Défaillances d’entreprises : double hausse à venir à l’échelle mondiale
En 2020 et 2021, les dispositifs publics de soutien aux entreprises ont maintenu les défaillances d’entreprises à un niveau artificiellement bas. De nombreuses entreprises, pourtant fragiles, ont bénéficié de diverses mesures gouvernementales pour s’en sortir. Mais alors que le ralentissement économique mondial guette, que l’inflation persiste, que les incertitudes géopolitiques planent et que ces dispositifs ont désormais pris fin, doit-on craindre un rebond des défaillances d’entreprises ?
Les défaillances vont croître : c’est un fait. Chez Allianz Trade, nous prévoyons un rebond des défaillances d’entreprises à l’échelle mondiale de + 21 % en 2023 et de + 4 % en 2024. Après la légère hausse de 2022 (+ 2 %), nous serons donc sur trois années consécutives de hausse des défaillances.
En cause principalement : le ralentissement de l’activité économique internationale. Selon nos dernières prévisions, la croissance mondiale devrait ralentir à + 2,2 % en 2023. Un rythme insuffisant pour garantir aux entreprises des perspectives de développement suffisantes qui leur permettraient de renforcer leur trésorerie. La zone euro et les Etats-Unis seront particulièrement affectés par cette situation. Selon nos calculs, il leur faudrait respectivement de + 1,3 point et + 1,5 point de croissance additionnelle du PIB en 2023-2024 pour espérer stabiliser les niveaux de défaillances de 2022.
Au-delà du ralentissement économique mondial, des pressions plus intenses sur la rentabilité, des réserves de trésorerie moins grandes et des conditions de financement plus dures pour plus longtemps testeront la résilience des entreprises les plus fragiles. Parmi elles, on retrouve les entreprises ayant un pouvoir de fixation des prix moindre, comme les entreprises de la distribution spécialisées dans le textile ou les équipements ménagers, ou encore certains services dont la restauration. Mais également les entreprises les plus exposées à la hausse des salaires dont les secteurs de la distribution, des transports et de la construction.
Cette recrudescence des défaillances est inquiétante, car elle laisse présager une résurgence du risque d’impayés. Mais elle doit être relativisée : le rebond attendu ne sera pas suffisant pour retrouver, d’un point de vue global, les niveaux d’avant-pandémie.
Cette tendance générale masque toutefois d’importantes disparités locales. Chez Allianz Trade, nous prévoyons qu’en termes de défaillances, 1 pays sur 2 dépassera ses niveaux d’avant-pandémie en 2023, et 3 pays sur 5 seront concernés en 2024. En résumé, la majorité des pays dépasseront les niveaux de 2019 dès fin 2024.
En Europe par exemple, nous attendons 59 000 défaillances en France en 2023 (+ 41 % vs 2022), 28 500 au Royaume-Uni (+ 16 %), 17 800 en Allemagne (+ 22 %) et 8 900 en Italie (+ 24 %). Aux Etats-Unis, nous prévoyons une hausse des défaillances de + 49 % en 2023 (plus de 20 000 cas), qui trouve sa source dans des conditions de financement plus dures et un ralentissement économique prononcé. La Chine ne subira quant à elle qu’une légère hausse des défaillances (+ 4 %), mais la réouverture de l’économie n’a pas fait disparaître tous les risques, notamment dans le secteur de l’immobilier.
Les récentes perturbations connues par le secteur bancaire en Europe et aux Etats-Unis soulèvent une question légitime : quels seraient les impacts d’une crise financière sur les défaillances d’entreprises ?
Chez Allianz Trade, nous avons étudié trois scénarios : (i) une crise financière analogue à celle de 2008 engendrerait 21 600 défaillances d’entreprises additionnelles aux Etats-Unis en cumulé en 2023-2024 et 99 900 en Europe de l’Ouest ; (ii) même sans une crise financière majeure, un credit crunch de l’ampleur de celui de 2000, lors de l’effondrement de la bulle internet, engendrerait respectivement 12 900 et 95 300 défaillances additionnelles ; (iii) enfin, en cas de stagnation du crédit (0 % de croissance des nouveaux emprunts), on dénombrerait respectivement 10 700 et 46 300 défaillances supplémentaires.
La normalisation des défaillances est plus qu’enclenchée. D’un point de vue global, elle ne sera pas encore achevée en 2024. Mais la majorité des pays dépasseront bel et bien leurs niveaux de défaillances de 2019 d’ici deux ans. Nous ne sommes pas sur un simple retour au niveau d’avant-crise, mais bien sur un dépassement des niveaux observés à cette période dans de très nombreuses zones.