Les cours des marchés financiers classiques, en particulier les bourses, évoluent le plus souvent au hasard, du moins à court terme. Au cours des années 1970 est née l’idée que l’information économique et financière est rapidement intégrée dans les cours et que leur évolution récente n’est d’aucune aide pour en prévoir le futur. Cette « efficience informationnelle » est malgré tout sujette à quelques anomalies comme l’effet début d’année, généralement de performance positive, et l’effet lundi, plutôt négatif celui-là. Qu’en est-il des cryptomonnaies et de la plus importante d’entre elles, le bitcoin ?

Dans un article récent intitulé « Is New Finance better than the Old one : bitcoin and the Monday Effect »*, un chercheur breton analyse les évolutions quotidiennes du bitcoin sur une période d’environ 10 ans, depuis début juillet 2011. Comme dans les études antérieures consacrées aux actions de différents marchés, il compare les performances quotidiennes des différents jours de la semaine et les analyse au travers de plusieurs filtres. Ayant une base de données assez importante il étudie également les différences entre cinq sous périodes.

La croissance et le risque des cryptomonnaies sont conséquents, à en juger par le bitcoin dont la performance s’est établie à environ 6 % mensuellement, avec une volatilité annuelle de 108 % sur la période analysée ! Le meilleur jour des 10 années observées, il a monté de 83 % et le plus mauvais jour il a chuté de 85 %. Sur cette période, l’effet du lundi pour le bitcoin s’avère positif, et ce quelles que soient les méthodologies d’analyse utilisées. En outre, ce comportement se révèle stable (et souvent très significatif en plan statistique) au cours des différentes sous périodes, pourtant bien distinctes puisqu’elles ont été le siège d’une hausse très importante pour l’une et a vu les effets de la pandémie pour la dernière. Les performances les autres jours de la semaine ne présentent pas sur cette période une quelconque permanence, ni positive ni négative. Cet effet lundi n’est pas précédé par un effet stable positif ou négatif pendant le week-end, il s’agit donc d’un effet spécifique à ce jour. En outre, l’analyse montre que les corrélations entre les performances des différents jours ne sont pas nulles comme cela serait le cas dans une marche au hasard.

Un marché neuf, au carrefour d’intérêts divers

L’auteur tente différentes interprétations de ces résultats très singuliers. Selon lui, les intervenants de ces marchés seraient principalement des spéculateurs à court terme dont l’optimisme serait plus visible en début de semaine, ils seraient ainsi plus enclins à prendre des positions acheteuses le lundi ce qui se traduirait par cette performance en moyenne positive ce jour-là. Quant à l’effet négatif observé sur les cours boursiers le lundi, il a été interprété par certains chercheurs comme la conséquence de mauvaises nouvelles diffusées après la clôture du vendredi pour être mieux digérées pendant la pause dominicale. Le marché du bitcoin reste toujours ouvert, alors comment définir ce qui est de nature à l’influencer ?

Marché neuf et sans doute au carrefour d’intérêts les plus divers, le bitcoin montre dans le domaine de la prévisibilité à court terme des différences saillantes avec les autres classes d’actifs. Il serait utile de savoir si les autres cryptomonnaies, il y en a plusieurs milliers, présentent les mêmes effets. La corrélation entre les évolutions quotidiennes à court terme du bitcoin est une autre surprise, plutôt indicative d’une dynamique de marché jeune ou moins atomisé que les marchés financiers classiques. Beaucoup d’autres études ont tenté de mettre à jour des liens entre ces marchés nouveaux et les anciens, sans que rien ne paraisse bien probant à ce jour. Les cryptomonnaies auraient-elles un statut à part ?

*« Is New Finance better than the Old One : bitcoin and the Monday Effect », 2022, Jérémy Morvan, Congrès AFFI Saint-Malo.