Recherche
Les fonds de retraite contribuent à la stabilité financière
Par leur perspective de long terme, les fonds de retraite contribuent à la stabilité financière aussi bien dans les pays industriels que dans les émergents, en temps normal comme en période de crise.
Les fonds de pensions détiennent plus de 60 % des actifs financiers dans le monde dont une bonne moitié, 30 000 milliards de dollars, aux Etats-Unis. Ce modèle de fonds de financement de la retraite a été adopté par de nombreux pays au cours des dernières décennies, notamment dans des pays émergents qui n’en disposaient pas. Il est donc utile de mesurer l’impact de ces détentions d’actifs à long terme sur la stabilité financière des pays qu’ils financent, notamment en actions. Qu’en est-il vraiment ?
Deux études font le point sur la question : la première « The stabilizing effects of pension funds vs. mutual funds on country specific market risk »1 de trois chercheurs chinois et la deuxième « Do pension funds provide financial stability? Evidence from European Union countries »2 de deux chercheurs turcs. Ces études mesurent l’effet de la taille relative au PNB des fonds de pension de différents pays sur leur risque financier. Dans la deuxième étude, la stabilité financière est mesurée par l’indice CLIFS (country linked index of financial stability) qui s’appuie sur un ensemble de six indicateurs de stabilité portant sur les marchés et le secteur financier, alors que la première étude considère les mesures traditionnelles de volatilités des marchés obligataires et boursiers. La première étude porte sur 47 pays et compare les tailles relatives des fonds de pensions et des fonds mutuels, tandis que la seconde se focalise sur l’Europe (sans le Royaume-Uni) et les fonds de retraite (pour la France, les quelque 300 milliards de réserves des caisses de retraite et fonds de réserves sont pris en compte).
La nécessité d’une bonne gouvernance
Les deux articles conduisent à la même conclusion : les fonds de retraite tendent à augmenter la stabilité financière des pays qu’ils financent. Ce résultat, auquel on pouvait s’attendre, se manifeste autant dans des pays proches de nous géographiquement et économiquement que partout sur la planète y compris dans des pays moins développés. Ces études apportent d’autres éléments utiles : ainsi, la première montre que la taille agrégée des fonds mutuels (non exclusivement détenus par les institutionnels, contrairement aux fonds de retraite) tendrait au contraire à avoir un effet amplificateur des volatilités. La seconde étude montre que la stabilité est renforcée en temps normal et en temps de crise, mais que cela ne se produit que dans les pays ayant une bonne gouvernance. Parmi les explications données par les auteurs, la détention de long terme évite les ventes en période de crise, voire permet un comportement contracyclique, par nature stabilisateur.
De telles études confirment le bien-fondé de réserves de long terme ; elles ne prouvent pas que seuls les fonds de pension en seraient dépositaires. Par ailleurs, seuls les effets sur les risques financiers sont observés alors qu’il serait aussi utile de considérer les effets économiques et sociaux, voire environnementaux. Les mesures employées pourraient être également complétées de considérations macroéconomiques à plus long terme. L’incidence des régimes politiques, plus ou moins inspirés par la démocratie, et du droit, notamment de la propriété et du travail, serait intéressante à prendre en compte. La gouvernance semble bien, en effet, avoir une influence sur les résultats.
Après de long mois d’accouchement d’une réforme des retraites en France, on peut mesurer une fois de plus l’occasion manquée de constituer ces réserves utiles aux retraites et à l’économie. Certes, le troisième pilier tend à se développer et c’est heureux, mais la puissance des fonds de retraite, illustrée par ces deux études, résulte de leur taille, de leur constance et de leur professionnalisme. Les fonds en euro des assureurs vie apportent une forme de succédané, malheureusement beaucoup moins investi en actions et en actifs réels. Les règlements comptables et prudentiels qui s’y rattachent brident le plein effet dont jouissent les fonds de plus long terme. C’est bien dommage !
1- « The stabilizing effects of pension funds vs. mutual funds on country specific market risk », Wenjun Xue, Zhongzhi He, Yu Hu, 2021, Journal of Multinational Financial Management, Elsevier.
2- « Do pension funds provide financial stability? Evidence from European Union countries », Seda Peksevim, Metin Ercan, 2023, Journal of Financial Services Research, Springer.
Jean-François Boulier est président d'honneur de l'Af2i.
Du même auteur
Les social bonds sont-ils plus chers que les autres ?
Le segment obligataire des social bonds, qui financent des projets à vocation sociale, dans la santé…
La « Blended Finance » est-elle responsable ?
La « Blended Finance » ou finance mixte, mêlant capitaux publics et privés, se développe dans les…
Les cours boursiers intègrent-ils une prime de biodiversité ?
Si les questions climatiques sont désormais au cœur des préoccupations des investisseurs, celles…