Des dérapages budgétaires mais pas de relance keynésienne en zone euro

Publié le 26 août 2016 à 15h51

Yvan Mamalet

La relance budgétaire semble être revenue à la mode : après le Canada, le Japon vient d’annoncer un nouveau stimulus alors que le FMI et la BCE ont récemment plaidé pour «une politique fiscale favorable à la croissance». Cependant, la zone euro ne devrait pas céder à ce retour en grâce des politiques keynésiennes, et ce malgré l’assouplissement récent des règles budgétaires que représente la non-sanction du Portugal et de l’Espagne dans le cadre du pacte de stabilité. Ceci dit, les craintes liées aux conséquences du Brexit et l’agenda politique chargé mèneront à de nouveaux dérapages budgétaires.

Une situation budgétaire solide en agrégé mais toujours fragile en réalité

L’amélioration du solde budgétaire de la zone euro depuis la crise financière est impressionnante : il a atteint – 2,1 % du PIB en 2015 contre – 6,3 % en 2009. En outre, le déficit et la dette publique (mesurés selon les mêmes critères) sont inférieurs à ceux des principales économies mondiales. En combinant cette bonne santé relative au programme d’assouplissement quantitatif de la BCE, la zone euro devrait, à première vue, disposer de marges de manœuvre budgétaire élevées.

Cependant, la réalité est tout autre : la zone euro n’étant pas une union budgétaire, les larges divergences entre pays membres doivent être prises en compte. De fait, l’Allemagne affichait un excédent budgétaire de 0,7 % du PIB en 2015 contre un déficit de 5,1 % en Espagne et selon nous, quatre pays (France, Espagne, Grèce et Portugal) auront toujours un déficit supérieur à 3 % du PIB en 2016. De plus, une grande partie de l’amélioration des finances publiques depuis deux ans apparaît clairement cyclique, liée au rebond de la croissance – et en partie de la baisse des taux – et non pas de nature structurelle. Les finances publiques de nombreux pays membres semblent donc fragiles et vulnérables à tout choc externe.

Marges de manœuvre limitées en 2017-2018…

Ainsi, les marges de manœuvre budgétaire apparaissent limitées. La politique fiscale devrait d’ailleurs rester proche de la neutralité en 2017-2018, même si les Etats membres continueront à bénéficier des clauses du pacte de stabilité et de croissance (PSC) et des effets indirects de la baisse des taux.

Tout d’abord, le PSC dispose de plusieurs clauses permettant d’alléger l’effort budgétaire (clause sur l’investissement, sur les réformes ou clause relative à la position dans le cycle), qui ont été utilisées au cours des années passées par l’Italie ou la France notamment. Non seulement ces règles pourront s’appliquer à d’autres pays mais la décision récente de ne pas sanctionner l’Espagne et le Portugal dans le cadre du PSC plaide pour de nouveaux dérapages budgétaires en 2017, surtout dans une année électorale (France, Allemagne, Pays-Bas) ou préélectorale (Italie). Ceci dit, le PSC et en particulier les processus de surveillance demeurent une force de rappel et devraient prévenir la mise en place d’importantes mesures de relance.

En second lieu, les pays de la zone euro bénéficieront (comme depuis 2012) des effets induits de la politique monétaire. En effet, la baisse des taux d’emprunt d’Etats s’est traduite par une réduction de la charge de la dette de 0,6 % du PIB depuis 2012. Tendance qui devrait se poursuivre en 2017-2018 et sera vraisemblablement dans bien des cas utilisée pour soutenir la croissance plutôt que pour réduire les déficits.

… même en cas de nouvelle récession

Mais, comme mentionné plus haut, l’amélioration récente des finances publiques tient pour une grande part au rebond du cycle. De plus, en 2016, la dette publique ne devrait, au mieux, que se stabiliser sur des niveaux élevés, notamment en Italie, au Portugal, en Espagne voire en France. Ainsi, de nombreux pays de la zone euro sont clairement sous le risque d’un retournement de tendance économique. Or, en cas de nouvelle récession, sous le coup des seuls stabilisateurs automatiques, les déficits publics espagnols, français et portugais seraient à nouveau proches de 5 % du PIB alors que le déficit italien avoisinerait 4 %. Seule une poignée de pays conserverait un déficit inférieur à 3 % du PIB, en particulier l’Allemagne (déficit de l’ordre de 1,5 %.)

Les marges de manœuvre budgétaires semblent donc limitées, même – ou surtout – pour faire face à une nouvelle crise. Elles pourraient néanmoins augmenter grâce aux mesures supplémentaires que la BCE ne manquerait pas de mettre en place, dans la mesure où ces dernières permettraient de contenir les tensions de marchés. Mais, même dans ce contexte, un plan de relance d’envergure (similaire à celui de 2009-2010) apparaît clairement peu probable pour la grande majorité des pays de la zone euro.

Yvan Mamalet

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