La gestion assurantielle est soumise à de nombreux défis. A court terme, elle est impactée par un environnement macroéconomique incertain. Comment gérer une allocation d’actifs dans un contexte marqué par une remontée possible de l’inflation et des taux d’intérêt ? Les gérants spécialisés dans la gestion assurantielle oscillent entre prudence et opportunisme, estimant que des points d’entrée sur les actifs à risque peuvent apparaître. Reste que l’horizon d’investissement des compagnies d’assurances est le long terme. De ce fait, tous les participants au Grand Débat soulignent la nécessité de prendre en compte les enjeux sociétaux et environnementaux ainsi que la transformation induite des modèles économiques. L’évolution réglementaire devrait les y aider.
- La macroéconomie suscite actuellement beaucoup d’interrogations, quelles sont vos anticipations et quelles conséquences en tirez-vous en termes d’allocation d’actifs ?
- La directive Solvabilité est actuellement passée en revue, quelles sont les conséquences à en attendre en termes d’allocation d’actifs ?
- La réglementation ne pousse-t-elle pas aussi les compagnies d’assurances à intégrer le risque climat ?
- Quels changements ont déjà été mis en œuvre dans les portefeuilles ?
- Les assureurs commencent-ils à prendre en compte les risques liés à la biodiversité ?
De gauche à droite : Baptiste Buisson, responsable des investissements mandats euro, ESG & solutions, Aviva Investors France, Anne-Sophie Musset, directrice R&D et climat chez Périclès Actuarial, Nicolas Fournier, directeur général de Sequantis LT, Muriel Heitzmann, directrice des investissements assurantiels chez Groupama Asset Management et membre du comité de direction, Edouard Jozan, responsable d’Allianz Insurance Asset Management, Allianz Global Investors
Un contexte macroéconomique incertain
La macroéconomie suscite actuellement beaucoup d’interrogations, quelles sont vos anticipations et quelles conséquences en tirez-vous en termes d’allocation d’actifs ?
Baptiste Buisson, responsable des investissements mandats euro, ESG & solutions, Aviva Investors France : Depuis un an et demi, les marchés financiers n’ont cessé de progresser. La performance a été tirée par les politiques très accommodantes des banques centrales qui ont injecté massivement des liquidités. A cela se sont ajoutés les plans de relance de différents Etats, ainsi que la réouverture des économies aidées par les campagnes de vaccination massive. Nos prévisions de croissance pour 2021 sont de très bonne facture : plus de 7 % pour la Chine, plus de 5 % aux Etats-Unis et en Europe. En 2022, les fondamentaux devraient rester solides. Toutefois, cette rentrée marque un tournant. Certains signaux commencent à assombrir le paysage tels que l’inflation. Celle-ci sera-t-elle transitoire ou plus durable ? Le pétrole est en effet à un plus haut depuis 2018, le gaz à un plus haut depuis sept ans… Nous assistons également à des incidents d’approvisionnement dans la chaîne de valeur de certains produits qui se traduisent par un déséquilibre entre l’offre et la demande, ce dernier pesant sur les prix. Cette situation inquiète les banques centrales qui commencent à infléchir leur communication (ton légèrement hawkish) et à évoquer la possibilité d’un ralentissement dans leur programme de rachat d’actifs. Une hausse des taux d’intérêt anticipée dès 2022 pour les Etats-Unis et en 2023 pour l’Europe est également évoquée. Les marchés s’inquiètent aussi de l’émergence de chocs exogènes comme Evergrande, le géant chinois de l’immobilier qui n’est plus en mesure d’assurer le paiement de ses dettes. Ce dossier constitue un risque, même si nous considérons chez Aviva Investors France que le gouvernement chinois devrait être pragmatique et éviter un défaut désordonné, sachant que le risque social associé à la faillite de cet acteur est immense. En résumé, les incertitudes se multiplient ces dernières semaines. La volatilité est donc plus grande avec une phase de correction possible. De notre point de vue, cela peut créer des points d’entrée sur certaines classes d’actifs. Avec la saison des résultats à partir de mi-octobre, nous allons pouvoir constater si la hausse des coûts se traduit dans les marges des entreprises et déterminer en conséquence s’il est pertinent de se renforcer ou non sur certaines valeurs ou secteurs. Nous sommes ainsi relativement prudents sur les marchés actions, même si nous considérons qu’une respiration des marchés pourrait constituer une opportunité de repositionnement de nos portefeuilles pour 2022. En matière de crédit, nous estimons que la classe d’actifs est chère dans la mesure où les banques centrales ont écrasé les spreads. Nous pensons qu’il existe davantage de valeur dans la catégorie notée high yield car celle-ci est protégée par le « portage » (ou carry) et les spreads y sont plus larges. Sur la partie taux souverains, les taux d’intérêt pouvant légèrement augmenter, nous avons réduit légèrement nos paris de durations dans certains portefeuilles obligataires.
