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DAF et DSI, partenaires des projets de transformation

Publié le 17 juillet 2025 à 8h45

Anne Del Pozo    Temps de lecture 9 minutes

Alors que les entreprises et en particulier les départements financiers sont engagés dans des projets de transformation digitale, la collaboration entre la direction financière et la direction des systèmes d’information est plus que jamais nécessaire. Il s’agit en effet de concilier des visions divergentes : l’utilité et la rentabilité d’un projet informatique sont rarement perçues de même manière par les DAF et les DSI.

La transformation digitale des entreprises, et en particulier de la finance, incite les DAF à collaborer plus étroitement avec les DSI depuis maintenant quelques années. Cependant, cette relation peut encore être source de tension, notamment en raison du coût des projets de digitalisation. Une direction financière reste souvent focalisée sur la maîtrise des coûts et l’optimisation des marges. Elle peut à ce titre considérer certains investissements technologiques comme un luxe plutôt qu’une nécessité. A l’inverse, une DSI peut favoriser l’innovation sans considération budgétaire au risque de s’aliéner la DAF. « D’ailleurs, DAF et DSI ne calculent pas forcément de la même manière le retour sur investissement d’un projet de transformation digitale, explique Samuel Rouayrenc, VP Blackline France et Sud EMEA. La direction financière va souvent se baser essentiellement sur des données quantitatives pour calculer ce ROI, comme par exemple le nombre de jours de réduction des délais de clôture obtenus grâce à l’automatisation des processus comptables. La direction des systèmes d’information aura une vision plus large de ce ROI, car elle considère la technologie comme un moteur stratégique de la croissance. »

La communication, clé de la réussite des projets de transformation

Tout l’enjeu pour ces deux directions consiste donc à concilier de manière efficace optimisation budgétaire et innovation. La technologie doit aujourd’hui être perçue comme un outil de discipline financière et non comme une dépense. Par exemple, l’automatisation des processus en finance et en comptabilité réduit le travail manuel tout en améliorant la précision et l’auditabilité, ce qui bénéficie à la fois aux directions financières et aux équipes informatiques. Pour que les projets de transformation soient perçus comme tels, les DSI doivent présenter leurs investissements technologiques sous un angle qui résonne pour les DAF : réduction des coûts, gains d’efficacité opérationnelle, ROI mesurable. Les DAF pour leur part doivent adopter une vision plus prospective et reconnaître et que si l’innovation demande souvent un investissement initial, elle peut néanmoins générer une valeur durable à long terme. Le succès de ces projets repose également sur la capacité de la direction financière et de la direction des services informatiques à définir des objectifs et une vision commune. « DAF et DSI doivent considérer les investissements technologiques comme une responsabilité commune et non comme un projet exclusivement IT, explique Sumit Jahar, CIO de BlackLine. Les incitations et les indicateurs de performance doivent être alignés autant que possible. Par exemple, évaluer la réussite d’une transformation numérique uniquement sur la base des économies réalisées pourrait occulter des bénéfices plus larges tels que l’amélioration de l’expérience client ou l’augmentation de la capacité d’adaptation de l’entreprise. En co-définissant les critères de succès, finance et IT s’assurent de travailler sur des objectifs communs. Pour garantir que les deux parties partagent la même compréhension des priorités, des risques et des objectifs, la communication entre les deux équipes doit être régulière et transparente. Cette démarche nécessite d’abandonner une prise de décision cloisonnée au profit d’une approche collaborative. » A cet effet, les deux équipes peuvent notamment mettre en place des ateliers conjoints ou des sessions stratégiques afin d’évaluer le projet de transformation selon un prisme commun.

Des rôles bien définis

Cette collaboration entre la DAF et la DSI est également indispensable pendant toute la durée de mise en œuvre du projet de transformation, et ce notamment lorsqu’il concerne la finance. « Au sein d’Abeille Assurances, nous avons par exemple créé un plan stratégique de transformation du numérique, en co-création avec toutes les directions de notre entreprise dont la finance, précise Sandrine Racouchot, DSI d’Abeille Assurances et ambassadrice du Club Décision DSI. Pour chaque projet de transformation digitale que nous menons, nous nous assurons qu’il entre bien dans le cadre de notre paysage numérique et dans les objectifs stratégiques de l’entreprise. Une démarche que nous menons donc aussi concernant les projets de transformation digitale de la finance. » Alors que l’IT concentre souvent les plus fortes compétences techniques, il lui revient généralement de gérer le projet de bout en bout, de le cadencer et d’organiser des ateliers de cadrage avec la finance. La sélection des solutions est également souvent de son ressort. Il est en effet de sa responsabilité de s’assurer de leur interopérabilité avec le reste du système d’information, de leur niveau de sécurité mais aussi de leur pérennité. Néanmoins, ce choix se fait en étroite concertation avec la finance et sur la base de l’expression de ses besoins. « D’ailleurs, la finance nous accompagne durant toute la phase de l’appel d’offres mais aussi lors des présentations des produits par les éditeurs, précise Sandrine Racouchot. Elle a clairement son mot à dire dans le choix des solutions même s’il nous arrive de mettre un veto si elles ne répondent pas au niveau de sécurité ou de qualité que nous exigeons. La solution doit par ailleurs être facile à paramétrer et à maintenir. » Le paramétrage de la solution se fait ensuite souvent avec les équipes finance, les mieux à même de définir leurs besoins métiers.

