La révocation du dirigeant d’entreprise, mandataire social, n’est jamais un acte anodin. Une telle décision des actionnaires vient rompre l’organisation de la gouvernance. Il conclut une opposition frontale entre le pouvoir des associés et le mandat précédemment donné au dirigeant. Tour d’horizon des principaux points clés de cette procédure.
Par Luc Pons, associé, Racine
Lors de la révocation d’un dirigeant social, les principes de libre administration des entreprises, de droits de propriété sur les titres sociaux, de révocabilité ad nutum s’opposent alors à une série de règles légales et/ou jurisprudentielles afférentes à l’existence ou non d’un juste motif de révocation, à la protection des droits de la défense, au principe de loyauté, ainsi également qu’au respect du vote de l’actionnaire (lorsque le dirigeant est aussi actionnaire ou associé) ou même à la protection de la femme enceinte…
Quelles sont les tendances, les limites qui dans l’esprit du législateur, du juge et des praticiens viennent encadrer cet acte de haute autorité légalement possible, possiblement légitime et légitimement violent pour ceux qui le subissent ?
Que l’on soit à l’initiative de la révocation, ou bien qu’il s’agisse de la défense du mandataire social concerné, le processus s’analyse généralement en quatre étapes :
– un motif de révocation doit-il être – nécessairement – invoqué pour y procéder sans risquer une condamnation pécuniaire de l’entreprise (1),
– dans l’alternative, quels sont les «justes motifs» de révocation (2),
– dans tous les cas, il convient de respecter le principe de loyauté dans le déroulement du processus de révocation (3),
– enfin, ce processus est-il susceptible d’annulation au regard du droit des sociétés (4) ?
1. La nécessité, ou non, d’un juste motif de révocation
Les dirigeants sociaux qui peuvent prétendre à des dommages et intérêts si leur éviction n’est pas fondée sur un juste motif sont les suivants : le directeur général et le directeur général délégué d’une société anonyme, les membres du directoire, le gérant d’une société à responsabilité, le gérant d’une société en nom collectif, d’une société en commandite simple ou d’une société civile.
En revanche, les mandataires sociaux suivants peuvent être révoqués même sans (justes) motifs : le président du conseil d’administration d’une société anonyme s’il est également directeur général, le président du directoire (s’il reste membre du directoire), les administrateurs, les membres de conseils de surveillance des sociétés anonymes.