Comptabiliser le bénévolat des associations
Depuis le 1 janvier 2020, la comptabilisation des apports des bénévoles est obligatoire afin de refléter la situation économique réelle des associations et le volume total des ressources dont elles disposent. Mais, en dehors de l’aspect réglementaire et purement comptable, il y a de bonnes raisons de mettre en avant cette force vive et désintéressée qu’est le bénévolat pour les associations. D’après le baromètre de l’IFOP réalisé pour le compte du réseau Recherches et Solidarités (R&S), on estime en 2024 à 12,5 millions, un quart des Français, le nombre de bénévoles dans les associations. Ils leur consacrent une partie variable de leur temps en plus de leur vie professionnelle et privée, soit un volume de l’ordre de 1,5 M ETP (en Equivalent Temps Plein). C’est un enjeu économique important en soi, mais aussi un apport de compétences externes qui complètent ou suppléent celles des salariés de la structure associative. Presque par définition, sans bénévoles, point d’associations.
Les directeurs financiers et contrôleurs de gestion sont sollicités, souvent comme trésoriers, mais largement dans toute fonction d’animation dès lors qu’ils sont animés par l’esprit associatif et l’envie de servir. En effet, le bénévole est celui qui s’engage librement pour une contribution volontaire en nature qui est, par principe, sans contrepartie, sans rémunération quelle qu’elle soit. Il se distingue du salarié en ce qu’il apporte gratuitement son concours en dehors de tout lien de subordination. Son contrat est informel et purement moral. On ne lui demande, et c’est la moindre des choses, que d’adhérer au projet associatif et de respecter la gouvernance de l’association.
Le règlement comptable ANC exige des associations depuis 2020 la comptabilisation du bénévolat alors qu’elle n’était jusqu’alors qu’une option. Il faut donc procéder à cette comptabilisation dès lors qu’on remplit les deux conditions suivantes : (1) La nature et l’importance des contributions volontaires sont des éléments « significatifs » essentiels à la compréhension de l’activité et de la situation économique ; (2) L’association est en mesure de recenser et de valoriser ces contributions. L’enregistrement s’effectue pour un montant identique au crédit et au débit des comptes de la classe 8. Cette comptabilisation, sans impact sur le résultat, maintient la distinction entre les moyens liés à des flux financiers inscrits dans le compte de résultat et ceux non monétaires enregistrés au pied du compte de résultat. Si l’appréciation des éléments « significatifs » laisse une marge d’interprétation, la principale difficulté réside dans le recensement et la valorisation des contributions volontaires dans un modèle associatif. Elles revêtent des formes multiples : temps consacré, mise à disposition de moyens matériels, apport de compétences. Les bénévoles peuvent être membres de l’association, élus ou membres de droit, contributeurs occasionnels ou réguliers. Si l’on s’en tient au facteur temps, en apparence le plus simple, un mode organisé de collecte des informations doit être mis en place pour garantir leur pertinence et leur fiabilité. On cherchera à limiter le côté fastidieux du déclaratif imposé aux bénévoles dont le temps n’est pas rémunéré, à la différence des salariés soumis à un reporting. La valorisation de ce temps nécessite d’adopter un salaire de référence ou un forfait. Les options sont multiples. Des outils existent.
Au-delà de l’aspect purement comptable, cette prise en compte se justifie par de bonnes raisons, au-delà bien sûr de la mesure de l’envergure réelle du projet associatif.
Donner un signe de reconnaissance tangible aux bénévoles de leur implication dans l’association, ce qui vaut tous les discours.
Fournir à l’association une indication de la valeur que le bénévolat représente réellement. La suivre dans le temps permet d’agir pour les motiver et les fidéliser.
En intégrant la contribution des bénévoles dans les documents comptables et le chiffrage de l’investissement, faciliter la négociation avec les partenaires externes des activités ; augmenter l’effet de levier des financements des bailleurs de fonds.
Offrir au bénévole une perspective de valorisation des acquis de l’expérience (VAE).
C’est ainsi que cette contrainte comptable, loin d’être une obligation tatillonne de plus, enrichit et valorise ce secteur associatif si important, économiquement et pour le bien commun.
Jean-François Bosquet est membre du comité éditorial de Vox-Fi (DFCG)