Muriel Heitzmann, directrice des investissements assurantiels chez Groupama Asset Management et membre du comité de direction : Nos anticipations en matière d’inflation se distinguent du consensus. Nous considérons que l’inflation ne sera pas transitoire compte tenu de la combinaison exceptionnelle de facteurs conjoncturels, comme les stocks très bas, la hausse des matières premières ou les impulsions budgétaires qui provoquent un choc de demande positif, et des facteurs structurels que sont le vieillissement de la population ou le coût de la transition énergétique et environnementale. Nous ne nous inscrivons donc pas dans le consensus et imaginons une hausse de l’inflation plus durable, avec un régime d’inflation aux alentours de 3 % aux Etats-Unis et 2 % en zone euro. Les banques centrales devraient quitter le mode « crise » dans lequel elles se situent et modifier graduellement leur stratégie : le resserrement monétaire se fera de façon progressive et modérée. La Fed devrait annoncer prochainement le début du tapering (réduction du soutien extraordinaire qu’elle apporte à l’économie à travers son programme d’achats de titre). De son côté, la BCE annonce une sortie progressive de son programme d’achat d’actifs dans le cadre de son programme d’urgence (PEPP). La normalisation des politiques des banques centrales, bien que très progressive, et l’ajustement croissance/inflation devraient s’accompagner d’une remontée de la volatilité des actifs. Dans ce contexte, nous anticipons une hausse modérée des taux d’intérêt, avec des niveaux autour de 2,4 % pour le Tnotes 10 ans, 0,2 % sur le Bund et 0,4 % sur l’OAT 10 ans à horizon fin 2022 et fin 2023. Concernant le crédit, nous considérons nous aussi qu’il est trop cher. Sur les actions, la tendance reste positive avec des révisions haussières plus importantes que les baissières et les valorisations restent solides : nous nous attendons encore à des hausses, avec de possibles épisodes de volatilité. En termes d’allocation, nous sommes opportunistes sur les taux et investissons lors des chocs de taux pour améliorer le rendement de nos portefeuilles sans en dégrader le rating et la qualité ESG. Sur le crédit, compte tenu de l’hétérogénéité des émetteurs, la sélection est très importante ; nous captons également de la prime sur les émetteurs « crossover » entre BBB et BB. Par ailleurs, nous achetons des obligations libellées en devises qui, assorties d’un asset-swap en euro, permettent d’obtenir un rendement supérieur à la même obligation libellée en euro dans le cas d’un déséquilibre de marché. Enfin, sur les actions, nous profitons des chocs de marché pour renforcer nos positions. Nous construisons pour nos mandats assurantiels des portefeuilles actions à volatilité réduite et avec une distribution de dividendes stable dans le temps afin de se rapprocher d’un profil de rendement obligataire assorti d’une prime plus élevée liée aux marchés actions.
Anne Sophie Musset, directrice R&D et climat chez Périclès Actuarial : Nous rejoignons l’idée d’une inflation qui serait plus longue, plus structurelle. Les denrées de base vont être sans doute sous pression sur une longue période, ce qui devrait peser sur l’inflation. En matière d’énergie, les prix sont également orientés à la hausse. Même si différents gouvernements notamment en Europe tentent de mettre en place des politiques pour atténuer ces augmentations vis-à-vis des consommateurs, cette problématique se posera à nouveau à l’avenir. Si on prend l’exemple du gaz, celui-ci est amené à remplacer le charbon, donc dans le jeu de l’offre et de la demande, le prix du gaz continuera d’augmenter. Il faut également souligner que la hausse des prix du gaz n’a pas un effet négatif que sur la facture des particuliers, elle en a également un sur celle des industriels. Les coupures d’électricité rencontrées en Chine ou au Liban ne sont que les prémices de la tension à venir et du coût de l’énergie.
Allianz Global Investors
Données clefs sur la gestion assurantielle
- Effectifs dans la gestion assurantielle : 50 gérants et analystes en Europe spécialisés assurance.
- Encours sous gestion dans la gestion assurantielle et en % par rapport aux encours globaux : 200 milliards d’euros d’encours d’actif général d’assureurs sur un total de 633 milliards d’euros d’encours (au 30/06/2021).
- Philosophie d’investissement en quelques mots : expertise approfondie sur l’ensemble de la chaîne de valeur des métiers de l’assurance, services à la carte, innovation aux services des clients, membre fondateur de l’initiative Net Zero Asset Owner Alliance.
«Nos recommandations portent principalement sur la diversification. Les compagnies d’assurances en France pourraient aller sur les marchés émergents, voire même simplement aux Etats-Unis. Une diversification vers les marchés privés au sens large nous semble également opportune. »
Edouard Jozan, responsable d’Allianz Insurance Asset Management, Allianz Global Investors : L’horizon d’investissement de la gestion assurantielle est le long terme. Dans cette perspective, trois sujets nous semblent importants. Le premier concerne les taux d’intérêt, nous considérons qu’ils vont rester très bas sur un horizon relativement long. Nous nous situons dans un marché relativement déprimé et cela d’autant plus que les taux d’intérêt réels risquent de diminuer encore davantage du fait de l’inflation. Cela aura des implications sur l’allocation d’actifs à long terme des compagnies d’assurances. Le taux de rendement continuant de s’éroder, la chasse aux rendements (aux bons risques) va se poursuivre.
