Dans la finance, la demande des entreprises pour des professionnels freelances tend à s’accélérer, portée par des besoins en ressources temporaires ou en compétences spécifiques, liées notamment à la digitalisation. Une offre de candidats elle aussi en forte croissance contribue à alimenter cette tendance.
Les prestataires spécialisés dans le sourcing et le placement de spécialistes freelances en finance, et en particulier ceux qui proposent des plateformes d’intermédiation sur ce marché, qui sont la source principale de rectrutement pour ce type de contrat, sont unanimes : la demande des entreprises pour des freelances s’est considérablement accrue ces dernières années. « Même si nous sommes ouverts aux métiers de la finance que depuis trois ans, nous notons actuellement une forte accélération de la demande », constate ainsi Melchior du Boullay, directeur général de Mindquest. En 2024, la société a ainsi enregistré une croissance de 120 % des demandes pour des experts de la finance en freelance. Le constat est identique pour Malt qui, de son côté, a observé une augmentation de 65 % des projets en finance entre 2021 et 2024, ou encore pour Babylone, présent sur ce marché depuis 2020.
Cette tendance est portée par différents facteurs et en particulier par des projets de transformation qui nécessitent des compétences, parfois de manière temporaire, dont ne disposent pas toujours les équipes en place. Il s'agit bien de compétences et d'expertises spécifiques, ce qui différencie la fonction de freelance de celle de manager de transiton, représentée surtout par des directeurs financiers, au rôle plus managérial.
Dans les entreprises, ces financiers indépendants sont par exemple sollicités dans le cadre de la mise en place d’ERP ou de la digitalisation de la fonction finance ou encore pour aider les entreprises à faire face aux nouvelles réglementations et à mieux les appréhender. « Actuellement, nous enregistrons beaucoup de demandes pour des contrôleurs de gestion, notamment pour des missions liées à des périodes de transition comme une opération de croissance externe ou une fusion, précise Melchior du Boullay. Les chefs de projets en finance SAP ou Business Analytics ou encore les consultants en consolidation spécialisés par exemple sur des sujets de conformité comme la CSRD ou la facture électronique sont également plébiscités par les entreprises. »
Des ingénieurs et mathématiciens freelance demandés par les banquiers et assureurs
Du côté des banques et assurances, les profils d’ingénierie et de mathématiciens sont pour leur part recherchés par exemple pour assurer la maîtrise d’ouvrage dans le cadre de la mise en place d’un nouvel outil. « Les banques et assurances vont également recruter des indépendants spécialisés dans l’ingénierie financière ou l’analyse de risques, explique pour sa part Didem Yurttan, CFO chez un client de Hays. De par leurs expériences dans des environnements différents, les freelances peuvent également apporter aux entreprises un regard extérieur et neuf sur des sujets parfois complexes. » Au-delà de leurs expertises dans des domaines particuliers, les financiers en freelance permettent également aux entreprises de faire face à leurs pics d’activité, ce qui peut être le cas pour les équipes comptables en période de bilan.
«Même sur les longues missions, le coût du freelance ne pèse pas sur la masse salariale de l’entreprise.»
De par la nature des missions qui leur sont confiées, les financiers freelance ont souvent une solide expérience en entreprise, banque ou assurance. « La plupart de ces indépendants ont entre 12 et 15 ans d’expérience, précise Florent Seiler, fondateur et président de Babylone Consulting. Beaucoup ont déjà fait une carrière dans le contrôle de gestion ou en lien étroit avec des directions financières et cherchent à valoriser leur expertise plutôt qu’à évoluer hiérarchiquement. Les plus jeunes d’entre eux sont pour leur part plutôt plébiscités pour des sujets liés à la comptabilité. » Les différentes missions qu’ils sont amenés à réaliser leur permettent par ailleurs de se spécialiser dans des domaines très pointus ou précis, ce qui rend leur profil d’autant plus attractif. « Ils vont par exemple se spécialiser sur certaines parties de projets comme la maîtrise d’ouvrage ou la mise en place de la facturation électronique », poursuit Melchior du Boullay. Des compétences qu’ils n’hésitent pas à renforcer au travers de formations. « Dans la finance, les compétences doivent constamment être mises à jour en fonction des nouvelles réglementations, notamment en matière de conformité ou de gestion des risques, souligne Perrine Ferrault, directrice des opérations chez Malt. Or, d’après notre étude Freelancing in Europe 2024, les freelances sont des professionnels qui se forment en continu, en moyenne quatre heures par semaine, et accumulent des expériences au sein de différentes entreprises. Recourir à des freelances permet aux entreprises de monter en compétences beaucoup plus rapidement. »
