L’inflation va-t-elle finir par ralentir ?
En zone euro, l’inflation totale a déjà commencé à ralentir : après avoir atteint un point haut en octobre dernier à 10,6 %, elle a ralenti à 6,9 % en mars. Le bouclier tarifaire ayant limité la hausse des prix, la baisse est moins importante en France, mais les pressions inflationnistes s’atténuaient également, permettant à l’inflation de redescendre à 5,7 %. Toutefois, cette baisse s’explique uniquement par les effets de base sur les prix des matières premières, qui devraient continuer à jouer dans les prochains mois et contribuer à faire baisser l’inflation totale.
La tendance est plus incertaine pour l’inflation sous-jacente, c’est-à-dire en excluant les éléments les plus volatils, comme l’énergie et l’alimentation. Pour l’heure, elle est toujours en phase d’accélération, en zone euro comme en France, où, à 6,2 %, elle dépasse désormais l’inflation totale. Néanmoins, le rééquilibrage progressif de l’offre et la demande devrait permettre la diminution des pressions inflationnistes sous-jacentes, plutôt sur la seconde moitié de l’année.
Du côté de l’offre, certaines tensions dans les chaînes d’approvisionnement demeurent mais sont en train de disparaître progressivement. La réouverture de la Chine devrait faciliter ce processus. Preuve de l’amélioration de la situation, la dernière enquête de la Banque de France indique que 30 % des entreprises industrielles déclaraient en mars des difficultés d’approvisionnement, contre un point haut à plus de 64 % il y a un an. Les progrès sont toutefois nettement moins marqués sur les difficultés de recrutement, qui concernent encore 52 % des chefs d’entreprise interrogés.
Cette solidité de l’emploi, conjuguée au soutien encore important des gouvernements, a permis à la demande domestique de rester relativement soutenue. Elle devrait tout de même se tasser, affectée par la dégradation prolongée du pouvoir d’achat et par le resserrement monétaire, qui limite l’accès au crédit. La consommation était déjà en net recul fin 2022 (- 1,1 % en France sur le quatrième trimestre). Les rares indicateurs avancés suggèrent qu’elle restera probablement contrainte début 2023. En effet, la confiance des ménages est particulièrement dégradée depuis l’été dernier et ne montre aucun signe d’amélioration. Le taux d’épargne commence d’ailleurs à remonter, suggérant que les ménages ne sont plus enclins à puiser dans les réserves accumulées lors de la crise du Covid. De la même manière, l’investissement a marqué le pas en fin d’année dernière, probablement affecté par la hausse des coûts de financement ; les récentes turbulences sur le secteur bancaire, si elles ne présagent probablement pas d’une crise majeure, devraient accentuer les difficultés d’accès au crédit, à la fois pour les ménages et les entreprises.
Le resserrement monétaire devrait donc finir par atteindre son objectif : freiner l’activité, pour permettre un ajustement à la baisse des prix. L’inflation devrait ainsi poursuivre sa baisse tout au long de l’année, d’abord grâce aux effets de base sur les matières premières puis, de façon plus progressive, à travers le rééquilibrage de l’offre et la demande pour l’inflation sous-jacente.
A moyen terme, en revanche, certains changements structurels – qui se sont d’ailleurs accélérés avec les dernières crises – devraient se traduire par une inflation durablement plus élevée que lors de la dernière décennie : démondialisation et réindustrialisation des pays développés, transition écologique, indépendance énergétique… autant de facteurs potentiellement positifs pour l’économie mais également inflationnistes. L’inflation se stabiliserait donc plutôt légèrement au-dessus de 2 %, alors qu’on flirtait avec la déflation avant la crise sanitaire. Ce retour de l’inflation devrait se traduire par des taux d’intérêt durablement plus élevés et donc une plus forte attractivité de la classe obligataire, surtout pour des investisseurs au profil prudent qui peuvent désormais espérer un certain rendement en se concentrant sur des actifs considérés comme les plus sûrs. Cependant, il faut souligner que le retour de l’inflation ne change en rien la hiérarchie des classes d’actifs en termes d’espérance de rendement. Les produits monétaires ne suffiront probablement toujours pas à couvrir l’inflation ; pour cela, la diversification des investissements à travers des actifs présentant une prime de risque restera nécessaire.