Innovation

ChatGPT en Bourse : un impact réel

Publié le 8 juillet 2025 à 12h32

Jean-François Boulier    Temps de lecture 4 minutes

Les entreprises cotées américaines les plus concernées par ChatGPT affichent déjà des performances boursières supérieures en comparaison avec celles qui laissent de côté l’IA générative. Cela pourrait être encore plus net à long terme.

L’annonce de la mise en place de ChatGPT le 30 novembre 2022 a fait l’effet d’une bombe, aux Etats-Unis en particulier où certains médias n’hésitaient pas à parler de révolution économique. Ainsi Goldman Sachs prédisait à la suite de l’annonce une perte de plus de 300 millions d’emplois dans le monde que l’utilisation de cette nouvelle avancée de l’intelligence artificielle rendrait caducs. Une étude de McKinsey anticipait, elle, que le gain potentiel pour l’économie mondiale dépasserait 3 000 milliards de dollars par an pendant plus de cinq ans. Un tel événement ne pouvait passer inaperçu en Bourse. Quel en a été l’impact après l’annonce ?

Dans leur article intitulé « Generative IA and Firm Values » quatre chercheurs tentent d’analyser les effets potentiels de l’intelligence artificielle générative sur les entreprises américaines et sur l’évolution de leur cours boursier dans les semaines qui ont suivi l’annonce de ChatGPT. Ils se sont d’abord attelés à déterminer précisément dans chaque entreprise ceux des postes qui seraient potentiellement touchés par ce nouvel outil. Une base de données américaine renseigne effectivement sur les tâches répertoriées dans chaque entreprise et, en utilisant un score d’impact de l’IA générative, les chercheurs ont pu définir, en agrégeant ces informations, les entreprises les plus touchées et les moins touchées par cette technologie. Ils ont ensuite regroupé dans un portefeuille le quintile des entreprises cotées les plus touchées et celui des moins touchées. La performance relative des deux portefeuilles – l’écart entre les deux – pendant les deux semaines juste après l’annonce est de 0,4 % par jour soit 4 % sur cette période.

L’innovation a donc eu clairement un effet positif sur les valorisations boursières. Cette utilité économique apportée par cette nouvelle avancée technologique a également propulsé les cours du secteur de l’IA en Bourse, en particulier celui de Nvidia. Il est rare de pouvoir identifier si précisément la date d’introduction d’une innovation touchant, qui plus est, pratiquement l’ensemble des secteurs économiques, certes à des degrés divers, ce que mesure effectivement l’étude académique. Mais rarement aussi une innovation a bénéficié d’un tel tapage médiatique !

D'autres innovations

Cet effet de court terme n’est pourtant que l’amorce d’impacts qui se manifesteront bien plus tard. Si la technologie est effectivement adoptée, il y a de fortes chances qu’elle suscite d’autres innovations et que les effets mesurés à court terme soient relayés par d’autres, potentiellement plus conséquents. A vrai dire, les 4 % mesurés sur deux semaines ne s’appliquant qu’à 20 % des actions, l’effet n’est guère que de 1 % sur l’ensemble des valeurs cotées, ce qui reste modeste, bien que significatif. C’est à l’expérience que les entreprises trouveront les utilisations les plus intéressantes et leurs essais infructueux stimuleront peut-être d’autres produits. Néanmoins, la course à qui saura mettre en œuvre le nouvel outil de façon efficace a bel et bien commencé, ce que la Bourse américaine aura sans doute anticipé.

Cette étude montre aussi l’intérêt de bases de données détaillées comme celle utilisée dans cette étude pour déterminer les différents postes et leurs tâches spécifiques dans les entreprises. Ce type de données extra-financières collectées illustre bien son utilité et permet une analyse prospective que les seules données financières n’auraient pas pu révéler. La richesse potentielle des informations extra-financières est un argument supplémentaire pour que l’Europe investisse dans la collecte et la mise à disposition de telles bases de données. Cette analyse montre aussi la proximité de certains travaux scientifiques avec des préoccupations très pratiques. Il faut certes les identifier dans un ensemble de travaux parfois moins appropriés ou se situant plus en amont des applications concrètes. Au total, bon nombre d’études empiriques de ce type gagnent à être lues et apportent une information très détaillée sur les impacts économiques des innovations.

Jean-François Boulier Président d'honneur ,  Af2i

Jean-François Boulier est président d'honneur de l'Af2i.

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