Les directions financières dans la crise

Nexity recentre ses priorités pour préserver sa croissance

Publié le 29 janvier 2021 à 10h37    Mis à jour le 29 janvier 2021 à 18h34

Propos recueillis par Anaïs Trebaul    Temps de lecture 9 minutes

Nexity aura vécu un premier semestre 2020 difficile, marqué par le décès de son directeur général, et par l’arrêt des chantiers et des transactions immobilières. Repartie dès l’été, son activité a toutefois nettement moins souffert pendant le deuxième confinement, les constructions ayant pu se poursuivre.

La fiche d’identité de Nexity

  • Chiffre d’affaires 2020 : 4,7 milliards d’euros (objectif)
  • Effectifs : 11 000

 

 

 

 Le groupe devrait ainsi afficher une croissance de l’ordre de 5 % en 2020. Un chiffre certes positif, mais qui reste inférieur à ce que le groupe avait prévu il y a un an (plus de 10 %). Dans ce contexte, après avoir procédé à un suivi précis de sa trésorerie et de son budget, puis avoir réduit ses coûts, Nexity souhaite désormais, comme l’explique Eric Lalechère,  son directeur financier, recentrer son activité sur la promotion immobilière afin de préserver sa performance. Le groupe compte à ce titre céder ses résidences seniors Domitys dans le courant de l’année.

Frappé par le décés de son directeur général au début de la crise de la Covid-19, Nexity a ensuite été confronté à une chute de ses activités. Comment avez-vous géré cette situation ? 

Eric Lalechère : Nous nous sommes réorganisés très rapidement en termes de gouvernance ; notre président, Alain Dinin, a repris les fonctions de directeur général.

En ce qui concerne notre activité, la crise a touché différemment nos deux principales sources de revenus, qui sont la promotion immobilière et les services. La promotion immobilière représente 75 % de notre chiffre d’affaires (60 % en immobilier résidentiel et 15 % en immobilier d’entreprise). Le premier confinement a eu un impact brutal sur cette activité puisque tous les chantiers ont été mis à l’arrêt. De plus, le report des élections municipales a aussi retardé les autorisations de permis de construire. Ensuite, les chantiers ont redémarré progressivement à partir du mois de mai et dès le courant de l’été notre activité avait repris à son rythme d’avant crise. 

Notre activité s’est maintenue durant le second confinement, les chantiers ayant pu cette fois continuer. A fin septembre, notre chiffre d’affaires avait diminué de 9 % sur l’immobilier résidentiel. Le nombre de réservations de logements neufs pour les particuliers – dont l’impact sur le chiffre d’affaires se matérialisera à partir de 2021 – devrait en revanche rester stable, porté par une forte activité en fin d’année. En immobilier d’entreprise, notre chiffre d’affaires a progressé de 26 % sur les neuf premiers mois de l’année. L’activité a été très soutenue avec la commercialisation de grandes opérations et le volume de prises de commandes atteindra 1,5 milliard d’euros en 2020, soit notre plus haut niveau historique.

Notre activité de services (25 % de notre chiffre d’affaires) est répartie entre la gestion des résidences étudiantes Studéa et des résidences pour personnes âgées Domitys, ainsi que l’administration de biens. Si la gestion de nos résidences est restée stable tout au long de l’année, les loyers ayant continué à être perçus, l’activité d’administration de biens a été perturbée lors du premier confinement. En effet, les ventes et locations en agence ont été mises à l’arrêt pendant le premier confinement, les visites n’étant pas autorisées et les actes de vente n’ont pas pu être signés puisque les études notariales étaient fermées. De plus, les assemblées générales des copropriétaires permettant le vote sur des travaux pour lesquels nous sommes rémunérés ont dû être reportées. Depuis l’été, le volume de transactions dans l’ancien a repris à un rythme similaire à 2019 : la crise sanitaire n’a pas suspendu les projets immobiliers des particuliers. Sur les neuf premiers mois de 2020, notre chiffre d’affaires sur la partie administration de biens est ainsi finalement resté stable.

Au final, sur l’année 2020, notre chiffre d’affaires devrait progresser d’au moins 5 %, contre plus de 10 % prévus avant la crise.

Votre direction financière a-t-elle dû prendre des mesures particulières, notamment au moment du premier confinement ?

Les premières mesures ont concerné notre trésorerie. Nous avons très vite mis en place une cellule de crise, avec un point quotidien sur le suivi des encaissements et des décaissements qui s’est poursuivi jusqu’au 30 juin. Le rythme mensuel habituel a repris après le confinement, mais nous sommes repassés sur une fréquence hebdomadaire en novembre et décembre avec le second confinement.

Dès le mois de mars, nous avons également renforcé le rythme de nos révisions budgétaires. Alors qu’habituellement nous procédions à deux révisions budgétaires par an, nous avons actualisé notre budget chaque mois de mars à juin. Depuis, nous sommes revenus à notre rythme habituel. L’organisation de la préparation de notre budget 2021 n’a d’ailleurs pas différé des années précédentes.

