un trésorier que pour un contrôleur de gestion par exemple, explique Mikaël Deiller, senior executive manager chez Michael Page. Cette situation est à prendre en considération dans son orientation de carrière.» Dans ce contexte, les jeunes trésoriers bénéficient donc de nombreuses opportunités. «Alors que je n’ai que 25 ans, je suis fréquemment contacté par des cabinets de recrutement, mandatés par des ETI et des grands groupes», souligne le trésorier d’un groupe du CAC 40. Des sollicitations qui se traduisent par des évolutions de carrière rapides, tant sur le plan salarial que sur celui des prérogatives accordées. «Alors que j’ai rejoint Naturex il y a un an environ, je me suis déjà vu confier, à 26 ans, la gestion des systèmes d’information, de la couverture des changes, du financement et de la trésorerie», précise Cindie Choisi. Un exemple de montée en compétences précoce loin d’être isolé, également perceptible dans les sociétés de grande taille. «Diplômé et recruté par ArcelorMittal en 2012, j’ai rapidement occupé des fonctions de manager, en devenant responsable adjoint du back-office financial transactions, explique Dimitar Ganev. Récemment, je viens même d’être promu responsable de ce dernier, avec sept personnes sous ma responsabilité.» Autant de trajectoires couronnées de succès qui, comme l’espèrent les directions financières, pourraient susciter des vocations.

Outre les PME-ETI, les grands groupes apprécient eux aussi les jeunes collaborateurs issus de ces formations spécialisées. «Lorsque j’ai intégré le “master management M2 trésorerie d’entreprise” de l’université Panthéon-Sorbonne et que j’ai dû trouver une entreprise pour effectuer mon apprentissage, j’ai reçu, à peine mon CV envoyé à l’université, de nombreuses offres de grandes sociétés, affirme Dimitar Ganev, désormais responsable de l’équipe back-office financial transactions chez ArcelorMittal. Le groupe sidérurgiste, qui cherchait un collaborateur en charge notamment de la stratégie de couverture, m’avait alors contacté, attiré notamment par le fait que ces problématiques assez complexes faisaient l’objet d’un traitement approfondi dans le cadre du master.» Cette approche est partagée par de nombreuses sociétés de grande taille. «Qu’il s’agisse par exemple des aspects de monétique, de pilotage des solutions informatiques de type SwiftNet ou de gestion des règlements, les thématiques liées à la trésorerie tendent à gagner en complexité, souligne le directeur financement et trésorerie d’un groupe de médias. Alors que la réglementation et que les techniques évoluent souvent, certains trésoriers seniors peinent à actualiser leurs connaissances. Ce n’est pas le cas des jeunes trésoriers issus d’un cursus spécialisé, qui sont quant à eux au fait des règles et des meilleures pratiques du moment. En conséquence, nous apprécions de recruter ce type de profils pour les postes de middle et back-office.» De quoi rendre, pour ces derniers, le marché extrêmement porteur. «A ce jour, la demande est sans conteste supérieure à l’offre, remarque Cindie Choisi. En tant que jeunes trésoriers, nous avons véritablement l’embarras du choix.»

Un métier relativement méconnu

·      Alors que la demande des entreprises pour des trésoriers est actuellement soutenue, les formations universitaires spécialisées font état depuis quelques années d’un recul des vocations. «A l’instar de l’ensemble des masters en finance, nous assistons depuis deux ans à une érosion des candidatures, constate Erwan Le Saout, responsable de la formation “master management M2 trésorerie d’entreprise” à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne. Cette année, nous avons ainsi reçu 108 dossiers d’inscription, contre 140 lors des meilleures années. Fort heureusement, nous constatons une hausse de la qualité des candidats, à la grande satisfaction des entreprises recrutant des apprentis.» A Rennes, la tendance est identique. «Auparavant, les promotions comptaient 20 à 22 étudiants en moyenne, rappelle Marc Gaugain, responsable de la spécialité trésorerie du master finance de l’université Rennes-I. Depuis deux ans, l’effectif est retombé à 17-18 étudiants.»

·      Cette évolution serait d’abord liée à la crise, qui aurait détourné de nombreux étudiants du milieu de la finance. D’autres facteurs, propres à la profession de trésorier, expliqueraient également cette tendance. D’abord, ce métier semble souffrir d’un déficit de notoriété. «Beaucoup de personnes, notamment parmi les jeunes, n’ont pas d’idée précise concernant les fonctions que recouvre ce poste», admet Erwan Le Saout. Des lacunes que la plupart des cursus, y compris financiers, ne permettent pas de combler. «Durant ma formation à l’Edhec, je n’ai jamais suivi de cours sur la trésorerie, témoigne Dimitar Ganev, head of back-office financial transactions chez ArcelorMittal. C’est seulement lors de mon année de césure au sein d’une université au Royaume-Uni que j’ai découvert cette discipline et décidé ensuite de m’inscrire en master trésorerie de l’université Panthéon-Sorbonne.»

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