Les marchés plus forts que la Fed ?

Publié le 27 mars 2015 à 16h52

Thierry Million

Comme prévu, le FOMC a retiré de sa «forward guidance» la mention indiquant qu’il pouvait être «patient» pour normaliser sa politique monétaire. Ce changement ouvre la porte à une hausse de taux en juin pour peu que les conditions économiques le justifient. Cependant, la tonalité «dovish» du discours de Mme Yellen et ses révisions à la baisse des prévisions macroéconomiques ont finalement conduit les marchés à repousser au quatrième trimestre les anticipations de relèvement des taux directeurs.

Systématiquement depuis quatre ans, la Fed surestime la croissance et l’inflation. A l’inverse, elle pêche par pessimisme sur l’emploi, biaisé, il est vrai, par le déclin du taux de participation et de la productivité. Les marchés l’ont bien compris. Les taux courts aux Etats-Unis (Fed Funds Futures) se positionnent invariablement en dessous de la médiane des fameux «dots», niveaux cibles considérés comme appropriés par les membres de l’institut monétaire. Aujourd’hui, la Fed prévoit un taux de long terme des Fed Funds à 3,75 %, alors que le niveau d’équilibre en 2019 des futures s’élève à 2,25 %. Les investisseurs estiment donc que la croissance potentielle américaine a significativement baissé autour de 2 % et que le niveau de chômage pour lequel la progression des salaires ferait remonter l’inflation ne se situe pas à 5,1 % mais plutôt à 4,5 %. Les opérations de QE successives ont certes permis de restaurer les canaux financiers, mais la reprise économique paraît incapable de se pérenniser sans stimulation.

C’est pourquoi la Fed reste «dovish» par obligation, car elle n’a que peu de marge de manœuvre. Se refusant à répéter les erreurs des années 1930, elle préfère prendre le risque de remonter ses taux trop tardivement. De surcroît, il est dangereux pour la Fed d’être à contre-courant de ses consœurs européenne et japonaise qui inondent les marchés de liquidités.

Thierry Million Directeur de la gestion obligataire ,  Allianz Global Investors France

Thierry Million est directeur de la gestion obligataire d'Allianz Global Investors France. Ingénieur diplômé en Informatique de l’Institut de Recherche polytechnique de Mulhouse, titulaire d’un DESS en finance de l’Institut Supérieur de Gestion et diplômé de la SFAF, Thierry Million débute sa carrière en 1987 en tant que courtier et responsable de la Trésorerie chez Dynabourse. Il est ensuite gérant obligataire à la Banque Vernes. En 1994 il rejoint Dresdner RCM Gestion en tant que directeur de la gestion obligataire. En 2001 il devient Responsable des activités Product Management et Conseil d’AGF Asset Management. A partir de 2003, il prend la responsabilité des portefeuilles diversifiés des institutionnels et entreprises, ainsi que de la recherche quantitative et économique. En 2006, il est nommé directeur de la recherche économique et quantitative et du Conseil, puis directeur de la gestion obligataire d’Allianz Global Investors en 2008. Depuis 2013, il est directeur de la gestion obligataire institutionnelle.

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