En avril, nous avons négocié un « covenant holiday », c’est-à-dire la suspension temporaire de nos covenants bancaires, car nous craignions de ne pas pouvoir les respecter. En particulier, nous avions peur que la baisse de notre Ebitda entraîne un dépassement du seuil du ratio de levier (dette/Ebitda) fixé à 3,5 par les contrats. Ce ratio était inférieur à 2 à fin 2019, avant la crise. Cela nous a pris beaucoup de temps et d’énergie car si nous avons été aidés par l’agent du pool pour renégocier nos covenants auprès de notre pool de huit banques, nous avons dû nous-mêmes convaincre les 10 prêteurs de nos emprunts obligataires (Euro-PP), des institutionnels français essentiellement, ce qui a été plus long. Nous avons dû préparer un nouveau business plan et les convaincre que notre modèle pouvait résister à la crise via plusieurs visioconférences.

Par ailleurs, nous avons mis en place un plan de réduction de nos frais généraux, qui nous a conduits à réduire nos frais de déplacement, en privilégiant notamment les visioconférences, et à revoir nos investissements, dont nous allons davantage analyser la pertinence en fonction de leur ROI. Enfin, nous avons également accéléré la digitalisation des tâches administratives de gestion pour l’activité administration de biens, afin de gagner en productivité.

Avez-vous eu recours à des dispositifs publics ?

Nous avons uniquement eu recours au chômage partiel ponctuellement lors du premier confinement pour certains commerciaux. En revanche, nous n’avons pas sollicité de PGE ni de report d’échéances fiscales ou sociales car nous disposions d’une trésorerie conséquente (750 millions d’euros de trésorerie disponible et 550 millions d’euros de ligne de crédit non tirée).


Comment votre direction financière s’est-elle organisée ces derniers mois et comment travaillez-vous aujourd’hui ?

La direction financière de Nexity est composée d’environ 200 personnes réparties sur six sites. Avant la crise, certains collaborateurs avaient déjà recours au télétravail un jour par semaine. Lors du premier confinement, 100 % de nos équipes ont été mises en télétravail. Ce changement s’est mis en place facilement puisque nous disposions déjà des outils nécessaires pour travailler à distance. A partir du mois de mai, les équipes sont revenues progressivement au bureau. Le télétravail a de nouveau été privilégié lors du deuxième confinement, mais avec plus de tolérances pour venir au bureau. Depuis, ce rythme perdure. En moyenne, seuls 10 % environ des collaborateurs sont actuellement présents au bureau.


Quels sont vos principaux chantiers désormais pour accompagner la relance de votre activité ?

En fin d’année, nous avons procédé à notre première émission obligataire de type Neu MTN pour 30 millions d’euros à deux ans. Nous avions déjà la volonté avant la crise d’aller sur le marché monétaire des billets de trésorerie afin de diversifier nos financements (constitués jusqu’alors de financements bancaires et de dettes obligataires Euro-PP ou convertibles) et de réduire le coût moyen de notre dette. Nous avons donc profité de la réouverture du marché des billets de trésorerie au dernier trimestre pour mener à bien cette opération.

Par ailleurs, avant la crise sanitaire, nous avions lancé un grand projet de refonte de nos outils financiers sur trois ans. En effet, chaque pôle d’activité avait ses propres outils comptables et nous voulions centraliser nos dispositifs au sein d’un ERP commun au niveau du groupe, ainsi que d’un logiciel de gestion budgétaire unique. Nous avons réussi à continuer le développement de ce projet en 2020 et venons de déployer ce nouvel outil au sein de la première filiale. Nous allons poursuivre l’implémentation de ces deux nouveaux outils dans le courant de l’année.

En parallèle, nous allons continuer d’intégrer le promoteur allemand Pantera, acquisition que nous avons réalisée juste avant le confinement. Pour l’instant, nous n’avons pas prévu d’autres opérations de croissance externe, préférant nous concentrer dans un premier temps sur notre programme de cessions.

En effet, en fin d’année, nous avons défini un plan stratégique selon lequel nous avons décidé de nous recentrer sur nos activités de promotion immobilière. Ainsi, nous avons prévu de céder dans le courant de l’année 2021 notre activité de résidences seniors Aegide-Domitys. Cette activité a bien résisté à la crise, mais le niveau de marge y est plus faible. De plus, nous avons pour objectif d’augmenter notre flexibilité financière, c’est-à-dire de réduire notre endettement pour avoir plus de marge de manœuvre pour investir sur les activités de promotion immobilière. Nous allons notamment travailler sur de nouveaux projets immobiliers moins énergivores. La crise a été à ce titre un accélérateur des projets prenant encore plus en compte les enjeux environnementaux.

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