France, ta finance fout le camp !
La France, qui n’a jamais eu dans son histoire de Venise, d’Amsterdam ou de Londres, aime chasser les élites. «Je n’aime pas les riches» avait prévenu le candidat Hollande. Son vœu est exaucé, le pays troque ses riches contre des pauvres, se déleste de ses forces vives, mais garde sa dette. «Mon adversaire, c’est la finance», avait-il ajouté. Le message est bien passé, l’ennemi est progressivement bouté hors de l’Hexagone par un puissant mouvement de délocalisations d’activités financières à forte valeur ajoutée vers des pays plus accueillants, avec des conséquences préoccupantes pour nos métiers financiers.
Certes, l’externalisation, souvent première étape d’une délocalisation future, était un phénomène répandu dans le paysage bancaire et financier où il faut traiter un gros volume d’informations. La délégation de l’exécution d’opérations répétitives à un prestataire extérieur censé offrir un meilleur rapport qualité/prix n’est d’ailleurs plus suffisante. Face à la dégradation constante de leurs marges, les entreprises françaises accroissent leur flexibilité en substituant des coûts variables aux coûts fixes et en laissant à leur prestataire le soin de gérer les mutations sociales qu’elles se refusent à affronter elles-mêmes, préférant profiter d’une fenêtre de départs massifs à la retraite.
Alors que l’informatique était l’activité la plus externalisée, voire délocalisée, c’est désormais au tour des activités considérées comme non stratégiques, ainsi que des fonctions support (RH, comptabilité, consolidation, gestion de trésorerie, budget, prévisions, etc.), d’être concernées. Après avoir été longtemps réfractaires à la délocalisation d’activités à valeur ajoutée par crainte des risques sous-jacents (confidentialité des données, nécessité de conserver en interne des compétences minimales, risques de perte de contrôle, de cyberattaque, de réputation), les grandes entreprises françaises se préparent à réaliser d’importants transferts d’activités vers l’étranger, en particulier dans le domaine financier où beaucoup d’entre elles ont franchi le Rubicon.
Mais ce n’est là que la partie émergée de l’iceberg. Les signaux envoyés dans le débat politique (diabolisation des profits et des dividendes des grands groupes, discours pro-PME pour marquer le côté Robin des Bois antifinanciers), combinés au matraquage fiscal (taxation à 75 %, ISF, fiscalité accrue sur les stock-options et les actions de performance, taxe sur les transactions financières, taxe de 3 % sur les dividendes, fiscalité mouvante et rétroactive, harcèlement fiscal) et réglementaire (contraintes du code du travail, réforme de l’inspection du travail, introduction du compte pénibilité, insécurité juridique), accentuent les craintes du monde financier qui considère que les conditions pour un passage à l’acte sont désormais réunies, y compris pour des activités «core business». Il n’est guère aujourd’hui d’acteurs de l’industrie financière qui ne réfléchissent pas à se délocaliser, au moins partiellement.
De nombreux groupes du CAC 40 ont étudié un transfert de leur siège social hors de France. Trop compliqué et politiquement difficile, ils préfèrent, sous le bon prétexte de se rapprocher de leurs marchés, délocaliser progressivement les membres de leurs comités exécutifs et certaines fonctions, financières en priorité, avec les équipes qui suivent en coulisse (quand ce n’est pas la totalité de la trésorerie du groupe). Ils sont surtout prêts à saisir des opportunités d’absorption juridique par des sociétés étrangères, permettant ainsi le transfert en douceur de leur siège social, n’hésitant pas à invoquer «une fusion entre égaux», alors qu’ils sont considérés comme des «cibles» au regard des règles comptables internationales. Autant dire que nos grandes entreprises deviennent des proies consentantes pour les groupes étrangers qui lorgnent sur nos fleurons nationaux, avec des risques à terme de fuite de talents et de capitaux.
L’accélération de ce mouvement d’expatriations et de délocalisations, occultée par les principaux intéressés, qui ne souhaitent pas s’exprimer publiquement sur le sujet, se traduit par un glissement progressif de l’expertise financière française vers Londres et vers la Suisse, avec un risque de perte de savoir-faire et de compétences préjudiciables au développement de la place financière de Paris et à la compétitivité de notre économie.
