Le premier semestre a été marqué par un afflux des investisseurs internationaux sur les marchés actions européens. De quoi profiter à certaines stratégies et à certains secteurs, mais cela ne préjuge pas forcément de l’évolution du deuxième semestre, explique Erwan Ferrary, gérant actions chez Ecofi.
Comment expliquer les flux internationaux positifs en Europe au premier semestre ?

Ces flux ont été particulièrement marqués au premier trimestre. Cela résulte d’une conjugaison d’effets favorables à l’Europe et défavorables aux Etats-Unis. L’année a débuté sur l’espoir d’une désescalade dans le conflit Russie-Ukraine, avec une baisse des prix de l’énergie, qui a profité aux secteurs de la construction, de l’automobile et de la chimie. L’annonce de plusieurs plans massifs d’investissement, en faveur de la défense européenne et des infrastructures en Allemagne, ont relancé les perspectives de croissance. Les valeurs de ces secteurs ont réalisé de très fortes performances, + 190 % depuis le début de l’année pour l’Allemand Rheinmetall par exemple. Enfin, l’annonce de l’IA chinoise DeepSeek a créé une onde de choc défavorable au secteur des semi-conducteurs et à la tech américaine. Dans le même temps, les valeurs européennes étaient attractives, avec 40 % de décote par rapport aux Etats-Unis en début d’année, contre 30 % actuellement et 25 % en moyenne historique.
Quel a été l’impact des droits de douane américains ?
Les marchés américains comme européens ont corrigé de l’ordre de 10 % en euros juste après les annonces de hausses des droits de douane. Néanmoins, l’impact chiffré des droits de douane est encore très difficile à estimer. Pour l’instant, ils se matérialisent surtout par un manque de visibilité et une préférence sur les places européennes au T2 pour les valeurs défensives, alors que les cycliques avaient mieux performé sur les premiers mois de l’année. Les entreprises comme L’Oréal, AB InBev, Vinci ainsi que les sociétés de télécoms se sont mieux tenues. Nous estimons que ces droits de douane devraient entraîner un décalage des commandes et des plans d’investissement des entreprises, ce qui pourrait commencer à affecter leurs résultats semestriels. Voilà pourquoi nous nous positionnons sur des sociétés de grande taille peu sensibles aux droits de douane, grâce à la résilience de leur modèle d’affaires, au volume de leur cash-flow et à leur capacité à relocaliser leur production et leurs usines.
Pensez-vous que cela pourrait remettre en question les flux en faveur de l’Europe ?
Ces flux ont ralenti par rapport au T1, néanmoins nous ne pensons pas qu’ils se tarissent, sauf événement imprévu. Selon notre analyse, l’essentiel de la performance annuelle des marchés européens a été réalisé au cours de la première partie de l’année, ils pourraient encore avoir un potentiel de 3 à 4 % de hausse d’ici la fin de l’année. Ce qui nous semble intéressant, c’est la résilience de l’économie européenne, à un moment où les Etats-Unis montrent des signes de faiblesse. Les PMI européennes sont au-dessus de 50 et les effets des plans allemands devraient rapidement se faire sentir. L’inflation est sous contrôle et la BCE dispose d’une certaine marge de manœuvre pour agir. Aux Etats-Unis en revanche, le marché de l’emploi connaît des difficultés nouvelles, qui pourraient laisser présager d’un ralentissement.
Cela signifie-t-il que le dollar va poursuivre son repli ?
Son recul est en effet significatif depuis le début de l’année, – 10 % par rapport à l’euro. Les analystes de grandes banques américaines pensent que ce repli devrait se poursuivre, mais nous tablons sur une stabilisation de l’€/$. Pour certains groupes européens, un euro fort est une bonne nouvelle, mais pas pour tous. Schneider Electric a ainsi revu ses guidances 2025 au T1 pour prendre en compte l’effet négatif d’un dollar faible sur son bénéfice net par action. Mais de manière générale, le consensus s’attend à une croissance des BPA des entreprises européennes de l’ordre de 9 % en 2026.
Quels secteurs privilégiez-vous dans ce contexte ?
Nous sommes neutres sur les actions, mais avec un biais favorable à l’Europe par rapport aux Etats-Unis. Nous sommes positifs sur les banques, dont la qualité s’est améliorée. Elles génèrent beaucoup de cash et sont résilientes. Nous sommes également positifs sur les producteurs d’énergie renouvelable. Leurs valorisations sont attrayantes et le secteur a beaucoup évolué, avec moins de projets, mais plus rentables. Nous sommes neutres sur l’automobile et négatifs, à court terme, sur la consommation discrétionnaire et le luxe, qui subit une faible demande et une pression sur ses marges. Néanmoins, les deux premiers trimestres ont bien démontré qu’il fallait privilégier une approche blend entre les valeurs cycliques et défensives afin de naviguer dans ce contexte d’incertitudes politiques et géopolitiques.
Les perspectives mentionnées sont susceptibles d’évolution et ne constituent pas un engagement ou une garantie de la part d’Ecofi. Les analyses et les opinions mentionnées ci-dessus représentent le point de vue de l’auteur. Elles sont émises en date du 28/06/2025 et sont susceptibles d’évoluer. Elles ne sauraient être interprétées comme possédant une quelconque valeur contractuelle.