Les directions financières dans la crise

Laiterie de Saint-Denis récompense ses équipes

Publié le 5 février 2021 à 15h42

Alexandra Milleret

Exerçant une activité considérée comme essentielle à la Nation, le groupe Laiterie de Saint-Denis-de-l’Hôtel (LSDH), spécialisé dans le conditionnement de liquides alimentaires et dans la production de crudités prêtes à l’emploi, a réussi à échapper à la fermeture administrative et a même clôturé l’année 2020 en légère progression.

Dans ce contexte, l’entreprise, créée  en 1909, a décidé de poursuivre certains des chantiers lancés en 2019 dans le cadre de son plan d’investissement de 300 millions d’euros. Surtout, la direction du groupe a tenu à remercier ses salariés d’avoir continué à être présents sur site, malgré les inquiétudes liées au virus, en leur offrant la prime Macron pour un montant total d’un million d’euros.

La fiche d’identité de la Laiterie de Saint-Denis

  • Secteur d’activité : agroalimentaire (conditionnement de liquides alimentaires : lait, crème, jus de fruits, boissons rafraîchissantes sans alcool, soupes… et production de quatrième gamme : salade, crudités prêtes à l’emploi – marque Les Crudettes)
  • CA 2019 du groupe : 900 millions d’euros (750 millions d’euros pour le pôle liquides (85 %) et 150 millions d’euros pour le pôle végétal (15 %)
  • Actionnariat : 100 % famille Vasseneix

Comment la crise sanitaire a-t-elle affecté votre activité ?

Vincent Raoul, directeur financier de Laiterie de Saint-Denis-de-l’Hôtel (LSDH) : Nous évoluons dans le secteur de l’agroalimentaire. Aussi, en tant qu’activité essentielle à la Nation, nous avons pu maintenir nos activités lors du premier confinement. Celles-ci ont d’ailleurs été très soutenues dès les premières semaines. En effet, présent à 75 % en grandes et moyennes surfaces (GMS) sur notre activité de conditionnement de liquides alimentaires, le groupe a dû faire face à une demande beaucoup plus importante qu’habituellement de la part des consommateurs. Ces derniers se sont rués, par peur de pénurie, sur des produits basiques tels que le lait, la crème, les jus de fruits… En conséquence, deux semaines après le début du premier confinement, nos stocks étaient pratiquement tombés à zéro et nous avons dû les reconstituer.

En revanche, la crise a eu un impact beaucoup plus fort sur les activités du pôle végétal (salades et crudités prêtes à l’emploi, sous la marque Les Crudettes) comme avec Czon, une société spécialisée dans les légumes et fruits prêts à l’emploi et fortement implantée sur le secteur de la restauration hors foyer (RHF), que nous avons rachetée en 2019, ou encore sur la partie traiteur (salades repas complets) qui a subi la rationalisation logistique de nos clients GMS dans cette période de forte consommation.

Au final, nous allons clôturer l’année avec une légère progression de notre activité au global du groupe, les pertes de volumes de la partie végétale ayant été compensées par le surplus de demande sur le pôle liquides.

Comment votre groupe s’est-il adapté à l’annonce du deuxième confinement ?

Le deuxième confinement ne s’est pas du tout déroulé de la même manière que le premier. D’abord parce que nous n’avons pas eu à subir en termes de production le stress des consommateurs comme lors du premier confinement. Ensuite, parce que le secteur de la restauration a réussi à s’adapter pour tenter de se garantir un chiffre d’affaires minimum, notamment grâce au recours à la livraison à emporter ou à domicile. En conséquence, le deuxième confinement a eu moins d’impact sur notre chiffre d’affaires au niveau du groupe.

« Nous avons transformé notre point mensuel sur les créances clients en focus hebdomadaire afin de suivre leur évolution et de détecter notamment les retards de paiement, les clients en souffrance et d’anticiper les impayés. »

La direction financière a-t-elle dû prendre des mesures particulières dans ce contexte exceptionnel ?

Notre groupe a l’avantage de ne pas être endetté et de bénéficier d’une trésorerie excédentaire. Dans ce contexte, nous avons pu nous concentrer totalement sur notre relation avec nos salariés, nos clients et nos fournisseurs plutôt qu’avec nos banquiers. En revanche, nous avons transformé notre point mensuel sur les créances clients en focus hebdomadaire afin de suivre leur évolution. Cela nous a permis de détecter les retards de paiement, les clients en souffrance et d’anticiper les impayés. De la même manière, nous avons demandé à nos fournisseurs s’ils avaient besoin de paiements plus rapides afin de pouvoir les soutenir face à la crise. Nous avons donc joué le jeu du crédit interentreprises pour aider l’ensemble de notre écosystème.

