Dans un arrêt en date du 31 mars 2017 (CE 31 mars 2017 n° 383129, Senoble Groupe Services), le Conseil d’Etat juge que la requalification d’un abandon de créance en apport de fonds au sens du droit fiscal français ne peut pas se déduire de la seule qualification de «supplément d’apport mis en réserve» donnée selon les règles comptables anglaises.
Par Jean-Christophe Bouchard avocat, NMW avocats
Le litige portait sur une situation antérieure au 4 juillet 2012, date à partir de laquelle s’applique désormais le principe de l’interdiction de déduction des pertes résultant d’un abandon de créance à caractère financier posé à l’article 39, 13 du CGI. Toutefois, l’intérêt majeur de cet arrêt réside plutôt dans l’incidence du droit étranger sur la qualification fiscale d’une opération réalisée en France.
Au cas particulier, au titre de l’exercice 2008, une société française, la société Senoble Holding, devenue Senoble Groupe Services, avait consenti un abandon de créance d’un montant de 799 832 euros au profit d’une filiale anglaise, la société Elisabeth The Chief Ltd.
L’administration fiscale française a remis en cause la déductibilité de l’abandon de créance au motif qu’il constituait un supplément d’apport non imposable au sens du droit anglais.
La position retenue par l’administration fiscale française consistait à adopter un parallélisme des traitements fiscaux entre l’Angleterre et la France, et à considérer que puisque le droit comptable anglais traitait une telle opération comme un apport mis en réserve dans le compte «profit and loss reserve» qui ne constitue pas un produit de l’exercice, il convenait dès lors de qualifier une telle opération comme un apport et non comme une charge.
L’administration estimait qu’elle était tenue par les écritures comptables anglaises en application de la jurisprudence Immobilière GSE dans laquelle le Conseil d’Etat a procédé à l’analyse du droit portugais pour juger que les sommes versées par la société mère française à ses filiales portugaises constituaient un apport sans intérêt et non des aides financières (CE 7 septembre 2009 n° 303560).