Dans cette perspective, les actifs réels et les actifs privés devraient occuper une place encore plus importante dans les allocations d’actifs des compagnies d’assurances, sachant que ces actifs – aux bons risques – permettent de capter des primes de risque et des flux de trésorerie (cash-flow) relativement prévisibles sur le long terme. Associée aux taux d’intérêt bas, nous devons repenser l’allocation actif/passif. Dans cette perspective, la prochaine revue de la directive Solvabilité 2 va encore plus exacerber cette nécessité d’un adossement actif/passif.
L’une des solutions consiste alors à mettre en place une stratégie de type « barble » avec des taux d’intérêt très bas sur les investissements de long terme, à savoir le souverain notamment, et une recherche de rendements sur les segments les plus courts. Concernant les actions, leur volatilité est en hausse sur le long terme, elle a dépassé parfois les 30 % voire les 50 % lors de chocs sur les marchés financiers ou lors des phases de reprise comme actuellement. Le problème de la volatilité est qu’elle n’est pas avantageuse dans les modèles de Solvabilité 2. Elle possède de plus des implications comptables qui devraient se renforcer avec le passage aux règles de IFRS 9. Ce coût est d’autant plus gênant que les actions ont l’avantage de générer un dividende et un revenu courant plus attractif que les taux d’intérêt et cela d’autant plus que l’inflation a tendance actuellement à s’accroître. Pour faire le lien avec les propos précédents, nous considérons de notre côté que l’inflation est transitoire, mais restons attentifs aux aspects permanents de ce phénomène, en tirant les conséquences en termes de sélection de titres et de méthode de gestion. Nous devons capter la prime actions, tout en essayant de réduire la volatilité. Cela revient à déterminer s’il faut investir dans les actions en direct ou via des supports qui permettent de réduire la volatilité notamment d’un point de vue comptable. Nous considérons que la gestion active dans des régions, des secteurs moins efficients comme les marchés émergents fait encore plus de sens alors que dans des régions plus efficientes comme les Etats-Unis et l’Europe, la gestion à plus faible tracking error et avec des objectifs de décarbonation et ESG plus serrés est privilégiée par certains assureurs.
Le troisième point important concerne la problématique du réchauffement climatique. Celle-ci ne fait qu’accélérer et devient incontournable dans une allocation. Plus fondamentalement, tous ces sujets : les taux d’intérêt bas, les marchés actions volatils et la nécessité d’intégrer l’ESG et la lutte pour le climat sont interconnectés. La vision à long terme est de ce fait encore plus nécessaire. Nous devons prendre en compte toutes ces variables pour définir la gestion d’actifs.
Nicolas Fournier, directeur général de Sequantis LT : La notion de long terme est très importante ainsi que l’interconnexion entre les sujets. Si on prend l’exemple de la pénurie de semi-conducteurs, celle-ci est liée à un problème climatique. La sécheresse à Taïwan qui s’ajoute à des problèmes au niveau des réseaux de distribution de l’eau a conduit les usines à arrêter leurs productions. De même, une sécheresse a été enregistrée en Chine. Or, il faut savoir que la production de semi-conducteurs nécessite beaucoup d’eau pour refroidir les systèmes. Il y a toujours eu des sécheresses, mais celles-ci ont atteint l’an dernier des niveaux inégalés. L’arrêt de ces productions a des conséquences macroéconomiques importantes. Autre exemple : les engrais. Il existe deux catégories d’engrais : l’azote et le phosphate. Ils sont indispensables pour produire des végétaux. La Chine vient d’interdire l’exportation de phosphates qu’elle souhaite conserver pour ses besoins intérieurs, ce qui a par exemple des conséquences importantes pour l’Australie qui importe massivement ce type d’engrais. En 2022, la production agricole pourrait probablement se réduire en Australie. Par ailleurs, de nombreuses usines d’azote sont à l’arrêt car le gaz est trop cher, ce qui peut avoir des conséquences dans ce cas pour la production agricole européenne. Déjà des agriculteurs sont en train de modifier les semences mises en culture afin de privilégier celles qui ont moins besoin d’azote par rapport au blé qui en nécessite beaucoup. Toutes ces notions vont devoir à un moment donné être intégrées dans le prix des actifs.
Edouard Jozan : L’allocation d’actifs des compagnies d’assurances est principalement pilotée par les assureurs en interne. En ce qui concerne nos recommandations, elles portent principalement sur la diversification ; en effet, les compagnies d’assurances en France investissent principalement en euro, mais elles pourraient aussi aller sur les marchés émergents, voire même simplement aux Etats-Unis. Une diversification vers les marchés privés au sens large nous semble également opportune. Les actifs réels et/ou privés devraient représenter 20 % de l’allocation d’actifs des compagnies d’assurances. En ce qui concerne le high yield, même si le rendement peut sembler attractif, la charge en capital dans le cadre du régime Solvabilité 2 est rédhibitoire pour certains. L’autre point qui nous préoccupe concernant cette classe d’actifs est que nous approchons d’un pic de croissance, par conséquent : quid du retournement ? Aujourd’hui, les économies sont sous perfusion, lorsque les aides vont s’arrêter, les premiers qui vont faire défaut sont les émetteurs high yield. Cette problématique de sélectivité est aussi vraie pour les marchés privés, il ne s’agit pas de prendre du risque pour prendre du risque, mais d’aller chercher le bon risque. Cela revient à évaluer les secteurs porteurs, les changements de modèles économiques… Concernant les actions, cela dépend aussi des portefeuilles déjà constitués car compte tenu de notre positionnement actuel dans le cycle économique et de la hausse déjà enregistrée sur les marchés financiers, le choix de s’exposer à un risque actions ou de l’augmenter dépend des compagnies d’assurances et de leur capacité à encaisser ce risque d’un point de vue comptable et solvabilité.