Une hybridation des compétences au sein des directions financières

Cette collaboration est d’autant plus importante que la maturité digitale de la fonction financière évolue en permanence, entraînant par là même une transformation du métier, mais aussi du rôle du DSI. « Par exemple, alors que le cloud suscitait à ses débuts beaucoup d’inquiétude chez les DAF, il était largement préconisé par les équipes IT, précise Samuel Rouayrenc. Aujourd’hui, les équipes financières tendent à l’utiliser largement et prennent de plus en plus la main sur les applicatifs métiers qu’elles utilisent, tandis que la DSI se concentre davantage sur la sécurisation de la data, sa disponibilité et la gestion des flux entre les applicatifs financiers. »

Aujourd’hui, la finance va encore plus loin dans sa transformation digitale, qui est d’ailleurs devenue une priorité pour de nombreuses organisations. « Elle est notamment portée par la volonté des équipes financières de gagner en efficacité, d’améliorer le pilotage de la performance et de la stratégie, de mieux accompagner les prises de décision ou encore de se mettre en conformité avec certaines réglementations », explique Sandrine Racouchot, qui pense notamment aux réglementations liées à la compliance ou à la facturation électronique. La digitalisation des activités et des process financiers a pris une telle ampleur ces dernières années qu’elle est ainsi devenue un sujet majeur pour la DFCG. « Le groupe d’échange Transformation digitale de la DFCG, qui n’a que deux ans et demi d’existence, compte déjà 400 membres, précise Christian Laveau, président du groupe d’échange Transformation digitale de la DFCG. Il s’agit d’un des groupes d’échange dits « stratégiques » les plus actifs de notre association. Ce sujet nécessite une collaboration et des échanges constants entre direction financière et DSI. »

«Nous constatons un phénomène d’hybridation des compétences au sein des directions financières qui recrutent par exemple de plus en plus de profils mixtes finance IT ou spécialisés en data analyse. »

Christian Laveau Président du Groupe d’échange Transformation Digitale ,  DFCG

Dans ce contexte, finance et IT doivent parler le même langage, se comprendre et partager leurs expertises. « C’est notamment le cas pour lutter efficacement contre le risque cyber ou mettre en place des cas d’usage embarquant notamment des technologies liées à l’intelligence artificielle, poursuit Christian Laveau. Nous constatons d’ailleurs un phénomène d’hybridation des compétences au sein des directions financières, qui recrutent par exemple de plus en plus de profils mixtes finance/IT ou spécialisés en data-analyse. »

Un enjeu bien compris par les écoles de commerce et d’ingénieurs, ainsi que par les universités qui forment les futurs financiers, au regard de l’évolution de certains de leurs cursus. « Au travers de son master SI2E, l’Université Paris Dauphine propose par exemple aux étudiants issus d’écoles de commerce ou d’ingénieurs de les former aux techniques et méthodes de l’audit des systèmes d’information des organisations, ajoute Christian Laveau. Certains auditeurs financiers peuvent devenir ainsi des spécialistes de la data et des systèmes d’information ou vice versa. »

Alors que le partenariat entre les DAF et les DSI ne cesse ainsi de prendre de l’importance, leurs rôles doivent néanmoins évoluer pour favoriser une croissance durable : les DAF doivent devenir des champions de l’innovation stratégique tandis que les DSI se doivent d’approfondir leur compréhension des enjeux et principes financiers.

Des pressions budgétaires croissantes

Pour 2025, les défis majeurs identifiés par les DSI incluaient une pression budgétaire croissante (22,3 %). 47,5 % d’entre eux s’attendaient encore cette année à des échanges difficiles (contre 41 % à l’inverse) avec la DAF et la DG, illustrant la pression qu’ils subissent pour aligner leurs ressources avec les priorités stratégiques de l’entreprise, l’ensemble des demandes métiers et les exigences de fonctionnement du système d’informations (sécurité notamment). Les coûts récurrents de la DSI représentent en effet une part substantielle et difficilement compressible du budget. L’accélération de la transformation digitale oblige à des arbitrages complexes.

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