Du neuf dans les centres de services !
Si le monde est bien plat, comme le disait Thomas Friedman, en matière de ressources financières et humaines force est de constater qu’il connaît des effets de balancier qui pourraient s’avérer salutaires pour la France et nos économies européennes ainsi que pour les emplois de nos jeunes générations, s’agissant des fonctions internes et des services aux entreprises.
Moulay Hafid Elalamy, le ministre marocain de l’Industrie, déclarait dans une interview récente à «Jeune Afrique» : «Il y a de la délocalisation de l’Inde vers le Maroc !» Un récent rapport indique que 70 % des centres de services indiens pourraient migrer vers l’Europe de l’Est et les Philippines. La Pologne est devenue le troisième pays en matière de création de centres de services derrière l’Inde et les Philippines. La Chine n’est déjà plus considérée comme un vivier pour des centres de services internationaux en raison de coûts salariaux qui, selon les experts, devraient être proches des coûts aux Etats-Unis en 2015. Il ne se passe pas un jour sans que la presse ne se fasse l’écho de relocalisations depuis les pays asiatiques vers la France et l’Europe. La «co-localisation», c’est-à-dire la répartition de la valeur ajoutée entre deux pays tant pour les produits que pour les services, est prônée par nos gouvernants dans leurs discours lors de leurs déplacements dans des pays proches.
De fait, toutes les études des cabinets de stratégie le prouvent, et les dirigeants financiers le montrent sur le terrain : les motivations des entreprises en matière de centres de services partagés ou d’externalisation ont largement évolué depuis quelques années.
La réduction ou le contrôle des coûts sont toujours recherchés, mais tout autant à présent l’expertise et la qualité des services, la proximité culturelle et géographique entre donneurs d’ordre et prestataires, ou des bassins d’employés potentiels nombreux, qualifiés, multilingues, motivés, plutôt stables et adoptant une certaine éthique au travail.
Les technologies du numérique et le cloud remplacent l’offshore et les grandes plateformes informatiques pour des activités autrefois délocalisées en Inde car consommatrices de main-d’œuvre. Celles-ci sont désormais transformées, simplifiées, standardisées, automatisées et finalement relocalisées en partie.
Des modes de management et de production des services hybrides émergent. On voit la combinaison du onshore avec le nearshore ou l’offshore, ou encore la répartition d’activités ou de fonctions entre des centres de services internes et des prestataires d’externalisation.
Nos régions françaises (onshore), comme la Champagne-Ardenne avec Reims, attirent non seulement des sièges sociaux parisiens mais aussi des centres de services en pleine concurrence ou en co-localisation avec des pays tels que le Maroc, la Pologne, la Roumanie, le Portugal ou l’Irlande.
Les centres de services partagés (CSP) deviennent des centres d’expertises (CoE) ou des Global Business Services sous la responsabilité du directeur financier ou du directeur général. Ces centres gagnent une nouvelle respectabilité, là où il y a quelques années il était difficile d’y attirer les bons éléments. Ils deviennent en même temps des centres de formation car ils permettent de faire en quelques années le tour des activités d’une fonction, fonction de plus en plus élargie à des processus «end-to-end» tels que «Purchase-to-Pay» et non plus seulement la fonction «comptabilité fournisseur». L’intérêt du travail augmente. Il n’est pas rare de voir des passerelles entre des postes de direction financière opérationnelle et la direction de centres de services.
Les nouveaux modèles ont gagné en maturité et en reconnaissance. Alors qu’ils étaient appliqués essentiellement autrefois par les grands groupes internationaux, on les rencontre de plus en plus fréquemment pour les ETI. Cela attire de nouveaux prestataires de services de niche locaux qui mettent en avant la proximité, l’expertise et l’innovation numérique et technologique avant des coûts salariaux réduits. Voici peut-être un cercle vertueux qu’on pourrait aussi illustrer par le passage d’un secrétaire d’Etat du Numérique au Commerce extérieur.