La spirale déflationniste d’un dollar fort

Publié le 30 janvier 2015 à 15h19

Michala Marcussen

Au moment même où la Banque centrale européenne (BCE) et la Banque du Japon poursuivent des politiques d’assouplissement monétaire sans précédent, la Réserve fédérale des Etats-Unis (Fed) et la Banque d’Angleterre préparent une première hausse des taux. Résultat, le dollar fort est de retour ! Pour les autres banques centrales, cela pose un véritable dilemme. Ou bien accepter de recevoir la pression déflationniste exportée par les économies dites à «monnaie faible» ou bien se joindre au mouvement, poussant ainsi le dollar encore plus haut. Le Danemark, le Canada, Singapour, l’Inde, la Hongrie et la Nouvelle-Zélande ont récemment opté pour la seconde option et la voie de l’assouplissement monétaire. En temps normal, un prix de pétrole faible, des taux d’intérêt bas et une devise faible (pour les pays qui en bénéficient) devraient donner une forte impulsion à la croissance mondiale. Il y a cependant des vents contraires qui freinent. Dans la course à l’exportation de la pression déflationniste, nous notons le recul de l’économie mondiale lorsqu’elle est mesurée en dollars. Paradoxalement, ce fait pourrait amplifier les pressions déflationnistes.

 

Les vents contraires

Des niveaux d’endettement public et privé encore trop élevés, une réglementation financière plus exigeante en capital, le faible niveau d’investissement, le ralentissement structurel de l’économie chinoise, des systèmes économiques encore trop rigides, des populations vieillissantes, la crise ukrainienne, les incertitudes en Grèce… La liste est longue de facteurs négatifs susceptibles de contrebalancer les effets positifs de la baisse du pétrole et des taux d’intérêt très bas. Cela explique que le FMI vienne de réviser sa prévision de croissance mondiale à la baise de 0,3 point sur les trois prochaines années, à 3,5 % en 2015 et 3,7 % en 2017.

 

Un casse-tête chinois

Plusieurs pays émergents se trouvent par ailleurs face à un véritable dilemme : perdre en compétitivité en acceptant une monnaie «forte» ou mettre en péril leur stabilité financière en poursuivant sur la voie d’une monnaie «faible» alors que leur économie reste lourdement endettée en dollars. Selon une nouvelle étude de la BRI, l’endettement chinois en dollars (du secteur privé non financier) représente environ 10 % du PIB. Ainsi, il nous semble difficile pour la Chine de conduire une politique qui viserait à faire déprécier sa monnaie, ce qui constituera un soulagement pour de nombreux autres pays émergents. La Chine peut par ailleurs s’appuyer sur des réserves de changes importantes, ce qui lui offre une certaine protection en cas de choc financier majeur. Cela étant, lorsque la Fed commencera à relever ses taux directeurs, il n’est pas exclu que certains pays émergents connaissent une période de stress.

 

L’économie-dollar en baisse

Un fait notable est la baisse du PIB mondial libellé en dollars courants. Depuis cet été, l’économie mondiale a perdu 4 000 milliards de dollars, ce qui marque le premier repli de l’économie-dollar depuis la crise en 2007. A court terme, nous pensons par ailleurs que ce repli devrait se poursuivre en raison d’une nouvelle appréciation du dollar. Pour renverser cette tendance, il faudrait que la croissance nominale en monnaie locale surpasse la vitesse d’appréciation du dollar, ce qui paraît peu probable à court terme. Pour nous, ce repli de l’économie-dollar constitue en soi une force déflationniste, avec le risque d’entraîner de nouvelles baisses des prix des matières premières et de nouvelles mesures d’assouplissement en matière de politique monétaire, conduisant à exporter les pressions déflationnistes. En absence d’une nette reprise de croissance, une véritable spirale déflationniste risque de résulter d’un dollar de plus en plus fort. Comme le souligne fréquemment la BCE, des réformes structurelles et des politiques budgétaires adéquates restent indispensables pour générer une véritable reprise soutenable et s’éloigner définitivement du spectre de la déflation.

Michala Marcussen

Du même auteur

Voir plus

Chargement en cours...

Chargement…