Remontée des taux longs : quelles menaces ?

Publié le 19 juin 2015 à 16h09    Mis à jour le 19 juin 2015 à 18h13

Thierry Million

En quelques semaines, les taux d’intérêt en zone euro sont remontés brutalement de quasiment 0 % à près de 1 %, sur le Bund à dix ans allemand. Ainsi, la moitié de la baisse entamée depuis la fin de 2013 a été effacée. Les incertitudes entourant les négociations entre la Grèce et ses créditeurs les ont ramenés vers 0,75 %, mais l’ampleur du mouvement reste significative. Cette hausse des coûts de financement menace-t-elle la zone euro ?

Dans le secteur privé, les conditions d’accès au crédit sont aussi importantes que le niveau des taux, et elles dépendent plutôt du degré d’incertitude économique et de la solvabilité perçue des emprunteurs. Le bilan des banques s’étant consolidé, tout comme celui des entreprises, la distribution du crédit n’est plus entravée. Les indicateurs s’y rattachant, publiés par la BCE, confirment l’expansion des prêts au secteur non financier.

En ce qui concerne le secteur public, l’équation est plus complexe dans un contexte où le poids de la dette rapportée au PIB est passé de 66 % à 92 % en sept ans. A court terme, la hausse des taux est relativement indolore, grâce au lissage engendré par l’extension de la maturité moyenne de la dette. Son service (paiement des intérêts) s’élève, mais n’excède pas encore les niveaux de taux budgétés dans le programme de stabilité (1,20 % en 2015, 2,10 % en 2016 pour la France). A plus long terme, des coûts d’emprunt plus élevés vont à l’encontre de la capacité de désendettement. Les pays périphériques sont les plus exposés. Ainsi, le BTP italien à dix ans a vu ses taux s’accroître de 1,20 % à 2,33 % aujourd’hui. Le cumul de la hausse des taux et de la prime de crédit en double le contrecoup et, si la hausse s’amplifie, risque de créer une spirale d’insolvabilité.

Mais la BCE veille. Son taux de dépôt négatif pour une durée indéterminée et ses achats mensuels limiteront de facto toute hausse des taux longs qui deviendrait prohibitive et dangereuse.

Thierry Million Directeur de la gestion obligataire ,  Allianz Global Investors France

Thierry Million est directeur de la gestion obligataire d'Allianz Global Investors France. Ingénieur diplômé en Informatique de l’Institut de Recherche polytechnique de Mulhouse, titulaire d’un DESS en finance de l’Institut Supérieur de Gestion et diplômé de la SFAF, Thierry Million débute sa carrière en 1987 en tant que courtier et responsable de la Trésorerie chez Dynabourse. Il est ensuite gérant obligataire à la Banque Vernes. En 1994 il rejoint Dresdner RCM Gestion en tant que directeur de la gestion obligataire. En 2001 il devient Responsable des activités Product Management et Conseil d’AGF Asset Management. A partir de 2003, il prend la responsabilité des portefeuilles diversifiés des institutionnels et entreprises, ainsi que de la recherche quantitative et économique. En 2006, il est nommé directeur de la recherche économique et quantitative et du Conseil, puis directeur de la gestion obligataire d’Allianz Global Investors en 2008. Depuis 2013, il est directeur de la gestion obligataire institutionnelle.

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