Muriel Heitzmann : La réglementation Solvabilité 2 permet aux assureurs qui font des investissements de long terme en actions de réduire le capital réglementaire requis de 39 % à 22 % sous certaines conditions, notamment une durée de détention moyenne de cinq ans minimum et des titres de sociétés cotées ou ayant leur siège dans l’EEE (Espace économique européen). Dans ce cas, la prise de risque actions est moins pénalisante et impacte moins le ratio de solvabilité des assureurs.
Baptiste Buisson : Nous considérons que la capacité des portefeuilles d’assurance à prendre du risque dépend en grande partie de la typologie des passifs et du coût en capital associé. Les compagnies d’assurances du groupe Aviva France possèdent des passifs courts notamment dans l’assurance dommages et des passifs longs, dans le cadre de l’assurance vie par exemple. Il existe également des passifs très longs en retraite sous le régime FRPS qui relèvent de Solvabilité 1 pour l’exigence de fonds propres. Dans ce cadre, la capacité à prendre du risque actions dépend des études ALM menées sur les différents portefeuilles. Elle reste mesurée en moyenne, et peut être optimisée via l’utilisation de fonds minimisant le coût en capital économique. Concernant les actifs illiquides, les assureurs sont généralement prudents sur ce type d’actifs. Toutefois, la proportion allouée à cette classe d’actifs augmente depuis plusieurs années afin de profiter de la prime d’illiquidité. Cette allocation varie selon les acteurs et dépend de leur capacité à honorer les rachats de contrats.
La réglementation, une incitation à verdir les portefeuilles
La directive Solvabilité est actuellement passée en revue, quelles sont les conséquences à en attendre en termes d’allocation d’actifs ?
Anne-Sophie Musset : Les conséquences liées à la directive Solvabilité 2 doivent s’appréhender à deux niveaux, le modèle standard (pilier 1) et l’approche par les risques (pilier 2) qui intègre une vision à plus long terme des investissements. Une revue de la directive est actuellement en cours. Elle devrait être officialisée en 2022. En ce qui concerne le pilier 1, elle aura des impacts en matière d’allocation d’actifs sur les produits de taux. Deux évolutions majeures sont attendues concernant la méthodologie d’élaboration de la courbe des taux et concernant le calibrage des chocs de taux. Dans cette perspective, les chocs à la baisse auront davantage d’impacts sur l’allocation.
Baptiste Buisson : Nous avons compris que le capital-investissement pourrait à l’avenir être éligible à la catégorie « actions de long terme » et bénéficier d’un meilleur régime en termes de consommation de capital, ce qui pourrait constituer un avantage pour cette classe d’actifs dans le futur.
Anne-Sophie Musset : Certaines compagnies d’assurances s’autorisent déjà à placer une partie des investissements réalisés dans des fonds de capital-investissement dans cette catégorie, mais il faut véritablement le justifier. Le formalisme est actuellement un peu lourd. Nous espérons que la revue en cours permettra une meilleure intégration des actifs réels dans les allocations. Nous pouvons également citer le « volatility adjustment », qui permet d’ajuster la valorisation du passif afin de limiter la volatilité sur le ratio de solvabilité d’un élargissement des spreads à l’actif ; ce dernier devrait évoluer vers plus de simplicité, en tout cas pour les petits acteurs qui ne sont pas en capacité de l’utiliser, ou surtout de le justifier, comme le souhaite le régulateur. Une réflexion est également actuellement à l’œuvre pour savoir s’il faut intégrer le risque climat au-delà du risque de catastrophe naturelle qui existe déjà.
Nicolas Fournier : Un des éléments importants qui est passé en revue concerne le choc sur les actions et sur les obligations. Actuellement, si les actions augmentent beaucoup, on augmente le choc et inversement. La réglementation utilise des « amortisseurs » qui sont de l’ordre de +/- 10 %, les autorités européennes envisagent de les faire passer à +/- 17 %, ce qui induit des changements importants.
Baptiste Buisson : La méthodologie d’extrapolation de la courbe d’actualisation du passif devrait s’étendre sur des maturités plus longues, ce qui devrait conduire, selon nous, les compagnies d’assurances à davantage investir sur la partie très longue de la courbe des taux.
Aviva Investors France
Données clefs sur la gestion assurantielle
- Effectifs dans la gestion assurantielle : 12 collaborateurs dont le directeur des investissements mandats, solutions et ESG, plus 5 gérants et 6 analystes.
- Encours sous gestion dans la gestion assurantielle et en % par rapport aux encours globaux : 75 milliards d’euros (à fin août 2021), 67 % des encours globaux d’Aviva Investors France.
- Philosophie d’investissement en quelques mots : une équipe de spécialistes en gestion obligataire, allocation stratégique, buy & hold, gestion sous contraintes et solvabilité ; une connaissance approfondie des instruments dérivés ; un cadre ESG avec des objectifs émissions nettes zéro, une sortie du charbon d’ici à 2030 et la prise en compte des enjeux liés à la biodiversité.
