Près d’un an après sa première présentation à l’Assemblée nationale, la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des sociétés donneuses d’ordres a été transmise au Sénat le 24 mars 2016 pour une deuxième lecture et adopté en deuxième lecture par l’Assemblée nationale le 23 mars 2016.
Par Isabelle Eid, counsel, DLA Piper
Malgré un premier rejet par le Sénat le 18 novembre 2015, le texte actuellement en cours d’examen ne comporte qu’une seule modification : la mention «droits de l’homme» citée dans l’article 1 est désormais remplacée par «droits humains».
Retour sur les objectifs et les enjeux d’une proposition de loi aux multiples facettes (laquelle, si elle était adoptée au bout de son parcours législatif, s’inscrirait dans la droite ligne du UK Bribery Act dont l’un des objectifs en matière de corruption est de responsabiliser les entreprises, à la fois par des sanctions plus lourdes et quantifiables et par l’incitation à la prévention par la mise en place de mesures de conformité)1.
En l’attente de l’examen par le Sénat, il est possible d’observer l’objectif de la proposition de loi (1), son contenu et notamment les sanctions prévues (2), mais également les interrogations suscitées par le texte (3). Enfin, à titre indicatif, un calendrier rappelle le processus législatif depuis la première lecture du texte (4).
1. Un objectif de responsabilisation des entreprises françaises
Cette proposition a pour but d’insérer deux nouvelles dispositions relatives aux sociétés anonymes dans le Code de commerce, à savoir les articles L. 225-102-4 et L. 225-102-5 au sein du chapitre V relatif aux sociétés anonymes.
L’article 1er relatif au devoir de vigilance énonce que les sociétés mères et les sociétés donneuses d’ordres doivent mettre en place un plan de vigilance afin de :
– prévenir différentes atteintes aux droits humains (et non plus «droits de l’homme» mentionné dans la précédente version du texte, rejeté par le Sénat le 18 novembre 2015) et aux libertés fondamentales ;
– prévenir la survenance de dommages corporels ou environnementaux graves ou de risques sanitaires ;
– prévenir les comportements de corruption active ou passive.
2. Ce que prévoit la proposition de loi
Seules les entreprises qui à la clôture de deux exercices consécutifs :
– emploient au moins cinq mille salariés et dont le siège social est situé sur le territoire français, ou
– emploient au moins dix mille salariés en leur sein et dans leurs filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français ou à l’étranger,
seront tenues d’un devoir de vigilance.
En l’état actuel des choses, l’article 1er de la proposition vise indistinctement :
– les activités de la société mère,
– celles des sociétés qu’elle contrôle directement ou indirectement,
– ainsi que celles des sous-traitants et fournisseurs avec lesquels elles entretiennent une relation commerciale établie.
A noter : la notion utilisée par la proposition dans son article 1er est large et renvoie au contrôle exclusif au sens de l’article L. 233-16 II du Code de commerce.
S’agissant du devoir de vigilance, celui-ci se caractérise par un double devoir d’établissement et de mise en place effective d’un plan de vigilance visant à prévenir :
– les atteintes aux droits humains et aux libertés fondamentales,
– les dommages corporels ou environnementaux graves,
– les risques sanitaires,
– et les comportements de corruption pouvant survenir tout au long de la vie des affaires.
A noter que la proposition prévoit que le plan a...