Des contrats flexibles à des coûts maîtrisés
L’expertise du financier freelance n’est pas son seul atout. Faire appel à un indépendant, c’est également l’assurance pour une entreprise de dénicher le bon profil rapidement. Les nouvelles technologies conjuguées au vivier de candidats sur les plateformes, mais également au sein des sociétés de recrutements spécialisés, permettent en effet de raccourcir drastiquement le temps de recrutement de ces indépendants, même très experts dans leur domaine. « Entre le moment où une entreprise cherche un profil sur notre plateforme et celui où la mission commence effectivement, il se passe six jours en moyenne, poursuit Perrine Ferrault. Le bon profil peut être trouvé en quelques heures, voire quelques minutes depuis le lancement de notre fonctionnalité AI Search. » D’autre part, lorsque leur mission débute, les freelances ont généralement la capacité à vite s’intégrer au sein de l’entreprise et, ainsi, à générer de la valeur ajoutée rapidement. Le recours à un freelance offre par ailleurs une certaine flexibilité aux entreprises et permet d’ajuster les ressources aux besoins du projet ou de la mission. « Leurs contrats peuvent en effet s’adapter plus facilement à la durée exacte du projet, avec moins de contraintes administratives que, par exemple, un CDD ou une mission en intérim », ajoute Melchior du Boullay. Enfin, le recours à des freelances permet de transformer des coûts fixes en coûts variables et ainsi d’optimiser le budget RH de l’entreprise et de mieux gérer les risques. « Même sur une longue mission, le freelance entre dans les charges de l’entreprise et ne pèse donc pas sur la masse salariale de l’entreprise », précise Shahinaz El Mekawy, manager IT contracting chez Hays.
Alors que les freelances font ainsi l’unanimité dans les entreprises, les perspectives d’avenir pour le freelancing dans le secteur financier semblent prometteuses. L’intégration permanente des nouvelles technologies dans le secteur financier devrait renforcer cette tendance et profiter tout particulièrement aux professionnels capables d’allier expertise financière et compétences technologiques.
Une très forte hausse du nombre de freelances dans la finance
Le freelancing en finance représenterait aujourd’hui 9 % des indépendants en France, soit environ 388 000 personnes (Urssaf). Un chiffre qui n’a cessé d’augmenter ces dernières années. « Les professionnels des métiers de la finance sont en effet de plus en plus nombreux à faire le choix du freelancing, souligne Perrine Ferrault. Ils sont donc de facto de plus en plus disponibles pour les entreprises recherchant des experts. Depuis 2020, le nombre d’experts en finance inscrits sur notre plateforme a ainsi été multiplié par 10, passant de 2 600 à 26 000 aujourd’hui. » Une tendance également observée par Mindquest qui aujourd’hui travaille avec 4 500 indépendants en finance, en croissance de 400 % depuis 2023. Babylone Consulting compte pour sa part 5 000 indépendants spécialisés en banque et assurance sur sa plateforme, un chiffre qui double chaque année depuis sa création en 2020. Cette aspiration pour le freelancing s’inscrit dans l’air du temps et répond aux nouvelles attentes des professionnels en matière de recherche de sens dans leur travail, de liberté de choix des missions ou encore de flexibilité. Les revenus sont également souvent attractifs pour les indépendants qui, selon certains recruteurs, peuvent gagner jusqu’au double du montant perçu par un salarié occupant un poste équivalent. « D’ailleurs, face à la pénurie de talents spécialisés, les entreprises tendent actuellement à augmenter leurs taux journaliers, valorisant leur impact stratégique, ce qui pourrait encore renforcer l’attractivité de ce mode de travail pour les professionnels de la finance », ajoute pour sa part Shahinaz El Mekawy. D’autre part, l’évolution du cadre législatif facilite la transition du statut de salarié vers celui d’indépendant « Par exemple, la mise en place de la flat tax et de la SASU (société par actions simplifiée unipersonnelle) rend la transition des salariés vers l’indépendance beaucoup plus simple, précise Florent Seiler. En effet, la création d’une SASU peut se faire en quinze minutes et nécessite peu de démarches administratives, si ce n’est la réalisation d’un bilan tous les ans et la déclaration de TVA tous les mois. » Une transition vers le freelancing également favorisée par l’émergence des plateformes d’intermédiation spécialisées sur les métiers.