Encore inconnu il y a quelques années, le métier de data scientist est désormais devenu incontournable dans de nombreux secteurs et notamment dans le monde de la finance. Toutefois, face à l’émergence encore récente de cette profession, les établissements financiers peinent à recruter de tels professionnels.
En ce moment, rares sont les établissements financiers qui ne recrutent pas de data scientists !
Apparue il y a à peine trois ans, cette profession, qui a pour mission d’analyser de très importantes quantités de données et de déployer de nouveaux outils permettant de les analyser, prend son envol dans le secteur financier. «Depuis quelques mois nous avons en permanence plus d’une dizaine de postes de data scientist à pourvoir, indique Vincent Picard, associé du Groupe Fed. En 2017, nous en avons recherché deux fois plus qu’en 2016, et pour 2018 nous anticipons encore une multiplication par deux du nombre de nos mandats pour ces métiers.»
Des données multipliées
L’évolution des moyens technologiques est à l’origine du développement de cette profession. «L’essor des data scientists est lié à l’émergence de nouveaux outils comme le machine learning et de la big data, qui permettent de gérer une multitude de données jusqu’alors inexploitables, rappelle Samuel Danthine, enseignant et responsable des filières 3A gestion des risques, ingénierie financière et ingénierie des statistiques des territoires et de la santé à l’Ecole nationale de la statistique et de l’analyse de l’information (Ensai). Désormais, les entreprises ont besoin de professionnels capables de modéliser ces nouvelles données.» Le nombre de data scientists progresse également, car ces nouvelles technologies ne sont désormais plus seulement utilisées par les très grandes banques. «Nous constatons aussi une demande de plus en plus importante de data scientists de la part des sociétés de gestion et des fintechs», remarque Vincent Picard. Par ailleurs, l’ensemble des services des établissements financiers est maintenant amené à recruter des data scientists, chacun d’entre eux recevant des quantités de données de plus en plus importantes. C’est notamment le cas de BNP Paribas, qui a déjà embauché en deux ans 900 CDI dédiés à la transformation digitale et qui prévoit d’en intégrer 800 autres rien que pour l’année 2018. «Nous recrutons des data scientists dans tous nos métiers : aussi bien pour nos activités CIB (Corporate & Institutional Banking), assurance ou leasing, mais également pour nos fonctions IT ou Risk et même RH !, précise Claire Valet, responsable de la marque employeur chez BNP Paribas. Les missions d’un data scientist peuvent être très variées en fonction de l’équipe qu’il rejoint : si certains mettent au point des modèles prévisionnels pour améliorer notre gestion des risques, d’autres sont actuellement en train de travailler, au sein du Lab CIB dédié à l’intelligence artificielle, sur un projet de moteur de recherche interne qui permettra à terme de trouver n’importe quelle information en intégrant des données non structurées telles que la voix ou les images ou encore de traduire des documents juridiques dans toutes les langues du groupe.»
Un métier récent
Cependant, face aux besoins exponentiels de l’industrie financière, le recrutement de cette profession naissante s’avère délicat. En effet, peu de professionnels disposent déjà des compétences requises pour exercer ce métier. De ce fait, la majorité des recrutements concerne des profils avec peu ou pas d’expérience. «Nous recrutons principalement des jeunes diplômés d’école d’ingénieurs ou équivalent universitaire avec une spécialisation en statistiques, data science, intelligence artificielle ou informatique et deux à trois années d’expérience, souligne Claire Valet. Nous travaillons par ailleurs en interne sur des formations qualifiantes pour permettre à certains de nos collaborateurs d’évoluer sur les métiers de la data.» En outre, bien que les data scientists soient amenés dans ces entreprises à traiter des problématiques financières, une expérience dans ce domaine est rarement exigée.«Certes, nos clients préfèrent recruter des statisticiens ou des data scientists qui ont une expérience en finance, mais ces profils sont très rares, relève Vincent Picard. De ce fait, le recrutement des data scientists est beaucoup plus ouvert que sur d’autres métiers. Nos clients considèrent même que le fait de venir d’un autre secteur d’activité peut être positif.»
Pour trouver leurs data scientists, les institutions financières sont ainsi amenées à se démarquer. D’une part, elles essaient de proposer un processus de recrutement original. «Afin d’attirer des data scientists et plus largement des professionnels dans les métiers liés à la digitalisation, nous ne nous cantonnons pas à la simple diffusion d’annonce, relève Claire Valet. Plusieurs formats innovants ont été lancés depuis 2017 que ce soit en partenariat avec les écoles et universités, comme la “Data Sciences Summer School” de Polytechnique, ou de nouveaux événements de recrutement, tels que le “We pitch, you choose !”, où les candidats présélectionnés viennent écouter les présentations de nos managers avant de passer en entretien avec celui de leur choix.»
D’autre part, les structures financières proposent des salaires attractifs afin d’attirer les meilleurs éléments.«Sur les offres que nous traitons, les rémunérations fixes sont généralement comprises entre 45 000 et 60 000 euros brut par an pour deux à cinq ans d’expérience», observe Vincent Picard. De quoi convaincre les jeunes diplômés de se tourner rapidement vers cette voie !
Des formations dédiées
- Afin de répondre à la demande des entreprises, les écoles et universités font évoluer leurs parcours pour proposer des matières directement en lien avec les nouvelles technologies utilisées par les data scientists. «Nous avons commencé il y a cinq ans à dispenser des cours liés à la big data et à la data visualisation au sein de nos différents cursus, indique Samuel Danthine, enseignant et responsable des filières 3A gestion des risques, ingénierie financière et ingénierie des statistiques des territoires et de la santé à l’Ecole nationale de la statistique et de l’analyse de l’information (Ensai). Il y a trois ans, nous avons créé le Master of science “big data”, qui a été renommé à la rentrée dernière Master “Statistics for smart data” afin d’approfondir l’apprentissage autour des machine learning et de l’analyse des données. Pour l’instant, à l’issue de ce Master, un peu plus d’un quart de nos étudiants se dirigent vers la finance, surtout en gestion des risques.»
- D’autres établissements qui ne sont pas dédiés particulièrement à l’analyse des données ont également fait évoluer leur parcours de formation. C’est notamment le cas de Centrale et de l’Essec qui proposent conjointement un Master of Science en data science et business analytics, mais aussi de Telecom Paris Tech qui a lancé un Mastère spécialisé en big data ou encore de Polytechnique qui propose désormais un parcours certifiant en science des données.