La France, qui n’a jamais eu dans son histoire de Venise, d’Amsterdam ou de Londres, aime chasser les élites. «Je n’aime pas les riches» avait prévenu le candidat Hollande. Son vœu est exaucé, le pays troque ses riches contre des pauvres, se déleste de ses forces vives, mais garde sa dette. «Mon adversaire, c’est la finance», avait-il ajouté. Le message est bien passé, l’ennemi est progressivement bouté hors de l’Hexagone par un puissant mouvement de délocalisations d’activités financières à forte valeur ajoutée vers des pays plus accueillants, avec des conséquences préoccupantes pour nos métiers financiers.
Certes, l’externalisation, souvent première étape d’une délocalisation future, était un phénomène répandu dans le paysage bancaire et financier où il faut traiter un gros volume d’informations. La délégation de l’exécution d’opérations répétitives à un prestataire extérieur censé offrir un meilleur rapport qualité/prix n’est d’ailleurs plus suffisante. Face à la dégradation constante de leurs marges, les entreprises françaises accroissent leur flexibilité en substituant des coûts variables aux coûts fixes et en laissant à leur prestataire le soin de gérer les mutations sociales qu’elles se refusent à affronter elles-mêmes, préférant profiter d’une fenêtre de départs massifs à la retraite.
Alors que l’informatique était l’activité la plus externalisée, voire délocalisée, c’est désormais au tour des activités considérées comme non stratégiques, ainsi que des fonctions support (RH, comptabilité, consolidation, gestion de trésorerie, budget, prévisions, etc.), d’être concernées. Après avoir été longtemps réfractaires à la délocalisation d’activités à valeur ajoutée par crainte des risques sous-jacents (confidentialité des données, nécessité de conserver en interne des compétences minimales, risques de perte de contrôle, de cyberattaque, de réputation), les grandes entreprises françaises se préparent à réaliser d’importants transferts d’activités vers l’étranger, en particulier dans le domaine financier où beaucoup d’entre elles ont franchi le Rubicon.
Mais ce n’est là que la partie émergée de l’iceberg. Les signaux envoyés dans le débat politique (diabolisation des profits et des dividendes des grands groupes, discours pro-PME pour marquer le côté Robin des Bois antifinanciers), combinés au matraquage fiscal (taxation à 75 %, ISF, fiscalité accrue sur les stock-options et les actions de performance, taxe sur les transactions financières, taxe de 3 % sur les dividendes, fiscalité mouvante et rétroactive, harcèlement fiscal) et réglementaire (contraintes du code du travail, réforme de l’inspection du travail, introduction du compte pénibilité, insécurité juridique), accentuent les craintes du monde financier qui considère que les conditions pour un passage à l’acte sont désormais réunies, y compris pour des activités «core business». Il n’est guère aujourd’hui d’acteurs de l’industrie financière qui ne réfléchissent pas à se délocaliser, au moins partiellement.
De nombreux groupes du CAC 40 ont étudié un transfert de leur siège social hors de France. Trop compliqué et politiquement difficile, ils préfèrent, sous le bon prétexte de se rapprocher de leurs marchés, délocaliser progressivement les membres de leurs comités exécutifs et certaines fonctions, financières en priorité, avec les équipes qui suivent en coulisse (quand ce n’est pas la totalité de la trésorerie du groupe). Ils sont surtout prêts à saisir des opportunités d’absorption juridique par des sociétés étrangères, permettant ainsi le transfert en douceur de leur siège social, n’hésitant pas à invoquer «une fusion entre égaux», alors qu’ils sont considérés comme des «cibles» au regard des règles comptables internationales. Autant dire que nos grandes entreprises deviennent des proies consentantes pour les groupes étrangers qui lorgnent sur nos fleurons nationaux, avec des risques à terme de fuite de talents et de capitaux.
L’accélération de ce mouvement d’expatriations et de délocalisations, occultée par les principaux intéressés, qui ne souhaitent pas s’exprimer publiquement sur le sujet, se traduit par un glissement progressif de l’expertise financière française vers Londres et vers la Suisse, avec un risque de perte de savoir-faire et de compétences préjudiciables au développement de la place financière de Paris et à la compétitivité de notre économie.
Jean-Louis Mullenbach est membre de la DFCG et co-président du comité éditorial de Vox-Fi