Recrutement

Les sociétés de gestion privilégient les profils expérimentés

Publié le 24 janvier 2020 à 17h41    Mis à jour le 24 janvier 2020 à 18h50

Sandra Sebag

Si les grandes structures misent plutôt sur la mobilité interne, les maisons de taille plus petite continuent à recruter. Elles embauchent essentiellement des gérants et des commerciaux sur des spécialités pointues, avec de l’expérience et un carnet d’adresses.

En 2019, les sociétés de gestion ont profité d’un contexte relativement favorable pour recruter. «L’an dernier, nous avons continué à être sollicités par plusieurs sociétés de gestion qui souhaitaient se renforcer ou lancer de nouvelles activités, confirme Corinne Oremus, directeur général délégué de Vendôme Associés. Le marché de l’emploi a ainsi été relativement dynamique.» Un point de vue partagé par de nombreux cabinets de recrutement. «L’année 2019 a été positive pour les sociétés de gestion qui se rémunèrent sur les encours gérés ; elles ont ainsi pu augmenter leurs effectifs», renchérit Harold Valat, associé chez Vauban Executive Search. Et pour cette année, les spécialistes s’attendent à la même dynamique. «Les recrutements devraient suivre les mêmes tendances en ce début 2020», poursuit Corinne Oremus.

Ce contexte porteur ne concerne pas toutefois toutes les sociétés de gestion. Le marché de l’emploi est relativement segmenté entre les très grandes maisons de gestion et les structures de taille moyenne et petite. Les premières sont engagées dans des problématiques de restructuration et de réduction des coûts, parfois même par le biais de plans sociaux. Cela a été le cas par exemple en 2019 de BNP Paribas Asset Management ou encore d’Ostrum, filiale de Natixis Investment Managers, et d’Axa Investment Managers (IM) en 2018. Ces acteurs privilégient alors la mobilité interne aux recrutements externes. «Les grandes structures, très attentives à l’optimisation de leurs résultats et à la rétention de leurs talents, favorisent les mobilités et ont ouvert moins de postes aux recrutements externes que les structures de taille moyenne et petite», confirme Corinne Oremus. Ces dernières sont confrontées à une autre problématique : dans un contexte de compression des marges et de développement de la gestion passive, elles doivent posséder des produits de convictions et/ou des produits sur des classes d’actifs de diversification afin de se distinguer des grandes maisons. Elles doivent donc investir.

Des spécialistes de l’alternatif au sens large

Ce sont ces acteurs de taille petite et moyenne qui fournissent ainsi aux cabinets de recrutement l’essentiel de leurs missions. Ces dernières sont essentiellement centrées sur deux types de fonction : les gérants et analystes/gérants d’une part et les commerciaux d’autre part. A chaque fois, les profils recherchés sont des experts dans leur domaine. «Les demandes portent sur des profils très ciblés, relève Corinne Oremus. Les sociétés de gestion de taille moyenne et petite recherchent des gérants actions, mais également des experts de la dette, du high yield ou de l’alternatif.» Autre spécialité très prisée : l’immobilier. «Les sociétés de gestion qui proposent des OPCI (organisme de placement collectif en immobilier) et des SCPI (sociétés civiles de placement dans l’immobilier) sont dans des dynamiques très favorables en termes de collecte et recrutent des spécialistes notamment des asset managers», souligne Harold Valat. Enfin, les embauches concernent aussi les gérants et analystes spécialisés dans l’investissement socialement responsable (ISR) et l’impact. «L’ISR et l’impact investing, tout comme les infrastructures, constituent, d’après les sociétés de gestion, des marchés d’avenir sur lesquels elles veulent miser», avance Harold Valat. Outre les compétences techniques, ces acteurs favoriseraient des candidats capables d’apporter, dans leur escarcelle, des clients. «Les sociétés recherchent des gérants qui puissent venir avec un certain volume d’affaires», relève Harold Valat.

