Plus de dix ans après l’ambitieuse réforme du droit des sûretés opérée par l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés (la «Réforme de 2006»), l’Association Henri Capitant vient, à la demande du ministère de la Justice, remettre l’ouvrage sur le métier.
Par Benjamin Guilleminot, avocat counsel, et Benoît Fournier, avocat, CMS Bureau Francis Lefebvre
Un avant-projet de réforme du droit des sûretés (le «Projet»), élaboré par une commission présidée par le professeur Michel Grimaldi, a été publié. Il poursuit le double objectif de renforcer la sécurité juridique et de concourir à l’attractivité du droit français. Ainsi que l’expriment les rédacteurs du Projet, la réforme proposée s’articule autour de trois axes : la poursuite de la Réforme de 2006 (1), les nécessaires ajustements qu’appelle sa décennie d’existence (2) et la nécessaire adaptation du droit des sûretés à diverses réformes liées intervenues postérieurement à 2006 (3).
1. La poursuite de la Réforme de 2006
Les termes restrictifs de la loi d’habilitation de l’ordonnance n° 2006-346 avaient exclu le cautionnement du champ de la Réforme 2006, mais le Projet semble faire de la réforme de ce dernier une priorité. En la matière, on relèvera notamment les évolutions suivantes :
– rétablissement du cautionnement réel que la jurisprudence condamnait depuis 2005 ;
– assouplissement du formalisme de la mention manuscrite, inscrite dorénavant dans le Code civil et sanctionnée par la nullité relative ;
– extension du principe de proportionnalité à toutes les personnes physiques, quelle que soit la qualité du bénéficiaire, et insertion de la règle dans le Code civil ;
– unification de l’obligation d’information de la caution, qui se trouvait jusque lors répartie dans trois codes différents, insérée dans le Code civil ; et
– opposabilité par la caution des exceptions personnelles au débiteur.
L’ambition affichée de la réforme concernant le cautionnement est de tarir le contentieux nourri autour de l’exigence de la mention manuscrite ou du principe de proportionnalité.
2. Les nécessaires ajustements des dispositions issues de la Réforme 2006
A la faveur d’une décennie de travaux doctrinaux et de solutions éprouvées par le droit prétorien, le Projet revient sur certains aspects de la Réforme de 2006, parmi lesquels :
– le régime du gage de meubles corporels, qui fait l’objet de précisions et reconnaît notamment le gage constitué sur des meubles immobilisés par destination ;
– le régime du nantissement de créances, qui précise le caractère exclusif du droit du créancier nanti sur la créance nantie ;
– le régime des sûretés immobilières, qui voit les privilèges immobiliers spéciaux soumis à publicité remplacés par des hypothèques légales ;
– le régime de la publicité des sûretés mobilières, qui prévoit la centralisation des inscriptions de sûretés mobilières sur le fichier national des gages sans dépossession ; ou encore
– le régime des modes de réalisation des sûretés, qui consacre l’obligation de procéder à une expertise lorsque la propriété du bien gagé est acquise en paiement à la suite de la mise en jeu d’un pacte commissoire.
Les rédacteurs du Projet ne se limitent pas à ces améliorations et entendent nettoyer le droit des sûretés d’instruments frappés d’obsolescence. Sont ainsi supprimés le gage commercial, le gage portant sur un véhicule automobile (bien que réintégré dans les dispositions relatives au gage droit commun), les warrants de stocks de guerre et industriels et le privilège de l’hôtelier.
D’autres carences du dispositif existant sont palliées par la création de nouvelles sûretés mobilières portant sur la monnaie scripturale ou les créances cédées à titre de garantie.
3. L’alignement des dispositions existantes sur les autres réformes opérées depuis 2006
Enfin, le Projet entend assurer la conformité...