La réglementation ne pousse-t-elle pas aussi les compagnies d’assurances à intégrer le risque climat ?
Nicolas Fournier : D’un point de vue de plus long terme, la conférence de presse de la commissaire McGuiness a été l’occasion d’expliquer que les assureurs doivent se mobiliser dans le cadre du « green deal » européen et jouer un rôle important dans la transition à travers leurs investissements financiers. L’EIOPA (Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles) a également publié récemment sa feuille de route et elle place en premier la durabilité. L’autorité avait déjà précédemment publié plusieurs documents importants prévoyant l’intégration du risque climat dans l’ORSA, la révision des catastrophes naturelles dans la formule standard et une réflexion générale sur les stress tests à mener par les compagnies d’assurances. Ces documents sont intéressants. A titre d’exemple, celui sur la révision des catastrophes naturelles indique que la calibration des chocs en la matière ne fonctionne plus car les épisodes s’accélèrent ces dernières années, par conséquent, il n’est plus possible de mesurer ce risque, d’établir des prévisions à partir de statistiques historiques de long terme. Le changement climatique est déjà effectif, nous devons donc raisonner différemment. Les prévisions doivent être établies sur la base d’une modélisation théorique. Il s’agit d’un véritable changement de paradigme.
Anne-Sophie Musset : Pour illustrer les changements à venir, en septembre 2021, il y a eu une explosion des publications de régulateurs européens et mondiaux pour réaliser des études et/ou lancer un exercice climatique. Ces analyses mettent en évidence l’utilisation de modèles prospectifs. A ce jour, la quasi-totalité de ces exercices climatiques sont construits à l’appui des scénarios NGFS, à savoir le réseau des banques centrales et régulateurs pour le verdissement des investissements financiers. Il en ressort quelques chiffres intéressants. L’IAIS (association internationale des régulateurs internationaux) a réalisé une étude qui montre que 36 % des actifs des compagnies d’assurances seront directement impactés par le changement climatique. L’étude indique aussi que 47 % des actifs considérés n’ont pu être étudiés faute de données et d’analyses. Par conséquent, si on considère seulement la proportion du portefeuille analysé, l’impact est beaucoup plus grand puisqu’il peut être doublé et atteindre les 70 %. Cette étude et d’autres plus récentes montrent que la majorité des actifs sont impactés à court, à moyen ou à long terme. Si l’on prend maintenant en compte les différentes trajectoires possibles, selon les contraintes de transition réalisées : une transition ordonnée avec une température qui reste sous les 2 degrés, ou une transition désordonnée (la transition se fait par la contrainte) ou enfin dernier scénario, la transition intervient trop tard et de façon timide (ou transition dite retardée). Dans le premier scénario, l’impact est de 8 % sur le ratio de solvabilité, il est de 14 % dans le deuxième et de 50 % dans le troisième, sachant que l’effondrement des ratios de solvabilité n’interviendra dans le dernier cas qu’en 2030.
Muriel Heitzmann : Les stress tests climatiques réalisés par l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de régulation) en 2020 ont montré que les portefeuilles des compagnies d’assurances prenaient déjà en compte le risque de transition climatique et que les obligations de reporting extra-financier qui se renforcent ont tendance à infléchir leur politique d’investissement dans les secteurs à risque. A titre d’exemple, la part actions des portefeuilles des assureurs investie dans les secteurs exposés au risque climatique comme le pétrole, la chimie, la gestion des déchets, etc. n’est que de 17 %. Le risque de transition climatique peut donc y être qualifié de modéré.
Nicolas Fournier : Il faut ici introduire un bémol. A ce jour, les exercices mis en œuvre ne sont pas de véritables stress tests climatiques. Si l’on prend l’exemple de celui réalisé par l’ACPR, il repose sur un scénario économique moyen et ne prend pas en compte des risques extrêmes.
Anne-Sophie Musset : En effet, l’enjeu de cet exercice pilote était avant tout d’impulser une dynamique de place, dans la prise en compte des risques climatiques (physiques et de transition) dans l’évaluation à long terme du bilan et de la solvabilité. La méthodologie de construction des scénarios prospectifs pouvant être exploitée par un assureur, pour impacter sur le long terme son portefeuille d’actif, sa gestion actif/passif et son passif, est particulièrement complexe. Le nombre d’hypothèses est énorme, et même en allégeant au maximum ces hypothèses, les systèmes d’information ne peuvent pas toutes les intégrer (temps de calcul, variables disponibles dans les outils…). Il n’y avait aucun intérêt à choisir un jeu d’hypothèses et des scénarios qui auraient conduit à la communication de conclusions catastrophiques, mettant en cause la soutenabilité du secteur de l’assurance. Cela reste un exercice d’entraînement, inscrit dans un processus itératif d’amélioration. Même au niveau des régulateurs, ces exercices permettent d’améliorer la méthodologie, la construction des hypothèses, l’utilisation des données, pour une meilleure estimation de ces risques futurs.
«Nous considérons que la capacité des portefeuilles d’assurance à prendre du risque dépend en grande partie de la typologie des passifs et du coût en capital associé. »
Des portefeuilles déjà en transformation
Quels changements ont déjà été mis en œuvre dans les portefeuilles ?
