Alors que la saison des assemblées générales bat actuellement son plein, les proxy advisors, autrement appelés sociétés de conseil en vote, sont au pic de leur activité annuelle. Une saisonnalité d’autant plus complexe à gérer que ces sociétés peinent à recruter des candidats immédiatement opérationnels.
Encore peu connus, les proxy advisors abattent en ce moment même un travail d’analyse considérable pour établir des recommandations de vote en assemblée générale, à destination de leurs clients actionnaires ou investisseurs. Ces recommandations portent sur des sujets liés à la finance (validation des comptes, le montant des dividendes à verser, les demandes d’augmentation de capital, les opérations financières, etc.) ou à la gouvernance des entreprises (structuration ou nomination du conseil d’administration ou du comité exécutif, obligations ou modifications statutaires, rémunération des dirigeants, etc.). Parallèlement, les proxy advisors accompagnent de plus en plus leurs clients sur les sujets ESG et les stratégies climats des entreprises. Leurs recommandations sont préparées selon la politique de votes convenue entre le proxy advisor et l’actionnaire. « Il peut s’agir de notre propre politique établie à partir de benchmarks et qui représente les bonnes pratiques du marché en fonction du secteur d’activité ou de la zone géographique de l’entreprise qui organise l’AG, ou d’une politique customisée pour nos clients actionnaires, explique Cédric Lavérie, excecutive director d’ISS Governance. Par exemple, sur le sujet de la féminisation du conseil d’administration, notre propre politique de benchmark recommande un tiers de femmes là où une politique spécifique peut en attendre 50 %. Nous pouvons émettre une recommandation négative sur le sujet de la rémunération d’un dirigeant car les critères de performances de l’entreprise ne sont pas assez exigeants. Nous émettons aussi des recommandations sur la gouvernance : nous devons par exemple nous assurer du respect de la diversité, du non-cumul des mandats des administrateurs, etc. »
«Nous avons besoin de personnes conjuguant une double expertise tant financière que juridique.»
Un profil d’analyste gouvernance ou d’analyste ESG
Pour mener à bien leurs missions, les proxy advisors travaillent sur la base des documents universels des entreprises qu’ils reçoivent généralement deux à trois semaines seulement avant leur assemblée générale. « Ce qui nous laisse peu de temps pour rédiger nos recommandations, souligne Loïc Dessaint, responsable sujet gouvernance chez Proxinvest. C’est d’ailleurs toute la difficulté de notre métier. Nous pouvons avoir besoin de renfort au plus fort de notre activité, avant les assemblées générales. Mais nous nous trouvons généralement confrontés à un manque de candidats opérationnels immédiatement. D’autant que nous avons besoin de personnes conjuguant une double expertise financière et juridique. » Les collaborateurs des proxy advisors ont généralement un profil d’analyste gouvernance ou d’analyste ESG. Ils doivent être capables d’analyser des comptes de résultat, une demande d’augmentation de capital voire, pourquoi pas, un projet de fusion/acquisition. Parallèlement, le métier requiert une vraie compréhension du droit : toutes les règles du Code de commerce doivent être clairement intégrées, et lire les résolutions publiées au BALO ne doit pas constituer une difficulté. De plus en plus, les compétences ESG sont aussi requises… Enfin, les soft skills, et notamment la capacité des proxy advisors à gérer la pression pendant la période avant les assemblées générales et à échanger avec les dirigeants des entreprises du CAC 40 ou du SBF 120, sont également indispensables.
Proxy solicitor, un métier miroir du proxy advisor
- Là où les proxy advisors font des recommandations de vote en assemblée générale aux investisseurs, les proxy solicitors ont pour vocation d’accompagner les entreprises dans la préparation de cette assemblée générale. « Notre mission consiste à nous assurer de l’approbation des actionnaires lors des assemblées générales des propositions de vote de nos clients, explique David Chase Lopes, directeur général EMEA de DF King, qui est un proxy solicitor. Nous intervenons également sur des opérations de M&A. Cette mission nous amène notamment à examiner la structure du capital en application de la directive européenne des droits des actionnaires, à faire campagne auprès des investisseurs pour présenter le dossier, à suivre leur appréciation de la fusion… Enfin, nous avons aussi pour vocation de protéger les émetteurs face à des situations d’activisme de certains investisseurs event-driven ». Dans le cadre de ces missions, les proxy solicitors travaillent auprès des directions des relations investisseurs, des secrétaires généraux ou encore des présidents des conseils d’administration. Un public et des missions qui nécessitent un brassage de savoir-faire, notamment en finance, dans le juridique, sur les règles de gouvernances, les approches RSE ainsi que des compétences multilinguistiques et multiculturelles.
Des formations internes
Les interlocuteurs des proxy advisors peuvent être le président du conseil d’administration, le président du comité de direction, le DAF, le responsable des relations investisseurs, le responsable ESG, le responsable compensation & benefits, le secrétaire du conseil ou encore le directeur juridique. « Les compétences recherchées sont donc à la fois pointues et diverses, poursuit Cédric Lavérie. Par ailleurs, le marché est petit et le métier peu connu. Les candidats seniors ayant cette double expertise sont peu nombreux, à moins d’aller les chercher chez nos concurrents ou chez nos clients investisseurs. D’autre part, comme il n’existe pas de formations spécifiques à notre métier, les juniors manquent souvent, pour leur part, des compétences et d’expertises nécessaires à l’exercice de notre métier. » Tout l’enjeu pour les proxy advisors consiste donc à anticiper sur leurs besoins en recrutement, avant le début de la saison des AG. Généralement, ils profitent des périodes de stages des étudiants en master 2 finance ou droit (avec une composante en finance et/ou droit des affaires), écoles de commerce ou des étudiants à Sciences Po pour repérer d’éventuels candidats. « Nous recrutons également des candidats plusieurs mois avant les assemblées générales de manière à les former correctement sur les aspects de gouvernance et les outils permettant de produire nos analyses, explique Loïc Dessaint. Notre équipe compte ainsi une vingtaine de collaborateurs pour son seul bureau de Paris dont plusieurs non permanents. Ces derniers sont soit des stagiaires en fin d’étude, soit des personnes qui iront chercher d’autres missions ou un autre emploi après la saison des AG (avec éventuellement une réintégration de l’équipe lors de la saison suivante des AG), soit des personnes qui resteront avec nous lorsque nous avons des commandes d’études, de données ou des missions d’engagement actionnarial à délivrer. Ils représentent notre principale source de recrutement lorsque nous devons remplacer un des membres permanents de l’équipe ».
Une recherche de profils juniors
Le défi des proxy advisors consiste à attirer ces profils juniors. « L’un des principaux intérêts de ce métier pour eux consiste à délivrer des recommandations aux plus grands assets managers sur la gouvernance des sociétés françaises et de pouvoir échanger et dialoguer avec elles afin de contribuer à l’amélioration des pratiques ESG », précise Cédric Lavérie. Il n’en demeure pas moins que ces experts en gouvernance (dont les salaires peuvent varier entre 25 000 euros pour les juniors et plus de 100 000 pour les plus experts) ne peuvent se faire débaucher bien au-delà du cercle des proxy advisors. Souvent, ils sont chassés par les sociétés de gestion d’actifs pour intégrer des équipes dédiées à la gouvernance et au vote, ou par les grandes entreprises, qui les intègrent au sein de leur département relations investisseurs.