Rémunération

Que pouvez-vous attendre de votre entretien annuel ?

Publié le 13 décembre 2013 à 17h02    Mis à jour le 24 juillet 2014 à 15h59

Morgane Remy

A l’occasion des entretiens annuels, seuls les cadres financiers qui peuvent se prévaloir de bonnes performances auront la possibilité d’obtenir une revalorisation de leur salaire. Toutefois, les entreprises offrent également de plus en plus de primes exceptionnelles, des formations et des possibilités de progression.

Alors que débute la saison des entretiens annuels, la plupart des cadres financiers ne s’attendent pas à de fortes augmentations. Crise oblige, les entreprises modèrent en effet toutes leurs sources de dépenses à commencer par celle de ma masse salariale.«Selon nos estimations, les hausses de salaires pour l’ensemble des cadres toutes catégories confondues pour l’année prochaine seront de 2,4 % contre 2,5 % en 2013, explique Philippe Burger, associé capital humain chez Deloitte. Même chez les entreprises particulièrement généreuses, la moyenne de revalorisation du salaire passe de 3 % à 2,7 %.»

Dans cette tendance baissière, les enveloppes pour les augmentations des financiers ont longtemps été préservées, car le travail de ces derniers était considéré comme essentiel pour maintenir la rentabilité de l’entreprise en période de conjoncture morose. Mais cette particularité tend à disparaître, depuis deux ou trois ans.«Les entreprises ayant mis l’accent sur la mobilité interne – notamment entre les différents métiers, de la finance au marketing en passant par les opérationnels –, elles ont voulu assurer une certaine équité salariale entre ces derniers, explique Philippe Burger. Les différences tendent à se lisser et, à niveau de responsabilité égale, les financiers ne gagnent “que” 1 % de plus que la moyenne.»

Toutefois, malgré ce contexte peu encourageant, les meilleurs éléments de la direction financière devraient néanmoins arriver à tirer aisément leur épingle du jeu.

Des hausses de salaires très ciblées

En effet, si les hausses moyennes restent à un niveau faible, les directeurs financiers peuvent choisir de privilégier certains collaborateurs. «Nous attribuons une enveloppe globale aux managers de la fonction finance qui choisissent ensuite comment la répartir entre les membres de leur équipe», confirme Elodie Grangé, responsable des ressources humaines de Schneider Electric pour la fonction finance et juridique. Cette latitude permet, dans la plupart des cas, de retenir les membres les plus essentiels de l’équipe. Dans ce cadre, certaines fonctions bénéficient d’une attention particulière.

«Les métiers d’experts qui sont potentiellement difficiles à pourvoir en cas de remplacement, bénéficient d’un atout dans leurs négociations salariales, confirme Bruno Fadda, directeur associé de Robert Half. Par exemple, le départ d’un consolideur qui maîtrise très bien les normes IFRS, les systèmes d’information de consolidation serait coûteux et risqué. Ce dernier doit donc être fidélisé !». Ce peut également être le cas pour un responsable de la comptabilité fournisseurs, lorsque l’entreprise a choisi de mettre un accent particulier sur la réduction des délais de paiement, dans le cadre d’une démarche d’optimisation de son besoin en fonds de roulement.

En dehors de ces situations particulières, un cadre financier peut tout à fait mettre en avant ses réussites de l’année, en présentant de façon ponctuelle et précise ses performances lors de l’entretien annuel (voir encadré). «Le marché du travail s’améliorant légèrement, les meilleurs talents peuvent plus facilement trouver un poste dans une autre entreprise», souligne Johann Van Nieuwenhuyse. Après deux à trois années de faibles progressions de salaires, il est donc plus stratégique que jamais de consentir un effort significatif pour les retenir. «Si le financier peut justifier d’une très bonne performance, il peut obtenir jusqu’à 5 % d’augmentation», note Philippe Burger.

Un accent mis sur la part variable

Toutefois, dans la plupart des cas, cette hausse s’appliquera au package de rémunération et les entreprises privilégieront les augmentations sur la part variable. «Comme ces dernières souhaitent contrôler leurs coûts fixes, elles privilégient les bonus dans les négociations, ceux-ci étant à la fois corrélés à la performance du salarié et aux résultats de la société», souligne Bruno Fadda. Ainsi, lors de son entretien annuel, le cadre financier aura deux objectifs. D’abord, c’est à cette occasion que sera défini le pourcentage du bonus auquel il aura droit au titre de l’année écoulée.

Il devra donc défendre son bilan pour essayer de maximiser cette part variable. Mais surtout, cette réunion est également l’occasion de négocier son futur bonus, tant sur le montant que sur les conditions d’attribution. «Les entretiens annuels sont aussi le moment où nous fixons les objectifs individuels de nos cadres financiers, pour 2014, témoigne Elodie Grangé. Ces derniers peuvent être orientés en fonction de projets structurants, comme l’amélioration des outils informatiques par exemple.»