Dans cette perspective, les postes de commerciaux sont tout aussi stratégiques. Là encore, des profils expérimentés sont privilégiés, pour leur expérience et surtout leur carnet d’adresses. Les cabinets de recrutement se voient assigner des demandes très précises dans ce domaine. «Nos clients sont attentifs à la connaissance pointue du segment de clientèle concerné et au développement de celle-ci, explique Corinne Oremus. Il s’agit aussi de retenir des candidats faisant preuve de curiosité et d’agilité intellectuelle. En effet, dans un contexte concurrentiel très fort, il est important de sortir des solutions classiques, d’interagir avec les autres directions de la société de gestion, de savoir proposer et convaincre parfois sur des fonds plus innovants.» Et les salaires versés s’en ressentent. «Certains postes de commerciaux sont ouverts au recrutement sur des niveaux de salaires qui dépassent ceux des gérants et correspondent à des postes de direction générale, souligne Harold Valat. Avec primes, les salaires proposés peuvent grimper jusqu’à 300 000 euros, contre entre 100 000 et 200 000 euros pour des gérants.» Du côté des fonctions supports, en revanche, l’heure ne serait plus au renforcement. «Pendant plusieurs années, les sociétés de gestion ont développé les fonctions supports, en particulier celles dédiées aux risques et à la conformité, rappelle Corinne Oremus. Les recrutements dans ces domaines ont tendance à se stabiliser, les équipes étant constituées. En revanche, les profils permettant d’améliorer l’efficacité opérationnelle et l’expérience client, ce qui implique une bonne maîtrise des données, restent très sollicités.»

Ces évolutions ne sont logiquement pas favorables aux jeunes diplômés. «Les sociétés de gestion ne recrutent plus de jeunes diplômés, ni de profil junior, relève Odile Couvert, associée chez Amadeo Executive Search. Ces derniers rencontrent des difficultés à trouver un stage ou un premier emploi dans ce secteur et s’orientent plutôt vers d’autres types d’activité. D’ailleurs, ils sont de moins en moins séduits par le monde bancaire et financier et s’orientent davantage vers les nouvelles technologies et les fintechs». Une tendance qui pèsera à terme sur la pyramide des âges de la gestion d’actifs, mais aussi sur le dynamisme et la capacité à innover de cette industrie.

Des restructurations qui créent des opportunités et des déceptions

L’an dernier, les restructurations engagées par des grandes maisons de gestion, comme par exemple le rapprochement entre les équipes de gestion taux d’Ostrum Asset Management et de la Banque Postale Asset Management (LBPAM), ont entraîné des réactions en chaîne au niveau des directions. Ainsi, le patron de LBPAM, Daniel Roy, a-t-il rejoint Generali, tandis qu’Ostrum recrutait Philippe Setbon de Groupama Asset Management. Ces changements entraînent souvent des modifications dans les équipes. «Lorsque les patrons changent, les équipes bougent aussi, ce qui crée des opportunités», souligne Corinne Oremus, associée chez Vendôme et Associés.

Ces bouleversements ne se font toutefois pas toujours à l’avantage des salariés. «Les gérants et les managers concernés par les restructurations ne parviennent pas tous à retrouver un emploi, précise Odile Couvert, associée chez Amadeo Executive Search. Il y a actuellement beaucoup de gérants et de profils seniors comme d’anciens responsables de filiales qui sont disponibles, ou encore des collaborateurs londoniens qui cherchent à revenir à Paris. Tous ne retrouveront pas un emploi dans la gestion d’actifs.» Parmi les pistes possibles pour ces profils figure le consulting. «Ils essaient souvent de développer une activité de conseil en attendant une opportunité ou souhaitent monter une société de gestion. Mais pour cela, il leur faut des clients qui puissent apporter d’emblée des capitaux, sans quoi les projets ne peuvent se monter», conclut Odile Couvert.

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