Pour le secteur de la banque et de l’assurance, la formation professionnelle représente un enjeu central, l’évolution rapide des métiers pouvant imposer des reconversions. Afin de garder le lien avec et entre les collaborateurs, les méthodes d’apprentissage en situation réelle se multiplient, au-delà de l’action de formation en situation de travail (Afest), dispositif prévu par la loi.
Favoriser la transformation technologique et réglementaire, valoriser les collaborateurs et les aider à se reconvertir en interne, limiter le turn-over, capitaliser sur les savoir-faire internes et utiliser des situations professionnelles réelles comme support d’apprentissage : il y a cinq ans, l’Association française des banques (AFB) a signé un accord sur la formation professionnelle avec, entre autres objectifs, celui de favoriser une politique qui encourage l’autonomie des salariés dans la construction de leur parcours professionnel. Cela passait notamment par l’Action de formation en situation de travail (l’Afest, inscrite dans la loi « Avenir professionnel »), fondée sur une expérimentation nationale lancée en 2015 par le ministère du Travail, et soutenue par les partenaires sociaux, qui consiste en une formation sur mesure, dispensée par un intervenant extérieur et/ou des tuteurs en interne, sur le lieu de travail. Où en est-on aujourd’hui ?
Le groupe Société Générale a été pionnier, en lançant en 2023 un pilote d’Afest dans son réseau (SG). L’initiative, conduite par l’Académie des compétences, à la direction de la formation de SG, portait sur la gestion des prêts immobiliers. SG a ainsi mis en place cette modalité pédagogique auprès de 200 conseillers clientèle de la banque de détail en France en conjuguant l’expertise et la maîtrise des outils et processus propres au métier. Cela a alors ouvert la voie à un déploiement plus large, au sein de deux marchés : d’une part celui des entreprises et institutionnels, d’autre part celui des professionnels. Dans le premier cas, la formation s’est concentrée sur l’entrée en relation, en intégrant au parcours deux profils interdépendants : le chargé d’affaires et le gestionnaire de relation client. Pour le second, le projet, en cours, porte sur la refonte du parcours de prise de poste des conseillers clientèle. A terme, SG a l’ambition de former plusieurs centaines de collaborateurs par an en recourant à l’Afest.
Dans une note de cadrage du printemps 2025, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) constate pourtant que l’usage et la diffusion de l’Afest sont globalement « toujours émergents » depuis son lancement. De fait, s’agissant des groupes de banque-assurance, la plupart ne se sont pas emparés du dispositif.
Moins de déplacements vers des centres de formation éloignés
La formation sur le lieu de travail, telle que formalisée par la Société Générale, se traduit surtout par des initiatives régionales, dans le cadre de l’AFB et avec le soutien financier et pédagogique de l’organisme de formation professionnelle, l’OPCO Atlas. L’opérateur des compétences des services financiers et du conseil propose ainsi des ateliers et webinaires destinés aux réseaux Caisse d’Epargne, Banque Populaire et Crédit Mutuel. Il cite également en exemple un agent général associé chez Axa, en Vendée, qui a intégré un nouveau collaborateur dans son équipe en s’appuyant sur la démarche de l’Afest. En l’occurrence, il s’agissait d’une reconversion, le collaborateur venant d’un autre secteur d’activité que l’assurance. Le processus a mobilisé à la fois deux tuteurs en interne (un côté clientèle de particuliers, l’autre de professionnels), qui ont partagé leur expérience et leur savoir-faire, et une formatrice du groupe Axa. Un tableau de suivi des compétences, avec des phases « réflexives », c’est-à-dire d’évaluation des écarts entre les objectifs fixés et les réalisations de l’apprenant, a été mis en place. A l’issue de tests, le collaborateur est officiellement devenu conseiller professionnel à l’agence.
«L’action de formation en situation de travail est difficile à mettre en place en agence, en présence de clients et dans un contexte où il faut remplir des objectifs.»
L’Afest n’est donc pas une simple formation « sur le tas ». Il s’agit d’un parcours pédagogique dont la particularité est d’être exercé en poste et de manière progressive, sans toutefois être strictement défini par la loi. Ses atouts ? Privilégier l’apprentissage sur le temps et le lieu de travail, tout en réduisant les déplacements vers des centres de formation éloignés, explique la Société Générale. Revers de la médaille : « Il est difficile à mettre en place en agence, en présence de clients et dans un contexte où il faut remplir des objectifs », pointe Marilyne Le Bihan, senior manager people & change chez Finegan.
Différentes méthodes pour un même objectif
Si l’Afest à proprement parler rencontre un succès mitigé, les initiatives ne manquent pas pour assurer de la formation continue, de la mobilité interne ou de l’aide à la prise de poste au plus près des réalités de terrain et sur site. Dans beaucoup de cas, le tutorat, qui crée une relation d’apprentissage entre un professionnel expérimenté et un salarié (nouvel embauché, alternant, stagiaire ou salarié en reconversion), est favorisé afin de transmettre des savoir-faire, faciliter l’intégration et favoriser la progression professionnelle. Chez Apicil, par exemple, le leadership est expérimenté en travaillant, entre nouveaux et anciens managers.
Cette transmission s’appuie souvent sur des processus bien encadrés. Ainsi, pour sa banque de détail en France, BNP Paribas développe l’alternance interne pour ses collaborateurs en CDI. Le groupe cherche à leur proposer des formations en alternance entre leur poste actuel et le suivant durant une période de quelques mois à une année pour leur permettre d’acquérir les compétences propres à certains rôles. Cette formation en alternance sur le poste à pourvoir est aussi développée pour assurer la montée en puissance sur les compétences de demain : le groupe BNP Paribas s’est engagé pour la transformation des métiers, avec ses collaborateurs actuels.
Un coût réduit
L’université interne du groupe Crédit Agricole, l’IFCAM, qui assure chaque année plus de 2 millions d’heures de formation, anime pour sa part des campus à Paris (rue La Boétie) et à Montrouge, ainsi que des plateformes digitales (e-learning, classes virtuelles) couvrant les compétences techniques, réglementaires et comportementales propres à la banque-assurance. Sa plateforme d’apprentissage en continu sur site, Learnia, a même été intégrée en avril dernier aux outils métiers, permettant aux collaborateurs d’acquérir en temps réel des compétences en lien direct avec leurs activités sur le terrain.Par ailleurs, à Massy et Roubaix, des journées « Learning Days » rassemblent salariés et managers de Crédit Agricole Consumer finance autour de méthodes d’autoformation et de mentorat croisé visant à favoriser l’autonomie.
Arkéa Banque E&I a également mis en place des formations internes, animées par des collaborateurs qui partagent leurs différents métiers. La banque a tiré au printemps un bilan de l’année 2024 : 21 collaborateurs, formés à être formateurs, sont intervenus l’an passé, dispensant 261 heures à 806 participants, avec un très bon taux de satisfaction pour les uns comme pour les autres. Outre la transmission de savoirs et savoir-faire, la valorisation de chacun et le gain de temps comparé à une formation dans un site spécialisé, ce dispositif aurait l’intérêt de diviser le coût de la formation par deux…