La liquidité sur le marché secondaire, enjeu de la sous-évaluation des IPO
La littérature académique sur la sous-évaluation initiale des introductions en bourse est pléthorique. Ce phénomène, mesuré par des taux de rentabilité anormalement élevés en moyenne à l’issue des premiers jours de cotation d’une action nouvellement admise, est observé à l’échelle internationale, à des niveaux plus ou moins élevés selon les pays et selon les périodes. Dans un rapport coécrit avec J.-F. Gajewski (professeur à l’Université Jean-Moulin-Lyon-III) pour le European Capital Markets Institute, nous avions mesuré une décote moyenne de 28 % à l’issue des cinq premiers jours de cotation sur un échantillon de 2104 introductions européennes.
Divers arguments sont avancés pour expliquer les motivations des dirigeants d’entreprise à renoncer à une partie des fonds qu’ils pourraient lever lors de l’introduction. Une première motivation de la décote serait de maximiser la probabilité de réussite du placement des titres en offrant à l’investisseur une compensation pour l’asymétrie d’information qu’il subit sur la vraie valeur de l’entreprise. La décote pourrait également servir à créer un momentum positif pour attirer l’attention des analystes financiers ou pour assurer la réussite de futures augmentations en capital. Elle pourrait aussi servir à choisir la structure de son actionnariat post-introduction, ou encore à maximiser le prix de l’action à l’issue de la période d’incessibilité des titres par les dirigeants.
Une explication à ne pas négliger est l’impact positif de la décote initiale sur la liquidité du marché secondaire et sur la capacité à lever des fonds à nouveau après l’introduction grâce à une attention accrue des analystes financiers. Diverses études empiriques menées aux Etats-Unis et en Europe ont mis en évidence un lien positif entre décote initiale et liquidité du marché secondaire. Pour Booth et Chua (Journal of Financial Economics, 1996) et pour Pham, Kalev et Steen (Journal of Banking and Finance, 2003), ce lien positif se forme par le biais de l’actionnariat : la décote initiale attire des investisseurs en plus grand nombre et débouche sur un actionnariat plus dispersé. Une conséquence de cet actionnariat plus diffus est une plus forte liquidité de l’action.
En revanche, dans des pays comme la France, où la structure de l’actionnariat est traditionnellement plus concentrée, et donc moins sensible aux décotes, la relation positive entre sous-évaluation initiale et liquidité s’établit par un autre canal. Dans un article publié dans Financial Management en 2015 et coécrit avec J.-F. Gajewski et N. Bouzouita, nous montrons que ce canal est l’effet informationnel joué par les analystes financiers. Dans cette étude, basée sur un échantillon de 326 entreprises introduites sur Euronext Paris, nous observons que (1) l’intensité de la couverture du titre par les analystes après l’introduction est croissante avec la sous-évaluation initiale et que (2) la liquidité du titre sur le marché secondaire est croissante avec la couverture additionnelle obtenue grâce à la décote initiale. Cette couverture additionnelle favorise aussi les levées de fonds futures. Dans un chapitre de l’ouvrage de recherche collectif Oxford Handbpook of IPO, coécrit avec N. Bouzouita et à paraître prochainement chez Oxford University Press, nous mettons en évidence que la couverture par les analystes après l’introduction en bourse augmente la probabilité de faire une augmentation de capital garantie dans les cinq ans suivant l’introduction, réduit le délai de réalisation de cette augmentation de capital et favorise la longévité de la relation avec la banque introductrice pour les futures opérations en capital. Par exemple, une augmentation de 1 % du logarithme du nombre de recommandations émises par les analystes dans les six mois suivant l’introduction réduit de 45 % le délai séparant l’introduction de la première augmentation de capital.