«La BCE pourrait dorénavant s’autocensurer et se montrer moins flexible dans ses interventions pour soutenir certains pays, ce qui serait un message négatif envoyé aux marchés.»
La dernière décision de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe à l’égard de la BCE a fait l’effet d’une bombe. Pourtant ce n’est pas la première fois que la Cour remet en cause la politique monétaire européenne. S’agit-il cette fois d’un tournant ?
En 2014, le programme de rachats de titres, dit OMT, adopté par la BCE avait déjà conduit la Cour constitutionnelle allemande (CCA) à demander l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). L’arrêt de cette dernière avait été positif pour la banque centrale, mais il avait introduit de nouvelles contraintes, dont une concernant la proportionnalité de son action : en d’autres termes, la politique monétaire doit être pondérée en fonction de ses conséquences sur l’économie. Or la Cour craint que le programme d’achats de titres (PSPP) de 2015, en favorisant une baisse des taux d’intérêt à un niveau très bas, ne soit contraire à l’intérêt des épargnants allemands. C’est pourquoi elle vient de demander à la BCE d’expliquer précisément en quoi le PSPP respectait bien le principe de proportionnalité.
Dans les faits, c’est un faux procès, car la BCE a déjà produit beaucoup de documents sur son action. La Cour va aussi plus loin cette fois en accusant les autorités politiques allemandes de n’avoir pas veillé suffisamment au respect de cet article de proportionnalité, et en refusant de se conformer à l’arrêt de la CJUE, qui avait validé le PSPP. Cette décision pose à son tour la question de la compétence des juges pour évaluer la pertinence des moyens mis en œuvre dans le cadre de la politique monétaire.