Stabilité en zone euro : un processus inachevé

Publié le 28 février 2014 à 12h58    Mis à jour le 19 mai 2014 à 15h17

Andreas Utermann

Quelques mois avant la promesse de Mario Draghi de «faire tout ce qu’il faut» pour sauver la monnaie unique, nous avions identifié trois conditions nécessaires à la stabilité en zone euro. Au vu de la contraction marquée des spreads des CDS européens depuis douze/dix-huit mois, la situation semble avoir progressé.

La zone euro est-elle parvenue à surmonter ses principales difficultés ? Sur le front de l’union bancaire, des avancées notables ont été réalisées sur les caractéristiques du mécanisme de supervision unique. En matière d’intégration et de discipline budgétaires, des étapes essentielles ont été franchies avec la mise en place du MES et de la FESF, en complément du six-pack et du two-pack. Enfin, le recours à l’OMT a permis à la BCE d’endosser un rôle de prêteur en dernier ressort. En dépit de ces progrès, le cadre institutionnel susceptible d’assurer la pérennité de la zone est loin d’être abouti. La non-finalisation d’un mécanisme européen de garantie des dépôts ou de résolution bancaire limite la portée de l’accord sur le dispositif de sauvetage des banques par renflouement interne (bail in). Le défaut d’accord permanent sur la mutualisation de la dette souligne la distance qui nous sépare d’un accord de fond sur l’intégration budgétaire.

Dans le même temps, l’amélioration des conditions de marché accroît le risque de complaisance de la part des autorités politiques. De fait, la dynamique du changement semble s’essouffler, tandis que d’autres facteurs de risque se font jour :

- le processus de désendettement public est loin d’être terminé. Dans la plupart des pays de la zone euro, le ratio de dette sur PIB, déjà très élevé, continue d’augmenter. Pour être soutenables, de tels niveaux d’endettement nécessitent des coûts de financement faibles, mais aussi le retour, à terme, d’une croissance suffisante. Or celle-ci tarde à se matérialiser ;

- l’ampleur du recours des Etats membres à leurs banques locales (même si 88 % des récentes émissions du Portugal ont été souscrites par des investisseurs étrangers) traduit une tendance à la désintégration financière qui va à l’encontre du projet d’union monétaire. Elle illustre la «re-domestication» du marché obligataire qui pourrait, compte tenu de la demande pour certains emprunts, créer un faux sentiment de sécurité ;

- on ne peut écarter le risque politique. La cour constitutionnelle du Portugal a déjà rejeté à trois reprises d’importantes réformes gouvernementales. Les prochaines élections européennes pourraient aussi réserver quelques surprises avec une montée des extrêmes, en particulier si le taux d’abstention est en hausse. Le référendum sur l’indépendance de l’Écosse pourrait également causer une onde de choc, susceptible de se propager à l’Espagne ou à la Belgique. Du fait des efforts encore nécessaires sur le front institutionnel et des risques de surprises négatives, certaines valorisations semblent difficiles à justifier. Les obligations de certains marchés européens «core» ont quasiment renoué avec leurs niveaux d’avant-crise, sans pour autant refléter la réalité économique.

Aurions-nous déjà oublié les leçons que la crise nous a enseignées sur les dangers de ne pas apprécier le risque correctement ? La BCE fait tout son possible pour compenser l’insuffisance d’engagement des politiques. Consciente de l’ampleur de l’effort de désendettement nécessaire, de la fragilité de la reprise et de l’impérieuse nécessité d’un retour de la croissance en Europe, elle est davantage préoccupée par le spectre de la déflation que par le risque inflationniste, ce qui nous laisse penser que sa politique monétaire devrait rester durablement accommodante. Sauf choc imprévu, les actifs risqués devraient dans l’ensemble continuer de bien performer en Europe.

Les obligations de la zone euro et les marchés périphériques (en particulier l’Espagne, l’Irlande et l’Italie qui, en dépit d’importantes réformes structurelles, intègrent toujours un risque de défaut élevé) devraient surperformer les marchés «core». Malgré une remontée du taux de rendement depuis mai dernier, les emprunts d’État allemands restent surévalués et il nous semble plus prudent de se tenir à l’écart de ces titres sur des maturités de moyen et long terme.

Andreas Utermann

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