« La conservation et la restauration de la biodiversité sont devenues une sorte de "nouvelle frontière" pour les gestionnaires d'actifs et les entreprises. Si le sujet est profondément lié au changement climatique, il n'en reste pas moins plus compliqué à aborder en termes de financement des solutions et de mesure de l'impact. Comme pour le changement climatique, la finance a un rôle crucial à jouer pour structurer la prise en compte de la biodiversité par les systèmes économiques. »
Comment évaluez-vous la politique des entreprises cotées en matière de biodiversité ?
Hervé Guez : Il faut garder à l’esprit, comme évoqué par Mathilde et Anne-Laurence, que toute activité humaine ou industrielle a un impact négatif sur la biodiversité. Contrairement au climat, rares sont les entreprises cotées dont l’activité première consiste à restaurer la biodiversité. En revanche, elles peuvent chercher à réduire la pression qu’elles lui font subir et, chez Mirova, c’est ce que nous allons regarder. Les sociétés peuvent par exemple agir sur l’exploitation des ressources, leurs intrants, le recyclage, construire une filière durable, etc. Une fois ce travail effectué, il est possible de compléter la démarche avec une logique de compensation, comme ce que l’on peut observer sur le carbone au sujet du climat. La prise en compte de la biodiversité dans l’investissement va nécessiter de la pédagogie, car beaucoup des technologies innovantes utilisées pour résoudre la question de la transition climatique ont un impact sur le milieu naturel en ce qu’elles impliquent une exploitation des ressources. À moins de prôner la décroissance, un impact zéro sur la biodiversité n’est donc pas encore atteignable dans un portefeuille d’entreprises cotées. Le rôle de la finance est donc de favoriser de nouveaux usages et l’adoption de pratiques plus vertueuses par les entreprises. Il est aussi possible de financer des solutions innovantes qui émergent, comme ce fut le cas pour le climat − mais c’est encore un univers d’investissement très restreint. Enfin, nous devons encourager le recours à des innovations financières telles que les certificats biodiversité. Il faut être clair sur ce que l’on peut attendre de la finance en matière de préservation de la biodiversité.
Mathilde Dufour : Nous avons des « lignes rouges », des activités dans lesquelles nous n’allons pas investir, comme celles liées à la déforestation ou la production de plastique pour la grande consommation. De plus, nous travaillons sur des métriques et des mesures modélisées qui nous permettent d’objectiver l’action d’une entreprise, de quantifier, par exemple, les impacts négatifs sur la biodiversité, mais aussi les impacts évités ou réduits… Il faut se méfier de l’écoblanchiment sur ce sujet complexe à appréhender.