La fonction finance est confrontée à des défis de toutes sortes et se voit confier de plus en plus de responsabilités au sein des entreprises. Aussi, des espaces de rencontre permettent désormais aux directeurs financiers de s’échanger leurs bonnes pratiques et leurs expériences.
En mai dernier, le cabinet d’audit et de conseil international Mazars lançait sa web TV, «The Next CFO». Proposant une immersion dans les directions financières «de demain», celle-ci est pensée comme un lieu d’expression des directeurs financiers de grandes entreprises internationales (clientes ou non de Mazars) qui donnent leur vision de leur profession, comme celle de Philippe Fau, directeur administratif et financier de L’Oréal Luxe : «J’ai accepté de participer à ce format suite à une formation à The Next MBA dispensée aussi par Mazars et conçue comme un executive MBA.»
Une variété de programmes agrémente donc la grille de cette plateforme, comme le décryptage des cryptomonnaies par un professeur de Sciences-Po Paris, un retour sur un parcours professionnel comme celui de Shemin Nurmohamed, former CFO et global vice president SMB strategy à Pitney Bowes, qui malgré des études de chimie travaille dans le milieu de la finance. «Les équipes de Mazars m’ont demandé de témoigner sur cette transformation professionnelle. Il est intéressant d’expliquer que le monde de la finance est ouvert à tous car beaucoup d’entreprises aiment recruter des profils atypiques», confie-t-elle.
Par ailleurs, des débats opposant un directeur financier à un directeur marketing ou ressources humaines sont aussi régulièrement mis en ligne. «L’idée est qu’un directeur financier (DAF) puisse dialoguer avec ses pairs et donner sa vision sur l’avenir de la fonction finance grâce à ses expériences de terrain : un DAF qui parle aux DAF, résume Laurent Choain, directeur RH et communication du groupe Mazars. Nous avons donc conçu un vrai média avec des vidéos disponibles en streaming et une conférence de rédaction pour déterminer les sujets importants à traiter.»
Un réseau de partage
Si le format est original, ces échanges informels entre professionnels de la finance existent depuis longtemps. «Le monde économique a vécu des crises très graves ces dernières années, rappelle Shemin Nurmohamed. Le rôle du directeur financier est devenu ultra-stratégique. C’est lui qui doit expliquer les chiffres. Pour réussir, un DAF doit comprendre le business. Or, il s’agit souvent d’une fonction très solitaire au sein d’une entreprise, très peu de personnes peuvent réellement comprendre nos problématiques.» C’est pour ces raisons que des «confréries» telles que l’Association française des trésoriers d’entreprise (AFTE) créée en 1976 et dirigée par des trésoriers en activité, ou son aînée, l’Association des directeurs financiers et de contrôle de gestion (DFCG), née en 1964, ont vu le jour.
«Se créer un réseau de partage est fondamental pour un directeur financier dont l’environnement (cadre légal, outils de travail, etc.) évolue constamment», observe Emmanuel Rapin, directeur de la trésorerie et du financement chez Lagardère et vice-président du centre de formation de l’AFTE. C’est le cas également du cabinet de conseil Deloitte qui a mis en place, en janvier 2014, son CFO Forum, réunissant, six fois par an autour d’un diner privé, une cinquantaine de directeurs financiers de grandes entreprises triés sur le volet. «Ces rencontres de haut niveau leur permettent de sortir de leur secteur économique habituel et de mutualiser leurs retours croisés d’expérience, confie un organisateur de l’événement. Surtout, ce sont les participants eux-mêmes qui définissent les thèmes de ces diners. Le concept est donc sur-mesure.»
Des rencontres thématiques
En effet, ces associations et clubs privés pour directeurs financiers sont aussi des espaces de réflexion sur l’avenir stratégique de la fonction finance. «Au sein de la branche française de l’AmCham (American Chamber of Commerce) par exemple, nous nous réunissons autour d’une personnalité (chef d’entreprise, ministre…) sur différents thèmes réglementaires internationaux ou européens, indique Shemin Nurmohamed. Au cours de ces conférences, j’apporte d’ailleurs toujours une liste de problématiques que je souhaite voir aborder. C’est une formidable occasion pour moi de recueillir des points de vue différents sur la façon de gérer une situation bien particulière.»
L’AFTE, de son côté, a mis en place une commission d’échange représentant 80 réunions thématiques (cash management, monétique, fiscalité, fraude financière, fintech…) pour 1 400 participants par an. La DFCG a opté quant à elle pour des communautés sectorielles. «Nous créons autant de groupes de travail que les adhérents le souhaitent : LBO, transformation et proposons des groupes d’échanges qui réunissent des communautés, tels DFCG avenir, au féminin, distribution, etc., tout ce qui permet aux professionnels de la finance d’apporter leur témoignage et de se nourrir intellectuellement sur de nouvelles techniques, indique Béatrice Lebouc, déléguée générale. Nous avons également contribué, avec l’Association française des credit managers et l’Association des professionnels et directeurs comptabilité et gestion, à la création de la “Maison de la finance” à Paris, qui constitue un lieu unique pour partager des expertises complémentaires sous un même toit.» Cela n’empêche pas ces réseaux d’être présents dans toute la France grâce à leurs délégations régionales respectives.
Des clubs finance pour les étudiants
Les professionnels de la finance ne sont pas les seuls à posséder leur club d’échanges. Le Club Finance Paris, par exemple, rassemble plus de 6 000 étudiants et jeunes diplômés de 14 grandes écoles parisiennes : Centrale Paris, Essec, HEC Paris, Ecole des Mines, Polytechnique… Il a pour vocation le développement des connaissances financières. «Nous organisons des événements privés autour de personnalités extérieures, au cours desquels les membres peuvent nouer des contacts, récupérer des informations sur les processus de recrutement des grands établissements financiers ou se faire repérer pour des stages ou de futurs premiers postes», indique Antoine Laffont, associé chez KKR, vice-président de l’Essec Transaction. Des visites des principales places boursières européennes avec des concours de trading en conditions réelles permettent également aux étudiants de parfaire leur formation.
Le réseau interne, ça compte aussi
Le réseau professionnel, c’est aussi les collègues et le networking. Des relations qui peuvent servir pour évoluer en interne ou appréhender d’une autre manière certaines problématiques rencontrées. Pour cela, les grands groupes industriels sont souvent des lieux privilégiés pour échanger les bonnes pratiques et les informations. «Le groupe L’Oréal possède une multitude de marques et de filiales à travers le monde, confie Philippe Fau, directeur administratif du groupe. Il m’est donc très aisé de discuter de sujets particuliers avec des directeurs financiers en interne. Nous sommes très connectés entre nous, c’est une très bonne opportunité pour développer son réseau.» Par ailleurs, pour favoriser ce networking, beaucoup de grandes entreprises ont mis en place des formations de mentoring au cours desquelles les plus anciens transmettent leurs conseils aux jeunes recrues. «J’interviens, par exemple, comme coach auprès des contrôleurs de gestion en début de carrière», précise Philippe Fau. Une culture de l’entraide qui favorise la cohésion des effectifs d’une entreprise.