(AOF) - La surtaxation du secteur aérien "va rendre les compagnies européennes un peu plus vulnérables". Tel est le constat dressé par Marc Ivaldi, professeur d'économie à TSE et à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), président de l'Association française de l'économie des transports (Afet). Dans un entretien accordé à AOF, il détaille les conséquences à attendre de l’augmentation des taxes prévue par un amendement au PLF 2025 déposé par le gouvernement.
Quel sera l'impact de la taxation prévue par le gouvernement sur le secteur aérien ? La Fnam, l'organisation professionnelle du secteur, estime qu'elle " pèsera de manière disproportionnée sur les compagnies basées en France et leurs salariés ".
Elle entraînera une augmentation du prix des billets d'avion en Europe. Toutes les compagnies actives au départ de Paris vont être impactées. Or, Emirates ne va pas concurrencer Air France ou Lufthansa sur Paris-Berlin, cette taxation se traduira par une hausse des prix. Sur Paris-Berlin, Lufthansa comme Air France vont augmenter leurs prix et ce sont les consommateurs qui payeront la taxe.
Quels effets peut-on en attendre ?
A mon avis, il n'y aura pas beaucoup d'effets. D'abord parce que toutes les compagnies augmenteront leurs prix, donc le jeu de concurrence ne s'exercera pas. Et ensuite parce que de toute manière, la demande de voyages est forte. L'impact sera par ailleurs très négligeable sur les émissions de CO2 de l'aviation globale.
Qui paiera la taxe à part les clients ?
Les hôtels, parce qu'en fait tout est lié. Les compagnies aériennes vont augmenter les prix des billets pour transférer la taxe aux consommateurs. Pour attirer les gens dans les zones touristiques, les hôtels n'augmenteront pas autant leurs prix qu'ils l'auraient fait sans cette mesure. En classe éco, ça fera 40 euros en plus sur le billet, et les hôtels de Bali ou de Phuket en Thaïlande vont le savoir.
Pour quelles raisons ?
Quand vous passez un week-end à Prague, vous regardez le prix total : les prix de l'hôtel et du billet d'avion. Au final la surtaxe ne devrait pas changer grand-chose en termes de trafic.
Les compagnies aériennes seront-elles fragilisées ? La Fnam juge le projet " susceptible de conduire à la disparition de pans entiers du transport aérien français "…
Il est certain que cette surtaxation va rendre les compagnies européennes un peu plus vulnérables. Si elles étaient confrontées en plus une augmentation du prix du kérosène, elles n'auraient pas beaucoup de marge de manœuvre. Elles se trouveront même un peu en situation de faiblesse par rapport aux compagnies internationales.
Et sur le marché domestique ? L'élasticité-prix de la demande est-elle plus importante que sur le marché international ?
Pour les vols domestiques, la hausse sera répercutée à peu près totalement sur le prix des billets d'avion. Cependant peut-être qu'Air France ne la répercutera pas entièrement sur des destinations où la concurrence existe, par exemple Paris-Marseille. Sur un trajet comme Paris-Toulouse en revanche, la concurrence du ferroviaire est quasiment inexistante. Les tarifs augmenteront et in fine, ça sera une taxe sur les consommateurs. Sur le marché domestique il est possible qu'une partie des gens réduisent leur nombre de voyages, mettant encore un peu plus Air France dans une situation difficile.
Propos recueillis par Matthieu Richard-Molard.