Muriel Heitzmann : Les portefeuilles des compagnies d’assurances ont déjà commencé à évoluer notamment à travers la mise en place de process ESG dans la gestion. Pour ce qui nous concerne par exemple, 100 % de nos encours assurantiels intègrent déjà une approche ESG. De plus, notre gestion du risque climatique inclut une politique d’exclusion sur les secteurs du charbon et des sables bitumineux et une analyse de chacune des valeurs en portefeuille que nous classons en trois catégories en fonction de leur capacité à faire face aux défis des changements climatiques : renforcement, allégement et désengagement. Par ailleurs, nous travaillons à la mise en place d’indicateurs de convergence avec l’alignement à un objectif de réchauffement climatique contenu à 2 degrés. Globalement, les assureurs ont mis en place un cercle vertueux et avancent, même s’il reste des problématiques de données et d’outils.
Baptiste Buisson : En matière d’investissement responsable et d’ESG, nous avons mis en place des politiques d’exclusions normatives et sectorielles qui portent notamment sur les armes controversées, le charbon thermique, mais aussi sur les producteurs de tabac et sur les entreprises qui ne respectent pas les 10 principes du Pacte mondial des Nations unies (valeurs fondamentales en matière de droits de l’homme, de normes du travail, d’environnement et de lutte contre la corruption). Nous prenons aussi en compte dans nos process de gestion les enjeux du règlement SFDR et les engagements pris par notre groupe dans le cadre de la neutralité carbone à 2050 (Net Zero Assets Owner Alliance). Ces engagements se traduisent par des objectifs précis de réduction de l’empreinte carbone des portefeuilles et d’amélioration des scores ESG dans le temps. Nous avons également des montants cibles d’investissements verts tels les « green bonds », les « social bonds » et les « sustainable bonds ». Ces derniers sont revus par CBI (Climate Bond Initiative), un organisme indépendant garantissant le caractère durable de ces émissions. Enfin le vote et l’engagement constituent un élément essentiel de notre stratégie ESG. Nous menons une activité de dialogue actionnarial avec les émetteurs afin d’encourager des pratiques plus durables. Plus récemment, nous avons également souhaité nous positionner plus activement sur une stratégie climat ; ainsi nous attendons de tous les émetteurs qu’ils se positionnent sur ces enjeux, tant au niveau stratégique qu’au niveau des différentes mesures de risque qu’ils mettent à disposition des investisseurs.
Edouard Jozan : Les assureurs sont effectivement en train de faire évoluer leur portefeuille, la question est maintenant de savoir si cela va suffisamment vite. Nous avons en effet peut-être déjà atteint un point de non-retour en matière de réchauffement climatique. Pour autant, le réchauffement climatique n’est pas le seul objectif à mettre en œuvre dans les portefeuilles et il n’est pas toujours prioritaire pour certains assureurs. Notons qu’il peut passer après la rentabilité pour certains. Un équilibre doit ainsi être trouvé, même si les critères ESG in fine doivent être moteurs de performance et de meilleure gestion des risques. Il faut se poser la question de la mesure. Les ambitions, les objectifs peuvent être vertueux, encore faut-il ensuite pouvoir les réaliser et les mesurer. Plus fondamentalement, il faut d’après nous combiner des objectifs « climat » avec ce que nous appelons la transformation des modèles économiques. Cette transformation porte sur l’ensemble des critères ESG : le social, la gouvernance et pas seulement l’environnement. L’enjeu final des assureurs avec un horizon long terme est de déterminer quels sont les moteurs de performance en termes ESG et de rentabilité. Cela passe par une vraie politique, une vraie volonté, une vraie ambition consistant à ne pas considérer que l’ESG a un coût, mais constitue plutôt une opportunité. Signalons par ailleurs que les politiques ESG couvrent l’ensemble de nos activités, pas seulement notre politique d’investissement. Il existe par exemple des secteurs que nous ne couvrons plus en tant qu’assureur.
Nicolas Fournier : Allianz, Aviva, Groupama appartiennent à la catégorie des grands assureurs qui ont pris conscience des enjeux actuels en matière d’ESG et de climat et qui ont mis en place des stratégies pour y faire face, mais ils ne représentent pas la majorité du marché français qui reste relativement atomisé. Un certain nombre de petits assureurs et de petites mutuelles n’ont pas encore avancé sur ces sujets.
Muriel Heitzmann : Nous travaillons avec d’autres clients que notre maison-mère en matière de gestion assurantielle et notre rôle est de les sensibiliser à une gestion ESG et à la prise en compte du climat. Ils y sont très réceptifs et ont bien compris que cela répond non seulement à des besoins réglementaires mais également à une évolution sociétale majeure. La transformation ne se fait pas en un ou deux ans, il faut une décennie au moins pour faire évoluer les comportements et former les acteurs à ces évolutions.
Edouard Jozan : Tous les acteurs du monde de l’assurance savent maintenant qu’il est indispensable d’adopter les critères ESG. Ils y sont poussés par la réglementation et par l’évolution des demandes et des besoins de la société civile. Dans cette perspective, le modèle de la gestion assurantielle dans l’industrie de la gestion d’actifs doit évoluer. Il ne s’agit plus d’obtenir un mandat et de gérer en fonction d’un indice de référence en essayant de créer de l’alpha (ou surperformance), mais plutôt de comprendre tous les objectifs des assureurs en partenariat avec les bons conseils, de sensibiliser les conseils d’administration aux risques actif/passif et à la nécessaire adaptation des moteurs de performance à ces risques.
