Les récentes évolutions de la réglementation sur la CSRD pourraient, dans les mois à venir, impacter les recrutements d’analystes ESG. Une nouvelle donne à laquelle ces professionnels de l’extra-financier doivent s’adapter.
Pendant plusieurs années et notamment avec le développement de l’investissement socialement responsable (ISR), le métier d’analyste ESG s’est développé. Jusqu’à l’année dernière, le marché de l’emploi de la finance verte a ainsi bénéficié d’une belle dynamique, boosté par la croissance des actifs ESG. En effet, l’intégration de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance est aujourd’hui devenue incontournable dans les choix d’investissement. « Ces analystes ESG sont recrutés par différents types d’entreprises, généralement dans le secteur financier, précise Caroline Renoux, fondatrice et dirigeante de Birdeo. Ils évoluent au sein de cabinets d’analyse et de conseil extra-financiers ou dans des entreprises de gestion d’actifs pour les orienter dans leurs décisions d’investissements, en cabinets spécialisés en développement durable, RSE et environnement pour accompagner leurs clients dans leurs prises de décision, ou encore en banques d’investissement pour évaluer les risques liés aux financements qu’elles accordent. »
Des missions d’analyse de la performance extra-financière
Ces analystes ont ainsi pour mission d’étudier la performance extra-financière des entreprises, d’accompagner les gérants de portefeuilles dans leurs prises de décision d’investissements, et de conseiller les directions d’entreprise cotées sur leur gouvernance et dans la définition de leur politique et de leur stratégie ESG. « Sur la partie gouvernance, ils participent également à la préparation des campagnes de vote dans les assemblées générales et aux dialogues avec les actionnaires avant, pendant et après ces AG, selon Pauline M’Baye, consultante principale – finance de marché & private equity chez Fed Finance. A cet effet, certaines entreprises ont alors recours à des analystes ESG de façon ponctuelle et proposent donc des contrats ou des missions temporaires. »
Au quotidien, les analystes ESG lisent et analysent les rapports de responsabilité sociétale des entreprises, collectent, trient et hiérarchisent un certain nombre d’informations extra-financières (rapports sociaux et environnementaux d’ONG, recherches académiques, productions des institutions internationales, articles de presse, etc.), interrogent les différentes parties prenantes de l’entreprise, participent aux groupes de travail nationaux et internationaux sur les indicateurs ou des événements professionnels tels que des salons pour rencontrer des partenaires. Ils ont également pour vocation de suivre les évolutions réglementaires et de créer et suivre des indicateurs de performance extra-financière. « Pour analyser et suivre la performance ESG de l’entreprise et s’assurer qu’elle répond aux exigences réglementaires en la matière, les analystes ESG réalisent des tableaux de bord et des indicateurs incluant des critères extra-financiers en complément de la partie financière », poursuit Pauline M’Baye.
Un marché de l’emploi plus difficile
Si leurs missions étaient clairement établies et leur avenir professionnel prometteur au regard, notamment, du développement des réglementations liées aux enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance, la donne pourrait néanmoins changer dans les mois et années à venir. En effet, le vote en avril dernier par les députés européens du projet de directive Omnibus visant à simplifier les exigences de durabilité pour les entreprises dans le cadre de la CSRD pourrait mettre un coup de frein dans les recrutements de ces analystes ESG. Au travers de ce vote, le Parlement européen a adopté le report des dates d’application des nouvelles législations de l’Union sur le devoir de vigilance et la publication d’informations en matière de durabilité. « En matière de recrutement d’analystes ESG, nous sommes donc actuellement dans une année de transition, comme pour de nombreux postes en RSE, constate à ce sujet Hortense Pelpel, consultante division RSE chez Michael Page. Autant jusqu’en fin d’année 2024, nous avons noté une croissance des demandes d’analystes extra-financiers pour des fonds d’investissement ou des sociétés de gestion, autant depuis le début de l’année 2025, nous observons un tassement de la demande. Actuellement, ces structures recrutent moins de profils de ce type. La priorité est de fonctionner avec l’effectif actuel. » D’autre part, la plupart des postes en analystes financiers créés il y a deux ou trois ans notamment pour faire face à la réglementation sont ainsi désormais pourvus. « Il est encore trop tôt pour que ces jeunes analystes financiers changent de poste, ajoute Caroline Renoux. Nous avons donc aujourd’hui davantage de candidatures entrantes que de postes à pourvoir et ce sont souvent les jeunes diplômés qui pâtissent de ce retournement de tendance. »
«En matière de recrutement d’analystes ESG, nous sommes actuellement dans une année de transition, comme pour de nombreux postes en RSE.»
