Réforme

Formation professionnelle : de nouvelles règles pour les entreprises

Publié le 18 janvier 2019 à 16h50

Anaïs Trebaul

Après avoir été transformée en 2015, la formation professionnelle vient encore une fois d’être réformée à travers la loi avenir professionnel du 5 septembre dernier. Depuis le 1er  janvier, la formation des salariés répond ainsi à de nouveaux critères et son organisation est modifiée. Des changements qui ne sont pas sans conséquence pour les entreprises, celles-ci pouvant être amenées à revoir leur budget formation.

Simplicité et accessibilité : ce sont les maîtres-mots de cette nouvelle réforme de la formation professionnelle ! Il faut dire que la France a des progrès à faire en la matière. «En France, 36 % des actifs sont formés chaque année, alors qu’ils sont en moyenne 50 % dans les pays anglo-saxons et plus de 60 % dans les pays nordiques, observe Guillaume Huot, vice-président de la Fédération de la formation professionnelle (FFP). Un des principaux enjeux de cette réforme est donc de renforcer la formation professionnelle auprès des salariés, mais aussi auprès des publics plus défavorisés, tels que les personnes en recherche d’emploi et les jeunes qui souhaitent accéder au marché du travail.»

Ainsi, sans changer le taux de contribution à la formation professionnelle et à l’apprentissage dû par les entreprises (1,23 % de la masse salariale pour les sociétés de moins de 11 salariés et 1,68 % pour les autres), le gouvernement a voulu, à travers cette nouvelle réforme, simplifier et renforcer le dispositif.

Ces améliorations passent d’abord par une revue du contenu des formations. En effet, les salariés auront maintenant accès à de nouveaux modules. Alors que jusqu’à présent la majeure partie des financements portait sur des formations présentielles, la redéfinition de l’action de formation permettra d’élargir la palette des offres auxquelles pourront prétendre les salariés, en y intégrant de nouveaux formats, tels que le e-learning ou les MOOC par exemple», indique CélineDumont Bauer, présidente du groupe de travail RH du réseau Absoluce. De plus, le compte personnel de formation (CPF), qui recense les droits des salariés en matière de formation professionnelle, ne pouvait jusqu’à présent être utilisé pour financer une formation que si celle-ci figurait sur des listes élaborées par branche professionnelle. Ce système est désormais abrogé. «A compter de 2019, le CPF pourra être mobilisé pour financer toutes les formations sanctionnées par une certification inscrite au Répertoire national des certifications ou au Répertoire spécifique», souligne Mathilde Bourdat, responsable de l’offre formation de Cegos. Des avantages d’autant plus favorables aux salariés que l’accès à ces formations sera simplifié. «A partir de l’automne 2019, l’inscription à ces formations sera possible via une application de la Caisse des dépôts, permettant de connaître en temps réel le montant des droits acquis, les formations éligibles et leur coût», poursuit Mathilde Bourdat.

En contrepartie, les entreprises auront en revanche moins la main sur ces contenus pédagogiques. «Alors qu’elles devront toujours fournir une autorisation d’absence lorsque la formation a lieu pendant le temps de travail, les directions n’auront plus de droit de regard sur le contenu de la formation», prévient Yveline Pouillot, secrétaire générale du Cabinet GMBA.

En outre, les organismes qui s’occupent de la collecte et du financement des formations vont voir leur rôle évoluer. «Les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) deviennent des opérateurs de compétences (OPCO) qui seront regroupés au sein de filières professionnelles plus larges que jusqu’à présent, passant ainsi d’une vingtaine à une dizaine, ce qui simplifiera les échanges avec les entreprises, précise Yveline Pouillot. Ensuite, à partir de 2020/2021, ces derniers n’assureront plus la collecte de la contribution à la formation versée par les entreprises, qui sera gérée par l’Urssaf. Le rôle des OPCO sera ainsi davantage centré sur l’accompagnement des salariés, pour simplifier leur accès à la formation professionnelle, ainsi que des TPE et PME, dans l’analyse de leurs besoins.»

Des heures transformées en euros

Mais le principal changement de cette réforme réside dans le remplacement des heures du CPF, par des euros. «Chaque heure dont disposaient les salariés équivaut désormais à 15 euros, indique Yveline Pouillot. Au lieu des 24 heures de formation annuelle qui leur étaient réservées, ce sont maintenant 500 euros qui vont être abondés chaque année sur leur CPF, dans la limite de 5 000 euros. De plus, toutes les personnes à mi-temps bénéficieront désormais des mêmes droits.»Avec ce format jugé plus lisible, le gouvernement compte aussi rompre les inégalités entre secteurs. «Selon l’OPCA auquel était rattachée l’entreprise, le salarié n’avait pas le droit au même financement par heure de formation dans le cadre du CPF, rappelle Céline Dumont Bauer. Désormais, avec le fonctionnement en euros, tout le monde bénéficiera d’un traitement identique.» Mais, au global, les salariés seraient quand même perdants. En effet, jusqu’à présent les formations dans le cadre du CPF étaient en moyenne financées à hauteur de 35 euros par heure, soit un montant supérieur à celui auquel a été convertie chaque heure de formation (15 euros). De ce fait, plusieurs spécialistes craignent que certaines formations plus coûteuses deviennent inaccessibles. «Il y a très peu de formations qui coûtent 15 euros de l’heure, déplore Yveline Pouillot. Certaines d’entre elles peuvent en effet aller jusqu’à plus de 1 000 euros par journée.»

En conséquence, les entreprises pourraient davantage être sollicitées pour abonder le CPF de leurs salariés. «Celles qui souhaitent compléter le financement des formations de leurs salariés devront prévoir dans leur budget jusqu’à quel montant maximal elles sont prêtes à aller, prévient Mathilde Bourdat. Un accord d’entreprise pourra d’ailleurs leur permettre de prévoir chaque année un montant d’abondement supplémentaire, défini par salarié.»

Un budget à revoir donc, d’autant que les entreprises de plus de 50 salariés vont voir leurs aides diminuer. «Les sociétés qui ont entre 51 et 299 salariés ne bénéficieront plus des fonds mutualisés versés par les OPCA pour financer les actions de développement de compétences, relève Mathilde Bourdat. Ceux-ci seront maintenant réservés uniquement aux TPE.» Ces financements représentaient 0,2 % de la masse salariale.

Davantage de flexibilité sur l’apprentissage

Si les principales évolutions en matière de formation professionnelle ne sont pas forcément favorables aux entreprises, ces dernières pourront néanmoins profiter d’autres aspects de cette réforme, notamment au sujet de l’apprentissage. Elles pourront en effet recourir plus facilement à des apprentis. «L’âge maximal, pour conclure un contrat d’apprentissage, passe de 25 à 29 ans révolus et les contrats pourront désormais durer de 6 à 36 mois, contre une durée limitée entre 12 à 36 mois auparavant», précise Céline Dumont Bauer, présidente du groupe de travail RH du réseau Absoluce. Une souplesse d’autant plus appréciable que l’accès aux aides financières pour les entreprises est simplifié. «Un dispositif d’aide unique à l’apprentissage existe depuis le 1er janvier 2019 pour les entreprises de moins de 250 salariés : 7 325 € sur trois ans selon le décret d’application du 28 décembre 2018, souligne Céline Dumont Bauer. Jusqu’à présent, les entreprises devaient faire appel à différents organes (départements, régions, Etat…) pour obtenir les différentes aides à l’apprentissage, ces dernières n’auront plus qu’un seul interlocuteur, l’Agence de services et de paiement.»

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