La préservation et la restauration de la biodiversité font figure de « nouvelle frontière » pour les gérants d’actifs et les entreprises. Si le sujet est étroitement lié à celui du changement climatique, il demeure toutefois plus complexe à appréhender du point de vue du financement de solutions et de la mesure d’impact. Tout comme pour le climat, la finance a un rôle crucial à jouer pour structurer la prise en compte de la biodiversité par le monde économique, expliquent Anne-Laurence Roucher, directrice générale déléguée et directrice du capital naturel et du private equity, Mathilde Dufour, directrice de la recherche en développement durable et Hervé Guez, directeur des gestions listées chez Mirova.
D’où proviennent les principales pressions sur la biodiversité ?
Mathilde Dufour : Toute activité humaine a un impact sur la biodiversité. Néanmoins, certains secteurs exercent des pressions très fortes sur la nature, notamment l’agriculture. L’élevage de bœuf, la culture de l’huile de palme, du soja et, dans une moindre mesure, du café et du cacao, figurent parmi les principales causes de déforestation dans le monde. Or la plupart des cultivateurs sont de petits exploitants : toute action sur ces secteurs a donc aussi des répercussions sociales. Se dessine donc déjà dans ce premier constat toute la complexité de la préservation et restauration de la biodiversité : elle ne peut être envisagée sans prendre en compte l’impact social sur les populations.
Anne-Laurence Roucher : Les faits sont connus : il faudrait environ entre 700 et 900 milliards d’euros par an d’ici 2030 pour restaurer la biodiversité1 , qui est elle-même très couplée à l’économie. En effet, la moitié du PIB mondial dépend des services rendus par la nature qui, eux, sont gratuits2 . Cela comprend évidemment notre alimentation, mais aussi les ressources que nous pouvons extraire de la terre. Outre les activités humaines directes, le changement climatique a également un lourd impact sur la biodiversité, dont la destruction vient ensuite elle-même aggraver le réchauffement. La déforestation, par exemple, signifie la destruction de puits de carbone. En complément de l’aspect social évoqué par Mathilde, la biodiversité est donc aussi intimement liée aux enjeux climatiques.