Devant communiquer de plus en plus sur les enjeux ESG, un nombre croissant d’ETI et de grandes entreprises cherchent à s’entourer des services de chargés de reporting RSE. Si les directions développement durable sont le plus souvent directement concernées par ces recrutements, les directions financières le sont également dans la mesure où certains de leurs membres sont amenés à collaborer étroitement avec ces spécialistes.
Dans l’univers de la finance durable, c’est un métier encore largement méconnu, mais qui a depuis quelques mois le vent en poupe. L’an dernier, le cabinet de recrutement Birdeo, spécialisé dans la recherche de talents en développement durable et RSE, indique avoir placé près d’une centaine de chargés de reporting RSE au sein d’entreprises ou de cabinets de conseil. «Les recrutements pour ce type de profils ont, entre 2018 et 2019, augmenté de près de 40 %», constate Caroline Renoux, fondatrice et CEO de Birdeo. Une croissance qui n’avait pas faibli en début d’année et qui, selon les experts, ne devrait pas être remise en cause par la crise du Covid-19. «Une partie des entreprises qui recherchent ce type de candidats sont concernées par l’obligation de mettre en œuvre une déclaration de performance extra-financière (DPEF)», signale Caroline Renoux. Ayant remplacé le reporting RSE en 2017, cette dernière est obligatoire pour les sociétés cotées dépassant 500 personnes et 20 millions d’euros de bilan ou 40 millions d’euros de chiffre d’affaires, ainsi que pour les sociétés non cotées dépassant 500 personnes et 100 millions d’euros de bilan ou de chiffre d’affaires. «En parallèle, des entreprises qui, bien que non contraintes sur le sujet de la DPEF, s’engagent également dans cette démarche pour répondre aux attentes du marché et de leurs investisseurs», poursuit Caroline Renoux. Selon une étude menée en 2019 par le cabinet de conseil et éditeur de logiciels spécialisé Tennaxia, 87 % des entreprises sondées ont identifié des bénéfices certains à conduire l’exercice de la DPEF, y compris celles qui ne l’ont fait que dans un objectif de compliance.
Des connaissances pointues
Or l’élaboration d’un tel document ne relève pas d’un simple formalisme, ce qui incite les sociétés concernées à chercher à se doter des compétences nécessaires. «Ce document suppose en effet que l’entreprise mène une réflexion sur son modèle de création de valeur, identifie les principaux risques environnementaux et sociaux générés par son activité et décrive les politiques et mesures effectivement mises en œuvre pour atténuer ces risques», explique Anne Courtois-Degorce, chargée de reporting RSE indépendante. Un exercice qui nécessite des connaissances pointues dans plusieurs domaines, en particulier celui du développement durable. «Les reportings RSE, réglementaires ou volontaires, comprennent notamment des indicateurs chiffrés complexes, tels que par exemple les objectifs climat, les émissions de gaz à effet de serre des entreprises, les mesures d’impacts environnementaux et sociaux de leurs activités, etc.», témoigne Béatrice de Montleau, CEO de BdM Conseil en RSE.
Devant construire puis piloter de tels indicateurs, les chargés de reporting RSE sont généralement placés sous la tutelle du responsable développement durable. Mais leur périmètre d’intervention dépasse largement le champ de cette direction. «L’une de mes principales missions consiste à gérer et consolider le reporting extra-financier, depuis la collecte des données jusqu’à leur validation, informe Rahel Damamme, responsable processus reporting RSE, relation parties prenantes, veille et prospectives RSE au sein de Decathlon. Il m’incombe également d’animer l’équipe RSE et les collaborateurs de l’entreprise sur l’organisation des processus, les actions liées aux reportings extra-financiers, la rédaction de la DPEF… Au sein de Decathlon, 200 personnes interviennent ainsi sur le sujet de la DPEF annuelle, et plus de 40 uniquement sur les données chiffrées !»
Une forte dimension collaborative
A ce titre, les chargés de reporting RSE sont amenés à collaborer avec les équipes dédiées à la conception des produits, aux ressources humaines, à la conformité et à l’audit interne, et surtout avec celles de la direction financière. Avec cette dernière, les liens tendent même à se renforcer. «Cela a été le cas chez Decathlon, notamment pour établir le schéma de business model du groupe requis dans la DPEF et pour construire ensemble un document qui ait du sens, déclare Rahel Damamme. Depuis un an, nous avons travaillé par exemple avec l’équipe trésorerie sur la mise en place d’un projet de crédit à impact avec des banques dans lequel est désormais prise en compte la trajectoire de six indicateurs extra-financiers de Decathlon.» Cette dimension collaborative du poste implique donc pour les candidats de disposer, au-delà d’une bonne compréhension des enjeux ESG, de qualités relationnelles éprouvées. «Nous avons un véritable rôle à jouer dans la conduite du changement auprès des différentes équipes que nous sollicitons pour la réalisation de nos reportings, insiste Rahel Damamme. Il nous incombe en effet d’expliquer l’objet de nos différentes démarches, par exemple en matière de collecte d’informations et de fiabilisation de celles-ci. Cela notamment pour permettre à l’entreprise de s’appuyer sur la DPEF afin de prendre des décisions éclairées en matière de transformation durable.»
Ce constat est d’autant plus vrai lorsque les chargés de reporting RSE sont indépendants ou qu’ils travaillent au sein de sociétés de conseil. «Ils doivent avoir de l’expérience pour pouvoir établir des comparaisons entre entreprises, avoir un excellent relationnel mais également une facilité d’expression et de communication», insiste Béatrice de Montleau. En contrepartie, les chargés de reporting RSE peuvent prétendre, quel que soit leur statut, à une rémunération annuelle le plus souvent comprise entre 45 000 et 60 000 euros, selon leur expérience et la taille de leur employeur. Cette fonction constitue en outre un tremplin vers des postes à responsabilités, comme exemple celui de directeur du développement durable.
Des parcours diversifiés
- En matière de formations, les chargés de reporting RSE aujourd’hui en poste ont suivi des parcours différents. Si certains disposent d’un master en ingénierie environnementale, d’autres sont diplômés en audit ou encore en sciences économiques. C’est généralement durant leur parcours professionnel qu’ils ont appris à concilier techniques de reporting et enjeux RSE. «Je suis ingénieure environnementale de formation ; c’est grâce à mon parcours chez Decathlon, au sein des équipes achats industriels d’abord puis développement durable, que je peux aujourd’hui remplir ma mission de responsable processus reporting RSE», témoigne Rahel Damamme.
- Le constat est identique pour Anne Courtois-Degorce. «Ingénieure agronome, avec de bonnes connaissances du vivant, j’ai, après un long parcours dans le marketing et la communication pour le compte de produits agroalimentaires, occupé différentes fonctions en lien avec la RSE, explique-t-elle. J’ai également travaillé sur l’analyse des politiques économiques, sociales et financières de nombreuses entreprises, ce qui m’a permis de mieux comprendre les mécanismes de pilotage microéconomique et de proposer ainsi des solutions réalistes.»