Recherche : Quelles stratégies d’investissement en période d’inflation ?
L’inflation a des effets négatifs sur la plupart des classes d’actifs, qui en pâtissent fortement. Mais des stratégies existent pour s’en prémunir.
L’inflation est rarement une bonne nouvelle, sauf pour quelques secteurs et acteurs économiques. Or, les chiffres récents ont confirmé que le monde, dans son ensemble, était entré dans une période d’inflation forte, au-dessus de 5 %. Après plus de 30 ans sans inflation ou presque, les connaissances en matière de dommages inflationnistes sur les prix des actifs et sur les pratiques pour s’en prémunir méritent d’être rafraîchies. Qu’en est-il des principales classes d’actifs financiers, immobiliers ou des matières premières ? Y a-t-il des stratégies simples pour se protéger ?
Dans leur article intitulé « The Best Strategies for Inflationary Times », cinq chercheurs ont étudié systématiquement les performances nominales et réelles (corrigées de l’inflation) des actifs américains et des matières premières sur la période 1926-2021. Ils relèvent huit périodes inflationnistes (avec un taux d’inflation supérieur à 5 %) dont trois ont vu l’indice des prix plus que doubler : l’après Bretton Woods et les deux chocs pétroliers des années 1970. Les auteurs analysent les performances d’une quarantaine de stratégies passives ou actives sur chacune de ces périodes, sur l’ensemble des périodes inflationnistes et, à fin de comparaison, sur les périodes non inflationnistes.
Une baisse de 8 % des actions pendant les épisodes d’inflation
Les résultats issus de cette analyse portant sur un siècle sont sans appel, les actifs financiers pâtissent des périodes inflationnistes dans de très larges proportions : de – 1 % de rentabilité annuelle réelle pour les actions du secteur énergétique à – 15 % pour celles de la consommation durable, en moyenne de – 8 % pour les actions en général (alors que sur la période totale leur performance réelle est de + 7 %). Les performances réelles obligataires s’étagent de – 2 % pour les obligations courtes à – 7 % pour le crédit investment grade ou high yield en passant par – 4 % pour les obligations d’Etat (alors que sur la période totale leur performance réelle est de + 2 %). L’immobilier résidentiel tire son épingle du jeu à – 2 %. Rien ne va pendant les périodes inflationnistes, sauf à se tourner vers les matières premières, grandes responsables de ces crises, et donc en avant de la vague de hausse des prix qu’elles engendrent : + 7 % pour les matières premières agricoles, + 11 % pour l’or et + 41 % pour l’énergie ! Ces chiffres moyens cachent de grandes dispersions, car les crises ne se ressemblent pas, sauf par la plus grande volatilité qui les accompagne.
Est-il possible de faire mieux avec certaines stratégies actives ? Les auteurs se sont limités à considérer les classiques gestions en tendances (gestions prenant des partis pris forts, jouant sur des tendances, considérant que l’inflation va durer, par exemple) et en long-short. Les secondes n’apportent guère d’intérêt mais les premières s’avèrent particulièrement intéressantes : + 8 % pour les actions, + 14 % pour les obligations, + 20 % pour les matières premières. Est-ce le fait que le phénomène de diffusion des prix comporte une certaine prévisibilité à court terme qui génère ces performances de stratégies de tendances ? En tout état de cause, elles peuvent être en position vendeuses, grâce à l’usage de contrats dérivés, ce qui est évidemment un avantage quand les performances des actifs sous-jacents sont négatives.
L’inflation reste très difficile à prévoir à long terme. Mais s’en prémunir est manifestement de l’ordre du possible, dans une certaine mesure, et une certaine rotation des actifs permet de limiter les dégâts de ces épisodes imprévisibles mais durables. Les auteurs considèrent également les marchés anglais et japonais avec des résultats proches. Ces données pourraient servir en Europe même si la disparité entre les différentes économies renforce la variabilité des effets. Attention aussi à l’utilisation des données des dernières décennies pour l’analyse des risques et des corrélations entre actifs, car le caractère asymétrique des crises, rapides à apparaître longues à combattre, rend l’histoire récente de référence discutable ! Quant à l’or ou aux crypto-monnaies, leur relatif pouvoir de protection s’accompagne d’une volatilité très forte, exacerbée en période d’inflation.
*The Best Strategies for Inflationary Times, Henry Neville, Teun Draaisma, Ben H., Campbell R. Harvey and Otto Van Hemert, Journal of Portfolio Management.
Jean-François Boulier est président d'honneur de l'Af2i.
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