Selon les chasseurs de tête, les entreprises sont néanmoins de plus en plus exigeantes concernant les résultats demandés pour l’attribution de la part variable et il est de plus en plus rare que les cadres obtiennent la totalité de leur bonus. «Selon notre base d’information, le montant moyen payé est de l’ordre de 81 % du variable cible, note Philippe Burger. Nous notons également davantage de différences entre les plus performants et les autres.»

Face à ce constat, les financiers sont devenus proactifs. «De leur côté, ces derniers hésitent de moins en moins à négocier les conditions de performances dont dépend l’attribution de leurs bonus», témoigne Johann Van Nieuwenhuyse et ajoute«Ils peuvent notamment les mettre en perspective avec les difficultés conjoncturelles ou internes du projet concerné.»

Des rémunérations complémentaires à négocier

Outre la part variable, des primes exceptionnelles peuvent être également obtenues dans le cadre de la réalisation d’un projet ponctuel, comme la mise en place d’un centre de services partagés ou la gestion d’une fusion. «Ces primes peuvent être conséquentes, précise Marina Baillon, senior manager de la division finance d’entreprise chez Robert Walters. Par exemple, dans un groupe industriel, un directeur financier d’un pays d’Europe de l’Est, qui a travaillé sur l’acquisition et l’intégration d’une nouvelle filiale a obtenu un salaire de 90 000 euros – hors package d’expatriation –, grâce notamment à la part variable.»

A défaut d’obtenir une augmentation, il est également possible de négocier de nouvelles gratifications. «On peut tout à fait obtenir des avantages en nature mais cela reste très corrélé au niveau hiérarchique du potentiel bénéficiaire», nuance Philippe Burger. Par exemple, un jeune cadre pourra recevoir une tablette numérique tandis qu’un directeur financier bénéficiera d’une voiture de fonction. Enfin, l’entretien annuel peut également être le moyen d’obtenir de meilleures conditions de travail.

«Dans certaines entreprises où le management intermédiaire n’a pas les moyens d’augmenter tous les collaborateurs qu’il souhaite fidéliser, ces derniers peuvent demander un nouveau type d’aménagement, annonce Philippe Burger. Par exemple, un responsable du directeur de contrôle de gestion peut accorder des horaires plus flexibles ou la possibilité de travailler à distance si le membre de son équipe en exprime le souhait.»Cette tendance est encore émergente et dépend de l’organisation des entreprises mais elle est de plus en plus utilisée comme un palliatif, lorsque les salaires sont gelés.

Des moyens de faire ses preuves

Dans cette même logique, les financiers peuvent également demander des formations, afin de compléter leur palette de compétences. Leur financement dépend en effet d’un autre budget de l’entreprise qui doit y consacrer au minimum 0,55 % de la masse salariale brute tous les ans pour les TPE à 1,60 % pour les entreprises de plus de 20 salariés.

«Nous échangeons, notamment au moment des entretiens annuels, sur les besoins en formation qui peuvent être aussi bien techniques, que financiers ou juridiques, ou encore du coaching managérial ou même “multiculturel” afin de les aider à travailler avec des équipes étrangères, témoigne Elodie Grangé. Cela leur permet non seulement d’améliorer leur travail au quotidien mais également de se préparer à prendre de nouvelles responsabilités.»

A terme, les bénéficiaires de ces cursus pourront plus facilement prétendre à des promotions voire à changer d’entreprise. Dans la même optique, prendre des responsabilités en proposant de prendre part – voire d’encadrer – un projet permet d’acquérir une nouvelle expérience très valorisable. Par exemple, un financier peut informer sa hiérarchie de son intérêt et de ses compétences pour certains projets d’optimisation de la performance de la direction financière. Il peut ainsi gérer des démarches allant de l’amélioration du process de facturation à mise en place d’un ERP, sur plusieurs années. Les cadres financiers qui se sentent capables de mener de tels projets ont d’autant plus intérêt à se lancer dans une telle démarche que, de leur côté, les entreprises s’y montrent de plus en plus ouvertes.

D’après la plupart des spécialistes en recrutement, les directions financières devraient en effet privilégier, dans leur politique de fidélisation, des promotions internes. Même si le gain financier n’est pas immédiat, ces efforts peuvent donc déboucher un ou deux ans plus tard à une évolution hiérarchique permettant d’augmenter sa rémunération de 10 % à 15 %. Un pari sur l’avenir qui peut se révéler payant.

Des augmentations très disparates selon les métiers

 Les financiers d’entreprises qui découvriront, lors de leur entretien annuel, le montant de leur augmentation, ne devraient pas connaître de bonne surprise. Depuis trois ans, en effet, la tendance, en matière de hausse des rémunérations est plutôt à la modération. Ainsi, selon le baromètre des fonctions financières, réalisé par l’Association nationale des directeurs financiers et de contrôle de gestion (DFCG), Michael Page et Option Finance, 50 % des directeurs administratifs et financiers n’ont pas enregistré d’augmentation de leur salaire en 2013.

