Dans une décision récente, la chambre sociale de la Cour de cassation admet à demi-mot que l’incidence des faits de harcèlement moral reprochés à l’employeur sur les conditions de travail n’est pas une condition nécessaire à la reconnaissance du harcèlement, en dépit des dispositions légales. Une position qui appelle les DRH et conseils d’employeurs à la plus grande vigilance. Soc., 11 mars 2025 n° 23-16.415 FS-B
1. Le harcèlement moral, une notion surexploitée bien que très encadrée
Largement connu des conseils de prud’hommes, le harcèlement moral est devenu en plus de 20 ans la « tarte à la crème » du contentieux prud’homal.
A n’en pas douter, la France n’est pas une zone de non-droit où le monde du travail serait le théâtre de malveillances de tous ordres. L’attirail juridique dont nous disposons pour veiller à la prévention du harcèlement, ainsi que la mobilisation des services RH et des partenaires sociaux autour des risques psychosociaux, prouvent au contraire que la question est prise très au sérieux.
En réalité, les situations de mésentente et de tension sont bien souvent (sur)exploitées pour faire valoir l’existence d’un harcèlement moral à des fins pécuniaires, le harcèlement permettant de sortir du cadre du barème « Macron » qui limite le montant des dommages et intérêts accordés au salarié en fonction de l’ancienneté lorsqu’il conteste son licenciement.
Pour éviter tout galvaudage de la notion, le législateur a pourtant prévu un cadre strict : une définition et un mécanisme probatoire bien compréhensibles.
Ainsi, le harcèlement moral correspond à des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité, d’altérer la santé physique ou mentale ou de compromettre l’avenir professionnel du salarié1.
En termes probatoires, il revient au salarié d’établir des faits qui « permettent de présumer l’existence d’un harcèlement » ou « laissent supposer l’existence d’un harcèlement » selon les textes applicables au cas d’espèce (étape 1 de la démonstration) ; au vu de ces éléments il incombe à l’employeur « de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement » (étapes 2 a) et 2 b) de la démonstration).