Les données, « nouvelle frontière » des directeurs financiers
La direction financière peut prendre le leadership sur la gestion des référentiels de données, pour de multiples raisons légitimes. La dernière en date est la mise en place de la CSRD qui met un focus sur la captation, la fiabilisation et le reporting des données ESG. Les enjeux dépassent largement les entreprises concernées par les seuils fixés, puisque les obligations concernent toute leur chaîne de valeur et donc des fournisseurs de bien plus petite taille, ayant des ressources limitées. Les outils de business intelligence, de reporting ou de consolidation, présents sur le marché, enrichissent leur offre pour automatiser les processus de production d’informations. Mais dans les petites entreprises, la charge pour obtenir et mettre en forme repose souvent sur la direction financière.
La mise en place d’ERP et de systèmes de pilotages est un autre défi : il faut faire tomber les silos métiers et changer les modes de fonctionnement. La fonction finance (le contrôle de gestion ou la comptabilité) est impliquée dans les flux transversaux : clients, fournisseurs, production au sens large. Mais l’harmonisation et le partage par tous d’une définition unique de chaque KPI sont indispensables, en particulier pour ceux qui touchent au pilotage financier.
Dans un univers concurrentiel de plus en plus rude, les PME et ETI sont à la peine pour optimiser leur action commerciale ou stratégique. Si l’on prend comme exemple le secteur agroalimentaire, les fournisseurs de la grande distribution ou des principaux acteurs de la restauration hors foyer appartiennent en grande partie à cette catégorie d’entreprises. Elles font face à des acheteurs qui leur mettent à disposition des données souvent sous forme de tableaux Excel, moyennant une ristourne complémentaire. Le constat dressé est que trop peu d’entreprises peuvent les exploiter, faute de temps pour compiler et retraiter les informations. On est loin du big data et de l’IA... Des solutions techniques innovantes apparaissent, qui permettent de rassembler dans un même modèle de données les informations disparates fournies par certains grands groupes. L’exploitation par les gens du métier est grandement facilitée, mais la validation de la cohérence des données reçues avec le modèle de données utilisé et l’intégration éventuelle dans le processus de reporting ou d’élaboration budgétaire dépend encore du contrôle de gestion. Une utilisation efficace permet de valoriser au mieux les ristournes consenties.
La fonction finance n’a pas encore les moyens de cette politique. Lorsque l’activité de l’entreprise nécessite l’utilisation de gros volumes de données hétérogènes, les compétences de data scientists ou de data analysts sont requises pour les gérer, les nettoyer, harmoniser les formats et ensuite préparer des requêtes ou des reportings. Même si des outils assez ergonomiques (exemple Power BI) sont à disposition, les exploiter de façon efficace nécessite un minimum d’attirance pour la programmation, tout en ayant une connaissance métier.
Ce profil hybride est difficile à trouver : de nombreuses formations spécialisées d’experts techniques, capables d’opérer les outils basés sur l’IA, ont ouvert. Dans les formations en management et en particulier en contrôle de gestion, la part consacrée à la donnée, à sa structuration et à l’usage d’outils de reporting du marché tend à augmenter, mais peut encore apparaître comme insuffisante.
Pour assurer ce rôle de coordination et d’assurance qualité, qui conditionne la pertinence des décisions prises dans les PME-ETI, le directeur financier doit convaincre sa direction générale et élargir le champ de compétences de son équipe. Il s’agit d’ identifier et d’intégrer dans la direction financière une compétence, reconnue par tous, venue des métiers de l’entreprise, pour créer une petite cellule data management pour sécuriser les processus de définition, création, suppression et modification des principales données ; de prioriser les actions pour faire monter en compétence cet expert et les contrôleurs de gestion en poste sur les sujets d’outils de nettoyage de données et de requête, pour être un vrai business partner des métiers et fournir des bonnes analyses. La venue d’un data scientist viendra par la suite compléter le dispositif en intégrant un jeune que l’on pourra former aux aspects métier. Les besoins en données sont boostés par l’IA : c’est maintenant qu’il faut prendre le tournant !