Ils sont de ce fait parmi les moins biens lotis de la fonction finance, comparés notamment aux auditeurs (36 %) ou aux contrôleurs de gestion (38 %). Surtout, les directeurs financiers subissent une dégradation marquée : ils n’étaient que 32 % à ne pas avoir vu leurs salaires progresser en 2012… et 27 % en 2010. De même, cette année, seuls 39 % d’entre eux bénéficié d’une hausse de leurs émoluments comprise entre 1 % et 5 %, contre 50 % l’an dernier et 56 % en 2010. Seule consolation, ils sont 8 % à avoir perçu, en 2013, une augmentation supérieure à 8 %, à égalité avec les contrôleurs de gestion.

Les auditeurs internes sont toutefois 6 % à avoir connu une hausse de plus de 10 %. Les trésoriers et les consolideurs, pour leur part, ont vu les revalorisations de salaires plafonnées à 8 %. Mais, dans l’ensemble, la majorité des augmentations a été comprise entre 1 % et 3 %. Sont ainsi concernés 29 % des directeurs administratifs et financiers, 28 % des auditeurs internes, 56 % des trésoriers, 37 % des consolideurs, et 36 % des contrôleurs de gestion.

Les cinq questions à se poser avant un entretien annuel

Un entretien annuel se prépare, et ce encore plus si vous êtes financier ! Pour cela, il faut pouvoir répondre à cinq questions clés.

1. Quelle est la situation de mon entreprise ?

Avant de solliciter une augmentation, les financiers – et surtout eux ! – doivent savoir si la période est propice à une telle demande. «Les financiers, qui calculent la performance de l’entreprise ont conscience de la situation dans laquelle celle-ci se trouve et ne peuvent pas en faire abstraction dans leur demande», souligne Marina Baillon, senior manager de la division finance d’entreprise chez Robert Walters. Dans ce cadre, le statut du directeur administratif et financier groupe est un peu particulier.

«D’un côté, il dispose d’un avantage de taille : celui de connaître la stratégie de son entreprise en termes d’augmentations, note Johann Van Nieuwenhuyse, directeur senior de Michael Page. Mais d’un autre côté, il a aussi le devoir d’être exemplaire. Il serait mal perçu de demander une revalorisation de sa rémunération en période de gel général des salaires. Cette erreur est pourtant commise par près d’un directeur financier sur six.»

2. Comment démontrer mes performances ?

Lors de l’entretien, le financier doit appuyer sa démarche par des arguments concrets. «Le salarié ne doit pas être dans la revendication mais dans la démonstration : s’il apporte la preuve de la plus-value qu’il apporte à l’entreprise, il sera écouté», conseille Bruno Fadda, directeur associé de Robert Half. Les financiers doivent donc aborder la même approche que dans leur travail quotidien : mesurer les résultats obtenus, puis les mettre en perspective, comme le ferait un directeur financier lors d’un roadshow. «On attend d’eux une présentation factuelle de leurs résultats, de façon chiffrée, argumentée et nourrie d’exemples», témoigne Elodie Grangé, responsable des ressources humaines de Schneider Electric pour la fonction finance et juridique.

3. Mon salaire correspond-il à celui du marché ?

Toujours en amont de l’entretien, les cadres doivent connaître les salaires de leurs homologues, dans d’autres sociétés. «Pour ne pas se décrédibiliser, il faut que leurs prétentions soient en ligne avec la pratique du marché», affirme Johann Van Nieuwenhuyse. Il ne faut alors pas hésiter à contacter des chasseurs de têtes, se procurer les études de rémunérations et échanger avec ses pairs.

4. A quelle formation puis-je prétendre ?

Si le financier cherche à obtenir une formation, il convient également de se renseigner en interne. «En effet, le mieux est d’anticiper les besoins de l’entreprise», note Johann Van Nieuwenhuyse. Par exemple, si un projet de déploiement d’un ERP, d’amélioration de la gestion du poste client ou la mise en place d’un cash-pooling se profile, il est stratégique de se former en conséquence afin de pouvoir, potentiellement, l’encadrer.

5. Si je souhaite demander une promotion, est-ce le bon moment ?

Les entreprises privilégient de plus en plus la mobilité en interne, afin de proposer de progressions de carrière plus rapides. Pour autant, se précipiter serait néfaste : la plupart des entreprises jugent négativement une demande formulée trop rapidement après une prise de fonction. «Nous considérons que nos collaborateurs doivent rester au moins trois ans à leur poste, car c’est le temps nécessaire pour maîtriser aux mieux les missions et apporter à l’entreprise toute leur valeur ajoutée ; ils ont ensuite la possibilité d’évoluer vers d’autres postes ou fonctions au sein de Schneider Electric», précise Elodie Grangé.

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