La remarquable stabilité des prix

Publié le 17 janvier 2014 à 15h35    Mis à jour le 1 septembre 2014 à 14h47

Michala Marcussen

Au cours des dernières années, l’économie mondiale a connu la crise la plus profonde depuis la Seconde Guerre mondiale, la zone euro a vu son existence même remise en question. Les banques centrales, pour faire face à ces difficultés multiples ont introduit un éventail de nouveaux instruments, dits non orthodoxes. Un des faits économiques les plus remarquables au cours de cette période extrêmement tumultueuse reste la stabilité des anticipations d’inflation. Pour 2014 les économistes prévoient une reprise de la croissance dans les pays avancés, tirée par les Etats-Unis, et, dans une moindre mesure, par la zone euro, tout juste sortie de récession.

Ce moment où un nouveau cycle économique redémarre impose des choix difficiles pour la politique monétaire. Les principales banques centrales se sont engagées, chacune à sa façon, à accompagner au mieux cette reprise. Les anticipations d’inflation sont au cœur même de ces promesses et c’est ici que réside un des principaux facteurs de risque pour l’économie mondiale et les marchés financiers en 2014. En 2013, les taux d’intérêt américains à long terme ont nettement remonté, passant de 1,8 % (le taux 10 ans) au début de l’année, et clôturant à 3 %. L’anticipation de la reprise et le resserrement de la politique monétaire (bien que très progressifs) en furent les principaux déterminants. Les marchés actions américains ont bien réagi à cette hausse, notamment parce que les taux restent bas et que l’activité se redresse. Ils ont enregistré une progression de près de 30 % en 2013. Selon les prévisions de la Reserve fédérale, la première hausse de taux n’interviendra pas avant 2015.

C’est un resserrement tardif quand on le compare aux précédents cycles économiques. La Fed considère qu’il n’y a pas de risque pour la stabilité des anticipations d’inflation, notamment parce que les excès de capacité de production et que le nombre de personnes sans emploi reste élevé. Les chiffres du chômage américain méritent dans ce contexte un décryptage détaillé. En décembre 2013, le taux de chômage s’est établi à 6,7 %, en net repli par rapport aux 7,9 % observés en janvier 2013, mais encore loin du seuil de 5,5 % estimé par le CBO comme le taux de chômage n’accélérant pas l’inflation (le Nairu). Ce chiffre masque cependant un net repli du taux de participation, de 63,6 % en début 2013 à 62,8 % en fin d’année. Ainsi, la principale cause de la baisse du chômage en 2013 réside dans le fait qu’une part croissante de la population en âge de travailler a tout simplement quitté le marché du travail. Une partie de cette hausse et liée à des facteurs structurels (démographiques), une autre à des facteurs cycliques. Selon la Reserve fédérale, la part cyclique est importante et le taux de participation remontera une fois la reprise établie.

Mais si cette baisse du taux de participation s’avérait être structurelle, alors la cible de 5,5 % (Nairu) pourrait être rapidement atteinte, forçant la Réserve fédérale à remonter ses taux plus tôt et plus rapidement qu’actuellement anticipé. Pour la Banque centrale européenne (BCE), les anticipations d’inflation sont également un facteur important de risque pour 2014. Les prévisions d’inflation pour 2014 ont baissé à 1 % et les anticipations d’inflation à moyen terme restent stables. Pour la BCE, un scénario de risque potentiellement très néfaste serait un repli marqué des prévisions et des anticipations d’inflation. La BCE dispose certes encore de marges de manœuvre (nouvelle baisse de taux, taux de dépôt négatif, nouvel apport de liquidité, nouvelle opération LTRO associée éventuellement à un taux plafonné…). La solution utilisée dans les autres principaux pays avancés, c’est-à-dire l’achat massif d’obligations d’Etat par la Banque centrale, semblerait nécessaire en cas de risque d’une déflation généralisée. Toutefois, une telle solution se heurterait à de nombreux obstacles politiques et potentiellement aussi à des obstacles légaux. Le risque pour la BCE est donc de ne pouvoir agir que très (voire trop) tardivement. La poursuite de cette remarquable stabilité des prix des deux côtés de l’Atlantique est clairement clé pour la bonne santé de l’économie réelle et les marchés financiers en 2014. Souhaitons sa poursuite !

Michala Marcussen

Du même auteur

Voir plus

Chargement en cours...

Chargement…