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'La mutation vers l'électrique fait bouger le marché de l'après-vente automobile" (J. Begriche)

Publié le 18 octobre 2024 à 15h37

  AOF

(AOF) - "Entre 2023 et 2030, nous devrions assister à une augmentation d'environ 40% du marché de l'après-vente automobile en valeur". C’est ce qu’affirme Jugurtha Begriche, directeur d’études chez Les Échos Études et auteur de l’étude "Les nouveaux défis de l’après-vente automobile". Dans un entretien accordé à AOF, il évoque les conséquences des évolutions du marché pour les acteurs de l’aftermarket.

Quelles sont les perspectives du marché de l'après-vente automobile ?

Entre 2023 et 2030, nous devrions assister à une augmentation d'environ 40% du marché de l'après-vente automobile en valeur, en prenant en compte les activités de commerce de gros et de détail d'équipements et d'entretien-réparation de véhicules automobiles légers. Cette croissance sera essentiellement portée par le renchérissement des prix des pièces de rechange, qui intègrent de plus en plus de technologies, et des coûts de main-d'œuvre, en lien avec la montée en compétences du personnel pour s'adapter à la complexification et à l'électrification des véhicules. L'activité en volume sera également orientée à la hausse, mais de manière plus mesurée, du fait de l'accroissement et du vieillissement du parc en circulation.

Qu'est ce qui fait bouger aujourd'hui ce marché de l'après-vente automobile ?

C'est bien évidemment la mutation des motorisations vers l'électrique. Les ventes de véhicules électriques et hybrides rechargeables neufs progressent à un rythme soutenu et représentent aujourd'hui un quart des immatriculations. Elles sont favorisées par un cadre législatif incitatif et/ou contraint : bonus écologique, malus CO2, leasing social, zone à faibles émissions, etc. Dans ce contexte, les acteurs de l'après-vente multiplient les initiatives pour s'approprier le business des véhicules électriques : formation des équipes, investissements dans les infrastructures, équipement en matériels et outils adaptés et développement d'offres spécifiques.

Quels sont les atouts des constructeurs dans ce nouveau contexte ?

Le canal constructeur dispose d'une longueur d'avance sur l'entretien des voitures récentes, encore sous garantie. Il représente environ les trois quarts des entrées-atelier pour les véhicules de moins de 2 ans. Il est naturellement plus sollicité pour la prise en charge des véhicules électriques, d'autant que la quasi-totalité des réparateurs agréés de premier et de second niveau sont formés et équipés pour ce type de motorisation.

Quelles sont les perspectives pour le canal constructeur et pour le canal indépendant face à l'évolution vers l'électrique ?

A court terme, les concessionnaires et agents de marque ne semblent pas vraiment menacés sur ce segment, puisque l'essentiel du parc de véhicules électriques est récent et sous garantie constructeur. A plus long terme, la concurrence se fera davantage ressentir de la part des réseaux indépendants, qui investissent massivement dans la formation du personnel et dans l'équipement de leurs ateliers afin de ne pas se laisser distancer. Un certain attentisme est toutefois constaté dans les garages sans enseigne. D'une part, ils ne disposent pas des moyens financiers et humains pour investir sur ce type de motorisation. D'autre part, ils considèrent que les besoins en entretien-réparation de véhicules électriques ne seront pas suffisamment importants dans les années à venir. En effet, malgré la dynamique des ventes, les véhicules électriques et hybrides rechargeables représentaient "à peine" 2 millions d'unités à fin juin 2024, soit un poids encore faible rapporté aux près de 40 millions de voitures en circulation. Et celui-ci devrait rester encore limité à l'horizon 2035, le coût d'acquisition élevé d'une voiture électrique demeurant un frein majeur à l'achat.

Quelles sont les enseignes qui montent en puissance ?

On peut citer Eurorepar Car Service et Motrio parmi les MRA (Mécaniciens réparateurs automobiles), Carglass et France Pare-Brise chez les spécialistes du vitrage ou encore AD Carrosserie et Five Star chez les carrossiers. D'après notre analyse d'un panel de 55 réseaux sur la période 2018-2024, la croissance du nombre de points de service a progressé de 2% à 29% selon la catégorie d'acteurs (centres auto, enseignes de réparation rapide, spécialistes du vitrage, pneumaticiens, etc.). Les acteurs de l'entretien-réparation s'inscrivent dans une logique de renforcement de leur présence en France, avec la volonté d'être au plus proche des automobilistes, qui font de la proximité un critère majeur dans le choix d'un garagiste. Cette stratégie de maillage territorial se fait aussi bien par le biais d'ouverture de nouveaux sites que par le recrutement de nouveaux adhérents. De nombreux petits garages s'adossent en effet à des réseaux pour améliorer leur visibilité et bénéficier de leur savoir-faire, afin de ne pas rester " sur le bas-côté " face aux mutations du marché de l'automobile.

Dans quels domaines le canal indépendant et le canal constructeur entrent-ils en concurrence ?

Depuis plusieurs années, la frontière entre ces deux grandes catégories d'acteurs est de plus en plus poreuse et le jeu concurrentiel tend à s'intensifier. D'un côté, le canal constructeur cherche à accroître sa part de marché sur le segment des véhicules de plus de 5 ans afin d'exploiter tout le potentiel du parc de voitures anciennes. De l'autre côté, le canal indépendant se positionne sur des réparations de plus en plus complexes, autrefois réservées aux concessionnaires et agents de marque. Cette concurrence de plus en plus frontale pousse les acteurs de l'aftermarket à chercher des relais de croissance. Parmi les initiatives les plus marquantes des dernières années : Speedy s'est positionné dans l'entretien de scooters et de motos, Point S a lancé une activité d'achat et de location de véhicules 0 km et d'occasion, France Pare-Brise a développé une offre à destination des gestionnaires de flottes, etc.

Propos recueillis par Matthieu Richard-Molard

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