«Nous travaillons avec d’autres clients que notre maison-mère en gestion assurantielle et notre rôle est de les sensibiliser à une gestion ESG et à la prise en compte du climat. »
Les assureurs commencent-ils à prendre en compte les risques liés à la biodiversité ?
Baptiste Buisson : Concernant les enjeux liés à la protection de la biodiversité (article 29 de la loi énergie-climat), les investisseurs institutionnels et les gestionnaires d’actifs étudient sérieusement cette problématique. Le choix d’indicateurs pertinents est en cours d’étude pour beaucoup d’acteurs ainsi que la définition d’une stratégie lisible et cohérente avec les autres sujets de durabilité. Cela constitue un réel challenge pour l’industrie dans les années à venir.
Edouard Jozan : En matière de biodiversité comme globalement sur ces sujets, nous sommes face à un problème d’accès aux données ; malgré tout, ce problème est souvent utilisé comme une excuse pour ne pas avancer. La donnée peut être créée, construite, dans le cadre de modèles prospectifs, d’autant plus si nous nous engageons dans ces sujets. Les acteurs doivent afficher une réelle ambition, une conviction. Ces changements sont d’autant plus importants à mener qu’ils ne concernent pas seulement la gestion des risques, mais aussi la génération de performances et de rentabilité sur le long terme.
Anne-Sophie Musset : Par rapport aux données, il est certain qu’il en manque. Pour autant, un des biais que l’on constate chez certains acteurs est l’importance accordée à la donnée, à la recherche de bons indicateurs, avant même d’engager une réflexion sur les objectifs et les ambitions. Ils se limitent alors à l’adoption d’un benchmark, avec pour objectif de faire un peu mieux, la politique ESG s’arrête là. L’évolution de la réglementation va inciter à une prise en compte plus globale, traitant de front tant la démarche de l’acteur en tant qu’entreprise que celle de ses investissements ou de son activité (le passif). Quand nous accompagnons un acteur dans sa mise en conformité réglementaire, nous cherchons à mettre en avant à quel point il y a une stratégie gagnante à considérer les obligations réglementaires qui sont imposées comme une opportunité d’anticiper l’avenir et de construire le monde de l’assurance de demain. Cela va jusqu’à réfléchir à ce qui constitue la mission véritable de l’acteur pour l’intégrer dans cette stratégie gagnante.
Nicolas Fournier : Les exemples peuvent être éclairants dans ce cadre. L’un des groupes que l’on suit actuellement a décidé d’investir 50 % de son allocation d’actifs dans des titres non cotés, avec un prisme local, régional. Ils viennent de redéfinir leur mission. Pour eux, il est assez logique compte tenu de leur taille, et de la difficulté d’accès aux données, notamment pour des raisons de coûts, de privilégier le financement d’acteurs locaux qu’ils connaissent bien.
Edouard Jozan : Produire localement peut certes entraîner de l’inflation, mais cela est plus vertueux d’un point de vue social et environnemental. Tout étant lié, il est important de mettre le social au cœur du dispositif, ce qui peut aussi avoir un impact positif sur la lutte contre le réchauffement climatique.
Baptiste Buisson : Pour rebondir sur l’article 9 du règlement SFDR, il faut pouvoir démontrer qu’un investissement dans une société favorisant une thématique durable ne nuit pas à d’autres objectifs de durabilité en même temps. Si l’on prend l’exemple d’un investissement dans une firme spécialisée dans l’implantation d’éoliennes « offshore », celui-ci peut avoir un impact positif sur le réchauffement climatique, mais négatif par rapport à la biodiversité marine. Cette réglementation est en conséquence difficile à mettre en œuvre car il faut pouvoir démontrer ces deux aspects en pré-trade pour les gérants d’actifs. Il convient d’avoir un écosystème puissant en interne dans toute la chaîne de valeur et d’avoir accès à des données extra-financières dans les différents outils de gestion. De ce fait, nous avons opté pour la prudence sur l’article 9 SFDR en mars dernier et travaillons en ce moment à l’élaboration de certains produits suivant ces critères.
Groupama Asset Management
Données clefs sur la gestionassurantielle
- Effectifs dans la gestion assurantielle : 10 collaborateurs
- Encours sous gestion dans la gestion assurantielle et en % par rapport aux encours globaux : 58,5 milliards sur 115 milliards euros soit 51 % des encours
- Philosophie d’investissement en quelques mots : une approche patrimoniale de long terme assurant des revenus financiers récurrents et maximisant, en valeur de marché, les actifs confiés. Des solutions assurantielles investies en taux ou en actions visant notamment à générer des rendements financiers élevés et stables ou à limiter la volatilité et les risques extrêmes
Anne-Sophie Musset : Sur le sujet de la biodiversité, comme sur tous les sujets relatifs au changement climatique, nous conseillons la formation de l’ensemble des collaborateurs, conseils d’administration et administrés. C’est d’ailleurs une tendance chez certains gros acteurs, de former aux aspects scientifiques, mais également aux impacts à venir du changement climatique (transition ou risques physiques) sur les différents métiers de l’assurance et de la gestion d’actifs. Sur les enjeux liés à ces sujets de biodiversité, cette formation est clé pour savoir comment la définir, connaître les pressions majeures qui s’exercent sur elle, et pouvoir dresser une cartographie des risques associés. A titre d’exemple, une étude récente de la Banque de France a montré que 45 % des actifs des investisseurs institutionnels français étaient impliqués dans au moins un des écosystèmes de la biodiversité, et contribuaient à l’artificialisation de 48 fois la superficie de Paris chaque année. Climat et biodiversité sont indissociables.
