Les besoins de financement à long terme pour accompagner les transitions structurelles, soutenir la compétitivité de l’Europe et garantir sa souveraineté sont immenses. Dans ce cadre, la dette privée peut jouer un rôle de premier plan. Bérénice Arbona et Isabelle Luy-Landès, respectivement responsable de la dette privée infrastructure et responsable de la dette privée corporate chez LBP AM, nous éclairent sur les opportunités qu’offre ce marché.
Quelle est la dynamique actuelle du marché du non-coté ?
Isabelle Luy-Landès : En Europe, ce marché reste en croissance, même si on observe un léger ralentissement. L’an dernier, les fonds de dette privée français (infrastructure et corporate) ont levé 8,5 milliards d’euros*, un montant qui reste historiquement élevé.

Bérénice Arbona : Parmi les évolutions récentes du marché, on observe un glissement progressif des investisseurs institutionnels du private equity vers la dette privée, dont ils redécouvrent les vertus : des flux de trésorerie réguliers grâce au paiement d’intérêts et un rendement jugé plus sécurisé car non dépendant des conditions de sortie des projets. Dans un environnement géopolitique incertain, marqué par la volatilité des marchés liquides, la dette privée a le mérite, selon nous, d’apporter de la stabilité ainsi que de la diversification aux portefeuilles.
Observe-t-on des évolutions notables en ce qui concerne les activités à financer ?
Bérénice Arbona : En Europe, il est plus que jamais nécessaire de mobiliser des capitaux à long terme pour soutenir les secteurs stratégiques et renforcer la compétitivité européenne. Les ressources publiques étant fortement contraintes, les Etats disposent de marges de manœuvre limitées. D’où l’importance croissante de la dette privée et du rôle des investisseurs institutionnels pour financer les projets en lien avec ces enjeux. Cette diversification des sources de financement, au-delà des fonds publics et des prêts bancaires, renforce la résilience du tissu économique.
Dans le domaine des infrastructures, les investissements visent à financer l’ensemble des transitions structurelles : la transition énergétique, bien sûr, mais aussi la transition digitale (avec le développement de l’intelligence artificielle nécessitant des réseaux de fibre optique, des tours télécoms, des data centers, etc.) et la mobilité durable.

Isabelle Luy-Landès : En matière de dette corporate, les besoins de financement concernent aussi de nombreux secteurs : les technologies, les énergies renouvelables, la mobilité, l’économie circulaire, la santé et, plus largement, toutes les activités en lien avec l’autonomie stratégique.
De votre point de vue, quel est le segment le plus intéressant pour investir dans le non-coté ?
Isabelle Luy-Landès : Chez LBP AM, nous ciblons les entreprises de taille moyenne (de 10 à 100 millions d’euros d’Ebitda) bien intégrées dans leur écosystème et avec lesquelles nous pouvons discuter de financements sur mesure en adéquation avec leur business model. Précisons que nous ne réalisons que des transactions senior secured qui intègrent des covenants financiers dans la documentation juridique.
Ce segment du mid market, qui est pour nous celui qui offre le meilleur couple rendement/risque, est profond et diversifié, et il a des besoins naturels de financement liés aux problématiques de transmission générationnelle, de développement de l’activité ou encore de transition digitale et environnementale.
Quels sont les axes de développement de LBP AM sur ces deux métiers ?
Isabelle Luy-Landès : En ce qui concerne la dette corporate, notre objectif est d’étendre notre expertise en finançant des entreprises hors de France, les pays ciblés étant le Benelux, l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse, l’Italie et l’Espagne.
Nous avons également pour ambition d’élargir notre base d’investisseurs avec des levées de fonds auprès d’institutionnels européens. Pour conquérir cette nouvelle clientèle, nous pouvons notamment faire valoir notre savoir-faire en matière d’ISR et notre approche de gestion ESG innovante et ambitieuse, les critères extra-financiers étant pleinement intégrés dans nos financements.
Signe fort de ces ambitions européennes, notre plateforme de dette privée, lancée en 2012, a récemment été renommée LBP AM European Private Markets.
Bérénice Arbona : Du côté des infrastructures, nous développons des stratégies complémentaires à celles axées sur l’impact climatique. Une de ces stratégies visera à financer en dette senior des projets dans les domaines des infrastructures sociales, environnementales et digitales, présentant une contribution territoriale forte et en ligne avec les feuilles de route d’investissements stratégiques européens. Un autre axe de développement consiste à proposer aux investisseurs des stratégies offrant un couple risque/rendement plus élevé que les stratégies seniors classiques.
* Donnée France Invest.