Fondée il y a 200 ans, la société Sabarot Wassner spécialisée dans l’achat et le conditionnement de céréales, légumes secs et graines fait partie des rares entreprises qui ont vu leur chiffre d’affaires progresser au premier semestre. Certes, son activité liée à la vente de produits dans les grandes surfaces a bénéficié de la hausse de la consommation des ménages pour les produits de première nécessité. Mais le groupe a aussi réussi à préserver sa trésorerie, pourtant également chahutée. Une situation qui lui permet de poursuivre ses investissements prévus avant la crise.
Comment la crise sanitaire actuelle affecte-t-elle votre activité ?
Sabarot Wassner est une société familiale spécialisée dans l’achat et le conditionnement de céréales, légumes secs et graines notamment. 45 % de notre chiffre d’affaires provient de la vente de nos produits aux grandes et moyennes surfaces (GMS), 18 % est issu de notre activité restauration hors foyers, 19 % auprès des industriels et 18 % de nos ventes à l’export. Au premier semestre, nous avons enregistré une croissance de 3 %, contre 5 % l’an dernier. En effet, l’activité GMS a crû de 15 % au premier semestre, portée par une hausse de la demande des consommateurs pendant le confinement, mais la restauration hors foyers et les exportations ont baissé de 10 %. Désormais, toutes nos activités sont de nouveau en croissance. Néanmoins, nos perspectives de vente ont évolué. Il y a par exemple dorénavant une demande de céréales et légumes secs plus importante, alors que les produits préparés se vendent moins bien. En conséquence, nous devons nous adapter à cette évolution de l’activité.
La direction financière a-t-elle dû prendre des mesures particulières dans ce contexte exceptionnel ?
Nous nous sommes surtout concentrés sur notre cash et notre BFR. Nous avons été sollicités par nos fournisseurs pour réduire nos délais de paiement. En effet, les procédures de dédouanement ont été plus longues pendant le confinement. Nos fournisseurs étrangers nous ont donc demandé de payer une partie de la marchandise en avance, ce qui a pesé sur notre trésorerie. Dans ce cadre, nous avons contacté nos banques afin notamment d’annuler certains crédits documentaires devenus inutiles et de pouvoir régler nos fournisseurs par virement.
Afin de préserver notre cash, nous avons en parallèle renforcé le suivi de nos clients à l’export, d’autant que beaucoup d’entre eux, notamment aux Etats-Unis, ont fermé pendant le confinement. Avec l’aide des commerciaux, nous avons gardé contact avec eux, afin de s’assurer de leurs règlements. Nous avons aussi veillé à ce que nos assureurs crédit continuent de nous couvrir. Globalement, cette période a permis à la comptabilité et aux commerciaux de travailler ensemble pour reprendre nos dossiers clients et faire le point sur les paiements de ces derniers. Grâce à ces mesures, nous avons même réduit nos créances clients de 5 % par rapport au niveau habituel ! Au final, cela nous a permis de maintenir notre besoin en fonds de roulement au niveau d’avant crise.
En outre, en mai, nous avons révisé notre budget initial en tablant sur un chiffre d’affaires égal à celui de 2019 – contre 5 % de croissance prévue initialement. Pour l’instant, nous sommes même en avance par rapport à nos objectifs révisés.
Enfin, nous avons clôturé nos comptes 2019 avec un mois de décalage afin de finaliser nos présentations financières à destination des banques.
Avez-vous eu recours à des dispositifs publics ?
Nous avons eu recours au chômage partiel, essentiellement pour cause de garde d’enfants. Environ 15 % de notre effectif a bénéficié de ce dispositif.
En revanche, nous n’avons utilisé aucun autre outil proposé dans le cadre de la crise (report de charge, prêt garanti par l’Etat). Notre activité a globalement perduré pendant cette période. Nous voulions donc conserver le rapport entre nos charges et notre chiffre d’affaires. De plus, nous avions prévu, avant le confinement, d’investir dans un entrepôt automatisé, et donc de solliciter un prêt auprès de nos banques. Nous avons préféré que celles-ci nous suivent dans ce projet de long terme plutôt que sur des problématiques de trésorerie.
Comment votre direction financière s’est-elle organisée ces dernières semaines et comment travaille-t-elle aujourd’hui ?
Je chapeaute 10 personnes, dont deux travaillent pour la partie systèmes d’information. Avant le confinement, nous avions tous un jour de télétravail autorisé par semaine, mais seule une personne utilisait ce jour de télétravail. Les 15 premiers jours du confinement, nous avons tous travaillé à distance, équipés de nos ordinateurs fixes du bureau si besoin, puis nous avons repris en présentiel à 50 %. Depuis le déconfinement, nous avons étendu le télétravail à deux jours par semaine, au moins jusqu’à la fin de l’année. Pour l’instant, la plupart d’entre nous y ont recours ainsi que moi-même.
En outre, compte tenu du protocole sanitaire, nous avons distribué des masques lavables et réorganisé les espaces communs, en mettant en place un planning afin d’éviter que ceux-ci ne soient pas surchargés. Les coûts engendrés par ces mesures sanitaires sont peu significatifs.
Quels sont vos principaux chantiers pour accompagner la relance de votre activité dans les semaines à venir ?
Nous sommes globalement confiants sur les mois à venir, mais tout reste suspendu à l’évolution de la crise sanitaire.
Pour l’instant, nous sommes concentrés sur la construction de notre entrepôt automatisé qui va débuter fin septembre. Cet investissement d’un montant de 7 millions d’euros va nous permettre d’optimiser nos stocks et de répondre plus vite à nos clients. Nous venons d’obtenir de la part de notre pool bancaire notre dernier accord de crédit pour financer la partie immobilier, et il nous reste à financer la partie mobilier. De plus, cet entrepôt fonctionnera avec des panneaux photovoltaïques nous permettant de produire nous-mêmes notre électricité. L’ensemble de ces investissements est éligible à subvention dont une subvention européenne pour un montant maximum de 600 000 euros. De plus, dans le cadre du plan de relance, l’Etat devrait davantage soutenir les industries agroalimentaires considérées comme stratégiques. Dans ce cadre, nous espérons pouvoir lever 200 000 euros de subventions supplémentaires.
Par ailleurs, nous allons prochainement lancer la préparation de notre budget 2021. Nous allons notamment devoir travailler sur nos hypothèses d’achat de matières premières, et sur la problématique du taux de change euro-dollar, ce marché étant particulièrement perturbé actuellement. En effet, nous réalisons jusqu’à 30 % de nos achats de matières premières en dollar US pour un chiffre d’affaires libellé en dollar inférieur à 5 % aux Etats-Unis.