(AOF) - Alors que les marchés évoluent en fonction des initiatives annoncées par Donald Trump, Bertrand Lamielle, directeur général de Portzamparc Gestion, souligne dans un entretien accordé à AOF, la nécessité pour les investisseurs de ne pas se laisser manipuler par le président américain. En 2025, il recommande de miser notamment sur les secteurs de la bancassurance et de la technologie.
Bertrand Lamielle, vous êtes directeur général de Portzamparc Gestion. Donald Trump s'exprimait hier devant le Forum de Davos. Redoutez-vous un impact sur les marchés ?
Certes. Cependant il n'a pas besoin qu'on lui tende un micro pour faire des déclarations à fort impact, et ce risque devrait provoquer plus de volatilité que sous le mandat de Joe Biden. L'important pour les quatre prochaines années sera d'éviter de surréagir, et d'arriver à distinguer le probable de l'improbable.
Ceci dit, le contexte américain reste favorable, les marchés américains se comportent mieux que les marchés européens. On attend des bénéfices plus importants Outre-Atlantique qu'en Europe. D'autre part, le dollar fort joue en faveur de l'investisseur qui s'engage aux États-Unis. L'économie américaine reste en croissance, le moral des consommateurs est plutôt bon, le chômage très faible.
Comment voyez-vous l'environnement de taux ?
Les secteurs qui ont le vent en poupe actuellement sont notamment la finance, la banque et l'assurance, aux États-Unis comme en Europe. Cela s'explique en partie par la remontée des taux longs : les banques centrales devraient probablement réduire leurs taux directeurs moins que prévu, ce qui crée un contexte favorable aux valeurs de la bancassurance, notamment grâce à des placements de long terme offrant une meilleure rémunération.
Inversement, des secteurs comme les services aux collectivités ou l'immobilier coté ont souffert des tensions sur les taux et il faudra très rapidement revenir vers eux en cas de renversement : la réactivité des investisseurs sera primordiale.
Voyez-vous les valeurs technologiques continuer à grimper malgré leur forte hausse en 2024 ?
C'est le deuxième secteur à observer, et de façon plus marquée aux États-Unis. Quelques valeurs ont gagné 7 ou 8 % mercredi grâce aux investissements conséquents qui ont été annoncés, mais certains analystes restent sceptiques quant au fait que les 500 milliards d'euros promis soient investis en l'espace de 5 ans, comme annoncé. Ces valeurs sont aujourd'hui 100% américaines, il n'y a plus de Nokia en Europe comme il y a quelques temps.
Voyez-vous des opportunités dans d'autres secteurs ?
Pour l'industrie, la situation est plus disparate. Elle est positive pour des segments bien identifiés comme l'aérospatial/défense ou l'électrification de l'économie, avec des bénéficiaires comme Schneider ou Safran. Du côté des valeurs cycliques, la situation est compliquée pour l'automobile et on ne voit rien émerger de très bon dans l'agroalimentaire. Dans la santé, les grands laboratoires se retrouvent mis sous pression par l'administration Trump, et ce sont les valeurs des équipementiers médicaux qui tirent leur épingle du jeu.
L'énergie est-elle un secteur à surveiller ?
Je ne vois pas grand-chose à faire dans le pétrole, conventionnel ou non, car Trump incite à forer mais le prix du baril est tellement bas qu'il n'est pas évident que les entreprises pétrolières intégrées forent beaucoup. Il faudrait que l'économie redémarre beaucoup davantage pour créer une tension sur le marché. D'autre part, les énergies alternatives calent en Bourse car la nouvelle administration n'y sera pas favorable.
Quel pourrait être le grand enjeu de 2025 en dehors des États-Unis ?
La grande question à mon sens c'est la Chine : elle annonce des plans de relance mais cela ne se reflète pas dans les chiffres qui publiés. Pourtant, de nombreuses économies très exportatrices, comme l'Allemagne, sont très dépendantes de la consommation chinoise, et la panne de croissance pourrait pénaliser beaucoup de ces valeurs.
Propos recueillis par Matthieu Richard-Molard