Retraite, épargne et épargne retraite, éternels sujets, souvent abordés, jamais vraiment
Présentée comme pérenne et équitable, autrement dit garantissant à la fois un équilibre financier à long terme et une pension adéquate aux plus modestes, la réforme de 2013 entend rassurer les Français sur l’avenir du système de retraite.
Or, les enquêtes d’opinion (celle de CSA pour le Cercle des épargnants – février 2014 – ou celle d’Harris pour Deloitte en mars) montrent que les Français sont inquiets quant à leur pension de retraite. Interrogés sur l’âge auquel ils partiront à la retraite, les jeunes voient un âge plus tardif que les moins jeunes et intègrent le recul de l’âge du taux plein à 67 ans ; questionnés sur leur pouvoir d’achat, ils doutent d’un maintien de celui-ci à la retraite.
S’ils ont convenablement intégré l’évolution des pensions à législation donnée, il leur est plus difficile d’évaluer la pérennité des paramètres issus de la réforme de 2013.
A ce stade, afin d’évaluer la probabilité d’une réforme supplémentaire à moyen terme, il est utile de décomposer les mécanismes qui sont à la base du retour à l’équilibre prévu par la réforme de 2013.
Les deux mécanismes aux effets massifs sont l’indexation des pensions sur les prix et non sur les salaires et le retour à un chômage faible.
Le scénario de retour à l’équilibre repose ainsi sur une hypothèse de chômage à 4,5 % en 2030 et ipso facto d’un basculement des excédents de l’Unedic ainsi générés vers l’assurance vieillesse comme prévu par la loi de 2003.
De tels excédents existent dès lors que le taux de chômage baisse en deçà de 7 %, ce qui rend l’hypothèse de chômage à long terme et le rythme de transition entre le taux actuel et «le taux cible» tout à fait centrale. Ainsi, un taux de chômage à 7,5 % (la moyenne depuis 1975) au lieu de 4,5 % monterait le déficit (non compensé par l’assurance chômage) de l’assurance vieillesse à 15 milliards d’euros constants en 2050 (et 12 en 2030).
Quant à l’indexation des pensions sur les prix et non plus sur les salaires, elle génère des économies assez considérables en ne répercutant pas la croissance économique sur les pensions et leur évolution. Avec une hypothèse de croissance à 1,5 % l’an, la «désindexation» rapporte ainsi environ 40 milliards d’euros en 2050. Du coup, si la croissance de la productivité n’atteint que 1 % au lieu des 1,5 % sur lesquels repose la réforme de 2013, le «manque à économiser» serait de 22 milliards d’euros en 2050 (et 9 en 2030).
Les mécanismes étant approximativement additifs, si le taux de chômage s’établissait à 7,5 % au lieu de 4,5 en 2030 et si la croissance de la productivité était de 1 % (hypothèse récemment faite par Artus et Caffet et basée sur un manque d’investissement français en hautes technologies) au lieu de 1,5, le déficit du régime de retraite s’établirait à 43 milliards d’euros constants en 2050 et 20,5 en 2030, ce qui est tout à fait considérable.
La réforme pérenne et équitable de 2013 repose ainsi sur une hypothèse de baisse spectaculaire du taux de chômage et une participation importante des retraités à l’effort d’équilibrage des comptes en organisant la baisse de leur pouvoir d’achat relatif, une baisse qui serait d’autant plus forte que la croissance économique est importante.
Nul doute ainsi que l’inquiétude des Français sur leur pouvoir d’achat à la retraite et la montée de cette inquiétude avec la jeunesse des générations interrogées sont légitimes.
En atteste leur comportement face à l’épargne. Nonobstant l’absence de fonds de pension en France, l’enquête de la Banque centrale européenne sur le patrimoine des ménages (de 17 pays) montre que 37,5 % des ménages français sont détenteurs d’assurance-vie et fonds de pension à comparer aux 49,8 des ménages néerlandais et aux 18 % des ménages italiens. Le marché de l’assurance-vie comme substitut aux fonds de pension met donc la France dans le peloton de tête de l’Union européenne lorsqu’on considère les droits des ménages en fonds de pension et assurance-vie, sans apporter l’avantage conféré par les fonds de pension en termes de détention d’actions et de financement stable et désintermédié des entreprises.
Quel qu’il soit, le gouvernement au pouvoir après 2017 devra se réatteler au chantier des retraites par répartition ; il faudra aussi que lui ou un autre se pose rapidement la question des incitations à l’épargne longue.
Pour ce qui est des premières, un choix pourrait constituer en de la solidarité ciblée vers les plus modestes. Pour ce qui est de l’épargne, il faudra clairement arbitrer entre les formes d’épargne pour des incitations fiscales profitables à l’économie.