Des compétences techniques peaufinées
Face à cette mutation du marché de l’emploi, un certain nombre d’analystes ESG envisagent aujourd’hui de plutôt postuler sur des postes d’analystes financiers pour trouver plus facilement un emploi. « Une bascule entre ces deux métiers est possible au regard de leur socle commun de compétences en finance », ajoute Hortense Pelpel. Cependant, pour faire la différence sur le marché de l’emploi, d’autres candidats misent sur le développement de leurs compétences et ont fait ou font le choix de renforcer leurs compétences sur les sujets ESG via des formations supplémentaires. Les certifications ou les diplômes spécialisés, conçus pour répondre aux exigences croissantes de ce domaine, sont d’ailleurs en constante évolution. La Société française des analystes financiers (SFAF) propose ainsi les certificats « Les essentiels de l’ESG 2.0 » ou le CESGA (Certified Analyst ESG), et l’Autorité des marchés financiers (AMF) sa certification AMF ESG. Elles viennent en complément des formations initiales suivies par les analystes ESG. « Tous ont de solides compétences financières et la plupart d’entre eux sont diplômés soit d’un master en finance de type master CCA (comptabilité, contrôle, audit), soit d’un master en finance de marché, soit d’une école de commerce, précise Hortense Pelpel. Généralement, ils ont également pris une option ou une spécialisation en finance durable. » Beaucoup de ces profils ont également appris sur le terrain. « Si les juniors ont des profils plutôt financiers, les seniors pour leur part viennent généralement de la sustainability ou des métiers de la RSE, précise Caroline Renoux. Ces derniers doivent alors malgré tout avoir des compétences en finance afin d’en comprendre le langage et d’être en mesure de construire des KPI financiers et extra-financiers. »
D’autre part, pour faire la différence sur le marché de l’emploi, les analystes ESG doivent avoir des compétences approfondies des techniques d’analyse financière certes, mais également une maîtrise des données environnementales, sociales et de gouvernance et des méthodes de reporting ESG. La maîtrise des normes ESG nationales et internationales telles que la SFRD, la CSRD, la TCFD, la GRI, etc., est également un prérequis nécessaire à l’exercice de ce métier. « Il leur revient de comprendre ce que fait l’entreprise en matière de sustainability et de conseiller les opérationnels pour que l’ESG devienne, au sein de leur organisation, créatrice de valeur », poursuit Caroline Renoux. Un bon niveau d’anglais est également indispensable pour comprendre et traduire les rapports et données liées à l’ESG, généralement en anglais.
Enfin, ils pourront également faire la différence via leur savoir-être. L’analyste ESG doit en effet savoir faire preuve d’esprit critique et analytique pour comprendre les enjeux, identifier les risques et évaluer les entreprises sur des critères sociaux et de gouvernance mais aussi de rigueur dans la collecte et l’analyse des données. « En matière de soft skills, leurs compétences en communication sont indispensables, notamment pour présenter les résultats des analyses aux actionnaires ou aux gérants de fonds, mais aussi pour travailler avec différents services qui, dans l’entreprise, sont concernés par l’ESG », ajoute Caroline Renoux.
Grâce à ces différentes expertises et à leurs soft skills, les analystes ESG pourront davantage prétendre à poursuivre leur parcours professionnel dans les métiers liés à la finance durable et évoluer ensuite vers des postes d’analystes ESG seniors, de consultants extra-financiers, de gestionnaires de portefeuilles, de directeurs de l’investissement responsable ou de directeurs de la durabilité, ou encore occuper des postes de direction au sein d’organisations financières ou d’entreprises axées sur la RSE.
Des salaires plafonnant à 75 000 euros
Jusqu’à six ans d’expérience professionnelle, les salaires des analystes ESG évoluent entre 45 000 et 60 000 euros bruts annuels. De 7 à 15 ans d’expérience professionnelle, ils se situent entre 60 000 et 75 000 € bruts annuels.
Source : Michael Page