L’une des innovations majeures de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations est l’introduction en droit civil des notions d’imprévision et de violence économique. Des conséquences importantes sont à prévoir pour les entreprises en matière de procédures collectives.
Par Julie Cittadini , avocate counsel, et Alexae Fournier-de Faÿ, avocate counsel, LPA-CGR Avocats
«Ce que rien n’effacera, ce qui vivra éternellement, c’est mon Code civil», Napoléon Bonaparte.
Longtemps attendue, largement débattue, l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 introduit 332 nouveaux articles dans le Code civil applicables à tous les contrats conclus ou renouvelés à partir du 1er octobre 2016 afin de rendre notre droit des contrats plus simple, plus moderne et plus attractif.
A la fois réceptacle et paratonnerre du droit commun des obligations, le droit des entreprises en difficulté figurant au livre VI du Code de commerce entretient un rapport complexe au droit des contrats selon qu’il lui permet ou non d’assurer la poursuite de l’activité économique des entreprises, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.
Tout l’enjeu pour les praticiens consiste donc à s’interroger sur l’impact de la réforme du droit des contrats sur le droit des procédures collectives.
La doctrine majoritaire s’accorde pour considérer que depuis son entrée en vigueur, l’ordonnance précitée a une influence relative sur le droit des entreprises en difficulté.
Certaines de ces dispositions pourraient néanmoins avoir une incidence pratique.
1. L’imprévision
L’une des innovations majeures de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations est l’introduction en droit civil de la notion d’imprévision, à l’article 1195 du Code civil.
Celle-ci opère un changement radical avec la jurisprudence antérieure visant à refuser de manière systématique la notion d’imprévision depuis le célèbre arrêt «Canal de Craponne»1.
Se pose donc la question de l’interaction de cette notion d’imprévision avec le droit spécial des procédures collectives.
Cette question se pose à ce titre, tant avant l’ouverture de la procédure collective concernant les critères permettant l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de sauvegarde, qu’une fois que la procédure est ouverte au regard du principe de la continuation des contrats en cours.
1.1. La notion d’imprévision avant l’ouverture de la procédure collective
L’introduction de la théorie de l’imprévision permettrait désormais au débiteur, avant toute demande d’ouverture de procédure, par exemple lors d’une procédure de conciliation, de saisir le juge afin d’obtenir la renégociation ou à défaut la résiliation d’un contrat dont l’exécution serait devenue trop onéreuse pour lui, lui permettant ainsi de tenter d’éviter de recourir à une procédure collective.