Par ailleurs, nous avons toujours gardé cette logique de reprise économique post-crise. C’est pourquoi nous avons décidé de ne pas suspendre par mesure de sécurité notre plan d’investissement de 300 millions d’euros sur trois ans lancé en fin d’année 2019. En effet, certains projets de ce plan sont en cours de réalisation et n’ont pas été arrêtés malgré la crise, comme le lancement d’une plateforme logistique pour l’activité frais du groupe. D’autres ont simplement nécessité un peu plus de temps du fait de la crise. C’est le cas de la réalisation de notre atelier d’extraction de protéines végétales qui démarrera dans les prochains mois et de notre usine de Cholet destiné à doubler sa capacité de production. Enfin, la crise économique ne nous a pas empêchés de mener à terme nos projets de croissance externe puisque nous avons acquis en décembre dernier deux sociétés, Corbeilles et Micol, spécialisées dans la découpe de légumes et de fruits frais à destination de l’hôtellerie parisienne, la restauration et les traiteurs haut de gamme. Ces sociétés sont aujourd’hui à l’arrêt forcé mais nous sommes déjà en train de travailler au démarchage de nouveaux clients en étoffant l’offre produits.

Avez-vous eu recours à des dispositifs publics ?

Au moment du premier confinement et compte tenu du contexte totalement inédit de la situation sanitaire, nous avons décidé, par précaution, d’opter pour la possibilité de report de paiement des charges sociales et fiscales offerte par le gouvernement. Mais le secteur de l’agroalimentaire n’ayant jamais cessé son activité, nous avons rapidement fait le choix de régulariser notre situation auprès des Urssaf et du fisc, ce qui a été fait dès le mois d’avril. Par ailleurs, sur nos 2 000 salariés, seule une petite partie a été placée en chômage partiel pendant les mois de mars et d’avril, notamment au sein de l’équipe force de vente du pôle végétal qui était dans l’incapacité d’aller présenter nos produits en magasins. Les effectifs des sociétés que nous venons d’acquérir, Corbeilles et Micol, étant dépendants des restaurants fermés. Ils sont quant à eux toujours en chômage partiel. En revanche, compte tenu de notre trésorerie et des financements déjà mis en place avec nos partenaires bancaires, nous n’avons pas fait appel au prêt garanti par l’Etat.

« Nous avons maintenu en visioconférences la présentation de nos comptes à nos partenaires sociaux et représentants du personnel, ce qui nous a permis d’expliquer le calcul de l’épargne salariale, un axe important de notre politique de rémunération. »

Comment votre direction financière s’est-elle organisée ces derniers mois et comment travaille-t-elle aujourd’hui ?

La direction financière comprend une cinquante de personnes réparties sur les différents sites. Compte tenu de la situation sanitaire, nous avons choisi d’être pragmatiques, d’autant que nous ne disposons pas d’un système dématérialisé pour nos factures fournisseurs. Nous avons donc organisé nos bureaux pour respecter les gestes barrière (mise en place de plexiglas et d’un système de rotation des équipes afin de permettre le télétravail et la présence sur site, mise à disposition de gel hydroalcoolique, distribution de masques…). Il nous a donc fallu aussi équiper nos collaborateurs en ordinateurs portables, notamment pour les fonctions qui le permettaient comme le contrôle de gestion, la trésorerie, la comptabilité générale par exemple.

Ces mesures ont évidemment généré un surcoût pour le groupe d’environ 500 000 euros. Mais ce n’est pas tout puisque nous avons décidé de verser aux salariés du groupe qui ont été présents sur nos sites, malgré l’inquiétude que peut susciter le virus, la prime Macron défiscalisée de 1 000 euros. Ce geste a représenté environ un million d’euros supplémentaire pour la trésorerie, soit un total de 1,5 million d’euros de surcoût depuis le début de la crise sanitaire, hors prise en compte des effets induits par les complexités d’organisation (production, approvisionnement, logistique…).

Enfin, concernant l’approbation des comptes, le groupe LSDH est une ETI familiale indépendante à 100 %. La relation est donc directe et aisée, ce qui nous a permis de tenir nos assemblées générales. Nous avons également, depuis toujours, une culture de présentation de nos comptes à nos partenaires sociaux et représentants du personnel, ce qui a également pu être maintenu en visioconférences et ainsi nous a permis d’expliquer le calcul de l’épargne salariale (participation et intéressement) qui est un axe important de notre politique de rémunération.

Quels sont vos principaux chantiers pour accompagner la relance de votre activité dans les semaines à venir ?

Pour cette année 2021, nous sommes engagés dans l’évolution de notre système d’information du pôle liquide. Cette transformation a démarré en 2019 mais nous avons pris un peu de retard puisque les ateliers nécessaires ont été maintenus pendant le premier confinement uniquement par visioconférences. Aussi, notre enjeu pour 2021 est de démarrer nos deux premiers sites pilotes au mois de mai prochain. Cette évolution de nos systèmes s’accompagne également d’une réflexion sur la dématérialisation de nos factures fournisseurs. 

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