Muriel Heitzmann : La prise en compte de la biodiversité est récente et est une des nouveautés introduites par l’article 29 de la loi énergie-climat (LEC). En ce qui nous concerne, notre analyse des valeurs ne se limite pas au climat et prend déjà en compte d’autres aspects environnementaux relatifs à l’eau, à la gestion des déchets, à l’économie circulaire... La biodiversité entre bien dans notre score ESG. Nous allons maintenant devoir afficher et objectiver des indicateurs de prise en compte de la biodiversité et nous sommes en train de nous doter d’un outil dans ce but.
Edouard Jozan : La biodiversité est intégrée dans nos réflexions, et il faut aller plus loin. Il y a des gérants d’actifs, des boutiques qui ont un rôle à jouer car ils sont proches du terrain et ont accès à l’information. Cette proximité est nécessaire pour investir dans des thématiques vertueuses et à impact. Cela signifie que les gros gérants d’actifs vont devoir mettre en place des équipes dédiées ou des fonds de fonds pour aller chercher des fonds spécialisés. Ces fonds représenteront une petite partie de l’allocation d’actifs, la problématique étant de savoir comment systématiser cette approche dans toutes les classes d’actifs. Cela repose sur l’équilibre entre nos objectifs et la nécessité de mettre en place une transition progressive.
«Nous mettons en avant à quel point il y a une stratégie gagnante à considérer les obligations réglementaires comme une opportunité d’anticiper l’avenir et de construire le monde de l’assurance de demain. »
Périclès Actuarial
Données clefs sur la gestion assurantielle
- Périclès Actuarial : 20 collaborateurs.
- Encours en conseil gestion d’actif, modélisation et ALM : 55 % du chiffre d’affaires.
Nicolas fournier : Les actifs réels représentent une part croissante dans les allocations d’actifs. Certains fonds de capital-investissement adoptent un prisme impact avec des objectifs en matière d’énergie propre par exemple, mais pour autant, est-ce qu’ils mesurent leur impact sur la biodiversité ou sur la déforestation ? La majorité des autres produits sont opaques. Et ces produits sont achetés par des mutuelles, des acteurs qui n’ont pas les moyens d’avoir des équipes en interne et des fonds dédiés.
Edouard Jozan : Nous devons tous évoluer, nous avons les moyens, l’ambition, les convictions, et nous-mêmes devons aussi apprendre, progresser sur ces sujets. La formation constitue en effet une étape indispensable ne serait-ce que pour les gérants. Ces derniers sont habitués à utiliser le risque et la rentabilité pour analyser leurs investissements, ils doivent maintenant intégrer de nouveaux indicateurs qui ont aussi un impact sur le risque et la performance. Ces changements dans les méthodes de travail ont un caractère vertueux.
Muriel Heitzmann : La courbe d’apprentissage est importante pour l’ensemble des acteurs. Nous réalisons ainsi des actions de formation auprès des gérants sur l’ensemble de ces sujets : climat, biodiversité et plus généralement ESG… Il faut diffuser largement le savoir afin de modifier la façon de travailler.
Edouard Jozan : La véritable question de fond est de déterminer quels sont les enjeux de demain et quels sont les modèles économiques de demain. Dans notre politique d’investissement, au-delà du risque d’image à ne pas prendre en compte les enjeux climatiques et sociétaux, il faut se rappeler quelles sont nos ambitions, nos objectifs, nos convictions, notre ADN. La mission ne relève pas d’un risque d’image, mais d’une volonté d’éducation car pour certains il s’agit d’un changement radical dans les modes de fonctionnement, de travail, d’organisation, voire d’un changement culturel. Si la crise sanitaire a eu un impact positif, celui-ci est lié à un choc culturel, même si à court terme nous consommons plus de plastique, le local gagne en importance et plus généralement la transformation des modèles économiques s’accélère.
Muriel Heitzmann : La prise en compte des transformations structurelles liées aux enjeux environnementaux, sociaux, sociétaux et de gouvernance est cohérente avec la politique d’investissement de long terme des assureurs. Elle fait partie intégrante de la stratégie d’allocation en gestion assurantielle.
«Le changement climatique est déjà effectif, nous devons donc raisonner différemment. Les prévisions doivent être établies sur la base d’une modélisation théorique. »
Sequantis LT
Données clefs sur la gestion assurantielle
- Effectifs dans le reporting des investissements financiers : 25
- Nombre de portefeuilles suivis : 5 000
- Encours sous reporting dans la gestion assurantielle : 1 400 milliards d’euros