La répression financière est une punition pour l’épargnant… mais une aubaine pour l’investisseur de long terme
Les tensions sur les marchés obligataires reviennent sur le devant de la scène. Après un premier «avertissement» il y a quelques semaines, les taux d’intérêt des pays du cœur de la zone reprennent un peu de hauteur. Nous entrons sans surprise dans une période de volatilité plus élevée. La remontée de la volatilité n’est pas pour déplaire à Mario Draghi, ce qui explique ses propos en la matière. La BCE accueille sans doute favorablement la clôture de paris trop monodirectionnels, dans la mesure où cela va contribuer à redonner de la liquidité aux marchés des titres souverains.
Faut-il craindre la poursuite de la remontée des taux ? La réponse est non, car elle serait de courte durée. Rappelons que le programme d’achats de titres de la BCE n’en est qu’à ses débuts (moins de 20 % des achats de titres programmés ont été réalisés). Par ailleurs, la reprise en zone euro est une reprise cyclique liée à la baisse de l’euro, des taux d’intérêt et du prix du pétrole. La remontée des taux d’intérêt étoufferait vite la reprise. Rappelons que l’investissement privé reste encore le grand absent. Enfin, la croissance potentielle s’est beaucoup affaiblie dans la plupart des pays avancés et notamment en zone euro. Or parallèlement l’endettement total au sein de la zone euro (ménages, entreprises non financières et Etats) a presque autant augmenté entre 2008 et 2014, qu’entre 2000 et 2008 (avec respectivement 178 % du PIB en 2000, 201 % en 2008 et 220 % en 2014) !
Les objectifs de la BCE ne concernent pas seulement le court terme. Sa politique vise à maintenir des taux d’intérêt réels durablement très faibles pour assurer les conditions d’un «deleveraging ordonné». A charge pour les gouvernements de mettre en place les réformes nécessaires pour augmenter le potentiel de croissance (marché du travail, retraites, politique de la concurrence, etc.). Tout cela prendra des années.
En attendant, le corollaire de cette politique de QE est un effet d’aubaine pour les investisseurs de long terme – ceux qui peuvent faire abstraction d’un regain de volatilité à court terme et qui ont su, ou qui sauront, rééquilibrer leurs portefeuilles vers des actifs risqués, au premier rang desquels on trouve les actions.
Didier Borowski est responsable de la recherche sur les politiques macroéconomiques au sein de l’Amundi Investment Institute. Auparavant, il a exercé plusieurs fonctions : responsable de la stratégie Taux et Changes, co responsable de l’équipe de Stratégie et Recherche économique, responsable de la macroéconomie puis plus récemment responsable global views. Avant de rejoindre Amundi, il était économiste et stratégiste senior de Société Générale Asset Management (2000-2009). Didier Borowski a commencé sa carrière au sein de la Direction de la Prévision du Ministère de l’économie et des finances. Il a également exercé les fonctions d’expert auprès de la Commission européenne. Didier Borowski est Docteur ès sciences économiques. Il a été Professeur associé à l’Université Paris Nord (2007-2011) puis a enseigné plusieurs années à l’université Paris-Dauphine.
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